Actualité
3 min de lecture
31 janvier 2025
Les parties à un bail commercial, lorsqu’elles sont commerçantes et par une clause très apparente, peuvent valablement donner compétence à un autre juge que celui dans le ressort duquel se situe l’immeuble objet du bail pour connaître des litiges qui en résultent.
Bail commercial : possibilité de déroger par convention aux règles de compétence territoriale
©Getty Images

Des propriétaires de locaux commerciaux agissent en référé contre leurs locataires en vue notamment que soient constatée l’acquisition des clauses résolutoires prévues aux baux, faute de paiement des loyers, et ordonnée l’expulsion des locataires.

Les locaux loués sont situés en dehors de Paris, mais des clauses des baux donnant compétence au tribunal judiciaire de Paris, la demande est portée devant son président.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris se déclare incompétent au profit de la juridiction dans le ressort de laquelle sont situés les immeubles au motif que la règle, qui précise que le juge territorialement compétent pour les contestations portant sur le statut des baux commerciaux est celui du lieu de situation de l’immeuble (C. com. art. R 145-23), est d’ordre public et que toute clause attributive de juridiction doit être réputée non écrite.

Au contraire, la cour d’appel de Paris retient que les parties au bail commercial ayant la qualité de commerçantes peuvent prévoir par une clause, spécifiée de façon très apparente dans l’acte, de déroger à la règle prévue par l’article R 145-23 précité.

A noter :

Les contestations portant sur le statut des baux commerciaux doivent être portées devant le tribunal judiciaire (C. org. jud. art R 211-3-26, 11°) ou son président lorsqu’elles sont relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé (R 211-4, 2°). Le juge territorialement compétent est celui du lieu de situation de l’immeuble concerné (C. com. art. R 145-23, al. 1 et 3). Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée (CPC art. 48).

Par plusieurs décisions récentes (notamment TJ Paris réf. 21-6-2024 nos 23/56868 et 23/55694 : BRDA 19/24 inf. 16), le tribunal judiciaire de Paris s’était écarté de la solution jusqu'à présent retenue par la cour d’appel de Paris, laquelle validait les clauses des baux commerciaux dérogeant aux règles de compétence territoriale (CA Paris 27-6-2001 n° 2001/6069 ; CA Paris 4-6-2009 n° 08/18149 : Loyers et copr. 2009 comm. n° 237 note E. Chavance ; CA Paris 25-11-2016 n° 16/08557 ; CA Paris 26-6-2020 n° 19/19051). Régulièrement saisi d’affaires portant sur des immeubles situés en dehors de son ressort, le tribunal tentait, semble-t-il, d’apporter une réponse aux « enjeux systémiques » de la compétence territoriale en matière de bail commercial en arguant que le principe de proportionnalité et l’exigence de proximité qui en résulte font du juge du lieu de l’immeuble le plus adapté.

La cour d’appel de Paris montre ici qu'elle reste fidèle à sa position, fondée sur les textes. Elle ne fait plus état des considérations relatives au principe de proportionnalité ou de la proximité, revenant au droit d’option posé par l’article 48 du Code de procédure civile.

A notre connaissance, la Cour de cassation ne s’est pas encore directement prononcée sur la question.

Documents et liens associés : 

CA Paris 24-10-2024 n° 24/11779 ; CA Paris 24-10-2024 n° 24/11828

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