Les licenciements économiques concernés
Les critères d'ordre des licenciements sont applicables à tous les salariés de l'entreprise, quelle que soit l'ampleur du licenciement. Même en cas de licenciement individuel, l'employeur détermine le salarié concerné en les appliquant (C. trav. art. L 1233-7).
L'employeur est dispensé de fixer des critères d'ordre des licenciements uniquement lorsqu'il n'a pas de choix à opérer parmi les salariés à licencier, notamment en cas de fermeture totale et définitive de l'entreprise, ou si tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés.
La sélection des critères d'ordre des licenciements
Les critères d'ordre des licenciements sont fixés (C. trav. art. L 1233-5) :
- par la convention ou l'accord collectif applicable dans l'entreprise ;
- ou, à défaut, par l'employeur après consultation du comité social et économique.
Lorsqu'ils sont fixés par l'employeur, les critères doivent obligatoirement prendre en compte (C. trav. art. L 1233-5) :
- les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
- l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
- la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
- les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Précisions
Pour apprécier les qualités professionnelles des salariés, l'employeur doit s'appuyer sur des éléments objectifs et vérifiables (Cass. soc. 21-11-2006 n° 05-40.656 FS-PB). Il peut, par exemple, tenir compte des résultats du dispositif d'évaluation professionnelle mis en place dans l'entreprise, du montant des primes liées aux résultats du salarié, ou de son dossier disciplinaire.
La liste peut être complétée par des critères supplémentaires, à condition qu'ils soient licites : sont interdits, par exemple, les critères exclusivement financiers, ou fondés sur la quotité de travail, le mandat représentatif ou le sexe des salariés. La possibilité pour les salariés de percevoir une pension de retraite ne peut pas être retenue comme critère prioritaire, mais peut constituer un critère parmi d'autres (C. trav. art. L 1233-6).Cette règle, ainsi que l'interdiction des critères discriminatoires, s'impose aussi en cas de détermination des critères par convention ou accord collectif.
L'employeur peut aussi privilégier certains critères ou les pondérer, à condition de prendre en considération tous les critères légaux (CE 27-1-2020 n° 426230).
Attention
Le mode de pondération d'un critère légal d'ordre des licenciements ne doit pas avoir pour effet de le neutraliser. Tel est par exemple le cas si tous les salariés se voient affecter le même nombre de points au titre de leurs qualités professionnelles, le critère est dépourvu de portée (Cass. soc. 26-2-2020 n° 17-18.136 FS-PB).
L'application des critères d'ordre des licenciements
Les critères d'ordre sont mis en oeuvre (C. trav. art. L 1233-5) :
- par catégorie professionnelle : les critères sont appliqués de façon égalitaire et loyale, sans discrimination, à tous les salariés appartenant à une même catégorie, c'est-à-dire aux salariés exerçant dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;
- par zone géographique : cette zone est fixée par accord collectif ou, à défaut, unilatéralement par l'employeur. Dans ce dernier cas, le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements ne peut pas être inférieur à la zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois (C. trav. art. D 1233-2).
Précisions
Les zones d'emploi, consultables sur www.insee.fr ou www.dares.travail-emploi.gouv.fr, sont celles référencées dans l'atlas établi par l'Insee et les services statistiques du ministère chargé de l'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements concernés par les suppressions d'emploi.
Le contrôle du salarié
Le salarié peut demander à l'employeur de lui communiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements (C. trav. art. L 1233-17). Pour cela, il envoie à l'employeur une demande par lettre recommandée avec avis de réception, ou lettre remise en main propre contre récépissé, dans les 10 jours qui suivent la cessation effective du travail. L'employeur lui répond dans les 10 jours qui suivent la réception de cette demande, en précisant les critères retenus et la façon dont ils ont été appliqués au salarié (C. trav. art. R 1233-1 s.).
Si l'employeur ne répond pas, ou répond de manière tardive ou insuffisante, il peut être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts calculés en fonction du préjudice subi. Cette réparation se cumule, le cas échéant, avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le contrôle du juge
Le salarié peut contester devant le juge l'ordre des licenciements retenu par l'employeur, même s'il n'a pas demandé au préalable communication de ces critères.
Le manquement de l'employeur aux règles relatives à l'ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais si le salarié prouve avoir subi un préjudice, il peut obtenir des dommages-intérêts. Cette réparation ne se cumule pas, le cas échéant, avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En cas de licenciement collectif avec plan de sauvegarde de l'emploi, le contrôle du choix des critères incombe à l'administration. Si l'employeur manque à ses obligations, elle doit refuser de valider l'accord collectif ou d'homologuer la décision unilatérale de l'employeur portant plan de sauvegarde de l'emploi. À défaut, la validation ou l'homologation s'expose à une annulation par le juge administratif.
Le non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements est sanctionné par l'amende prévue pour les contraventions de 4e classe (C. trav. art. R 1238-1).