Fiche thématique
9 min de lecture
5 août 2023
Licenciement soumis à une procédure particulière qui tend à assurer la protection des représentants du personnel (IRP).

Sommaire

Seuls les salariés qui remplissent les conditions pour en bénéficier voient leur licenciement soumis à une procédure particulière qui assure leur protection.

Les bénéficiaires de la protection contre le licenciement

Une protection en lien avec un mandat représentatif

La protection contre le licenciement bénéficie à tout salarié investi d'un mandat représentatif (C. trav., art. L. 2411-1 s.).

Représentants du personnel élus. Les représentants du personnel élus en application de dispositions légales bénéficient de la protection contre la rupture de leur contrat de travail, qu'ils soient titulaires ou suppléants. Sont ainsi visés les membres élus à la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), les représentants de proximité, les élus au sein des instances représentatives au niveau européen. Il en va de même des mandats institués par convention collective (C. trav., art. L. 2411-2), à condition toutefois que ces mandats soient de même nature que ceux prévus par le code du travail.

Le point de départ de la protection se situe ainsi au jour de la proclamation des résultats des élections (C. trav., art. L. 2411-3).

Candidats aux élections. Le bénéfice de la protection s'étend aux salariés qui ont fait acte de candidature aux élections professionnelles. Elle concerne les candidats au premier et second tour. La durée de la protection est de 6 mois et court à compter de l'envoi par lettre recommandée à l'employeur des listes de candidatures (C. trav., art. L. 2411-7).

La protection s'applique lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement (C. trav., art. L. 2411-7 et L. 2411-9 in fine).

Salariés ayant demandé l'organisation des élections. La loi prévoit la possibilité pour les salariés de demander à l'employeur d'organiser les élections des représentants du personnel et accorde au salarié ayant pris une telle initiative une protection contre le licenciement (C. trav., art. L. 2411-6), sous réserve toutefois que la demande ne soit pas dépourvue de tout caractère sérieux, c'est-à-dire que cette demande doit être formée alors que les circonstances peuvent légitimement laisser penser au salarié que les conditions imposant la mise en place d'une représentation du personnel sont réunies, et notamment si le salarié s'est, de bonne foi, trompé sur la nécessité d'organiser les élections. Le bénéfice de la protection est réservé au seul salarié mandaté par le premier syndicat à avoir demandé l'organisation des élections. Un salarié non mandaté par un syndicat peut également demander l'organisation des élections mais ne bénéficiera de la protection qu'à la condition que cette demande soit relayée par un syndicat.

La durée de protection de 6 mois court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections (C. trav., art. L. 2411-6).

Anciens représentants élus. Les anciens membres élus de la délégation du personnel au CSE bénéficient également d'une protection contre le licenciement pendant six mois à compter de l'expiration de leur mandat ou de la disparition de l'institution (C. trav., art. L. 2411-5, L. 2411-8 et L. 2411-10).

Salariés titulaires de mandats extérieurs à l'entreprise. Une protection contre le licenciement est accordée à certains salariés titulaires de mandats extérieurs à l'entreprise tels que les conseillers prud'hommes, les conseillers du salarié, les défenseurs syndicaux, salariés désignés représentants des salariés dans le cadre d'une procédure de redressement et de liquidation judiciaire... afin de préserver leur indépendance dans l'exercice de leur mandat. Pour prétendre au bénéfice de cette protection, le salarié doit avoir informé l'employeur de la détention d'un mandat extérieur à l'entreprise au plus tard lors de l'entretien préalable à licenciement ; à défaut, il ne peut revendiquer le bénéfice du statut protecteur.

Représentants syndicaux. Les représentants désignés par les syndicats : délégué syndical (C. trav., art. L. 2411-3), délégué syndical central (C. trav., art. L. 2143-5), délégué syndical supplémentaire (C. trav., art. L. 2143-4), représentant syndical au CSE (C. trav., art. L. 2411-5) et représentant de la section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1-2) bénéficient de la protection contre le licenciement pendant toute la durée de leur mandat. Cette protection court à compter de la notification à l'employeur de leur désignation.

Anciens représentants syndicaux. Les anciens délégués syndicaux et représentants de la section syndicale sont protégés pendant douze mois à compter de la cessation de leur mandat, à condition d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins un an (C. trav., art. L. 2411-3 et L. 2142-1-2). Quant aux représentants syndicaux au CSE, ils doivent y avoir siégé pendant au moins deux ans pour prétendre bénéficier de la protection contre la rupture de leur contrat pendant six mois à compter de la cessation de leurs fonctions ou de la disparition de l'institution (C. trav., art. L. 2411-5).

Salariés mandatés. Le salarié mandaté pour mener une négociation collective – en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise – est protégé au cours de la négociation et pendant douze mois à compter de la fin de son mandat (C. trav., art. L. 2411-4).

Les cas d'exclusion de la protection

Les salariés dont le mandat est extérieur à l'entreprise peuvent être privés de la protection en cas de manquement, à l'égard de l'employeur, au devoir de loyauté. Tel est le cas lorsqu'au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, l'employeur n'a pas été informé par le salarié de l'existence de ce mandat ou qu'il n'en a pas eu connaissance autrement.

La persistance du comportement fautif du salarié à l'expiration de la période de protection peut aussi justifier un licenciement sans que soit requise l'autorisation administrative de licenciement si l'employeur a eu connaissance des faits commis pendant la période de protection à l'expiration de celle-ci et si ce comportement fautif a persisté après l'expiration de la période de protection (Soc. 16 févr. 2022, no 20-16.171 B).

Par ailleurs, le bénéfice de la protection est exclu en présence d'une fraude, laquelle est caractérisée lorsque le salarié cherche à entrer dans l'une des situations précitées dans le seul but d'assurer sa protection individuelle.

Les modalités de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé

Champ d'application de la procédure spéciale. En pratique tous les modes de rupture du contrat de travail des salariés protégés, à l'exception de la démission et du départ volontaire à la retraite, sont soumis à la procédure spéciale de licenciement, même lorsque la rupture n'est pas directement imputable à l'employeur.

Cumul des procédures. L'employeur qui envisage de rompre le contrat de travail d'un salarié protégé doit, dans tous les cas, adresser au préalable une demande d'autorisation à l'administration. Il est également tenu dans les entreprises de plus de 50 salariés de consulter le CSE. Cette procédure n'est pas exclusive de l'application simultanée des procédures de droit commun.

La procédure d'autorisation administrative du licenciement

La protection liée, directement ou indirectement, à un mandat représentatif réside dans la nécessité d'engager une procédure préalable d'autorisation administrative de licencier. Le but est d'éviter que la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail ne soit motivée par l'exercice du mandat ou d'une prérogative qui y est liée, comme le fait de se porter candidat.

L'employeur doit donc communiquer à l'inspection du travail une demande d'autorisation de licenciement (C. trav., art. L. 2421-1). Pour certains mandats, il doit, d'abord, demander son avis aux membres du comité social et économique, et, ensuite, faire sa demande à l'inspection du travail (C. trav., art. L. 2421-3). Dans tous les cas, la demande énonce les motifs du licenciement envisagé (C. trav., art. R. 2421-1) et la ou les qualités en vertu desquelles le salarié bénéficie d'une protection, ce à quoi est éventuellement joint l'avis du comité social et économique (C. trav., art. R. 2421-10).

L'inspecteur du travail doit rechercher, au terme d'une enquête contradictoire (C. trav., art. R. 2421-4 et R. 2421-11), si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et, voire, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Il peut, toutefois, refuser d'autoriser le licenciement en retenant des motifs d'intérêt général. L'inspecteur prend sa décision dans un délai de deux mois, à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision de rejet (C. trav., art. R. 2421-4 et R. 2421-11).

Cette procédure ne se substitue pas aux étapes procédurales requises pour tout licenciement et pour certains licenciements, dont celui pour motif économique, mais vient les compléter et s'articule donc avec elles (C. trav., art. R. 2421-2, R. 2421-3 et R. 2421-9).

Incidence d'une mise à pied conservatoire

Si l'employeur estime que le salarié protégé a commis une faute grave sur le fondement de laquelle il envisage de le licencier, il peut mettre immédiatement le salarié à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail relative à son licenciement. Dans ce cas, il doit informer l'inspecteur du travail de cette décision dans les 48 heures à compter de sa prise d'effet et lui adresser une demande d'autorisation de licenciement dans les huit jours suivant le début de la mise à pied si l'avis du CSE n'est pas requis ou dans les 48 heures de la délibération du CSE qui devra avoir été réuni dans les 10 jours suivant la mise à pied (C. trav., art. L. 2421-1, L. 2421-3 et L. 2421-5). À ce titre, l'inspecteur doit vérifier que le délai dans lequel il a été saisi après la mise à pied n'est pas excessif, à défaut de quoi il doit refuser l'autorisation. Si l'inspecteur du travail refuse d'autoriser le licenciement, la mise à pied est annulée et le salarié doit être rétabli dans ses droits (réintégration dans son emploi et rappels de salaires de la période de mise à pied).

Recours contre la décision administrative autorisant ou refusant le licenciement

Pluralité de recours. L'employeur et le salarié peuvent exercer un recours à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail, autorisant ou refusant la rupture du contrat du salarié. Trois recours peuvent être exercés pour obtenir l'annulation de cette décision. Tout d'abord, peut être exercé un recours gracieux à l'encontre de la décision rendue par l'inspecteur du travail. Ensuite, un recours hiérarchique peut être exercé devant le ministre compétent : ce dernier soit confirme la décision de l'inspecteur, soit l'annule et, dans ce cas, statue sur la demande d'autorisation (C. trav., art. R. 2422-1). Enfin, un recours contentieux devant le juge administratif : ce dernier apprécie alors le respect de la procédure et le bien-fondé du licenciement, ce qui peut le conduire à approuver la décision prise par l'inspecteur du travail et/ou le ministre compétent ou à annuler cette décision. Lorsque, sur recours hiérarchique ou contentieux, la décision autorisant le licenciement est annulée, le salarié a le droit, s'il le demande, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent et de bénéficier d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision (C. trav., art. L. 2422-1 et L. 2422-4).

Effet non suspensif. Qu'il soit gracieux, hiérarchique ou contentieux, le recours exercé à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail n'a pas d'effet suspensif.

Sanctions du non-respect du statut protecteur

Droit à réintégration et indemnisation.Le licenciement, qui a été prononcé sans autorisation ou malgré un refus d'autorisation, est nul. Le salarié a alors droit, s'il en fait la demande, à une réintégration dans son emploi et, dans ce cas, à une indemnité compensant la perte de ses salaires pour la période comprise entre son licenciement et sa réintégration et se cumulant avec les revenus de remplacement éventuellement perçus durant cette période. Si le salarié ne demande pas sa réintégration, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection, aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Questions fréquemment posées

Qu’est-ce qu’un « salarié protégé » ?

Il s’agit des salariés qui bénéficient d’un mandat de représentation du personnel ou syndical (ou ceux ayant demandé l’organisation d’élections ou sur le point d’être désignés ou candidats), ou d’un mandat extérieur à l’entreprise (conseiller prud’hommes par exemple). Pour licencier ces salariés (ou en cas de mise à la retraite, de rupture conventionnelle, etc.), l’autorisation de l’inspecteur du travail est nécessaire.

Quels sont les droits du salarié protégé licencié sans autorisation de l’inspecteur du travail ?

Le licenciement du salarié protégé sans autorisation est nul. Le salarié peut donc demander sa réintégration et il a également droit à une indemnité forfaitaire pour violation de son statut protecteur. Si l’autorisation de licenciement a été octroyée par l’inspecteur du travail puis par la suite annulée (recours hiérarchique ou contentieux), le licenciement est également nul et le salarié a le droit de demander sa réintégration, ainsi qu’une indemnité proportionnelle au préjudice subi.

L’employeur peut-il sanctionner librement les salariés protégés ?

Si l’employeur ne peut licencier un salarié protégé sans l’autorisation de l’inspecteur du travail, il conserve son droit disciplinaire à son égard. Cependant, aucune modification du contrat de travail ne pouvant être imposée à un salarié protégé, si la sanction entraîne une telle modification (mutation ou rétrogradation par exemple), le salarié peut la refuser. La sanction ne peut pas non plus être discriminatoire. Enfin, le salarié protégé ne peut être sanctionné dans le cadre de l’exercice de son mandat, sauf en cas d’exercice abusif de ce mandat.

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