Fiche thématique
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15 octobre 2024

Le non-respect des règles de mise en place et de fonctionnement des institutions représentatives du personnel, ainsi que la méconnaissance des règles protégeant les représentants du personnel lors de la rupture ou du transfert de leur contrat de travail, sont constitutifs d'un délit, communément appelé délit d'entrave.

Ce délit peut résulter tant d'un comportement actif que passif de la part de son auteur.

Sommaire

Les éléments constitutifs de l'infraction

Comme toutes les infractions pénales, le délit d'entrave, pour être constitué, doit comporter un élément légal (texte définissant l'infraction), un élément matériel (acte ou omission répréhensible) et un élément moral (caractère intentionnel ou volontaire de l'acte ou de l'omission répréhensible).

Élément légal

Les infractions en matière de représentation du personnel rassemblées sous l'expression « délit d'entrave » recouvrent en réalité plusieurs délits, passibles de sanctions dont la nature et le montant varient selon l'infraction commise et incriminés par des textes du Code du travail différents selon l'institution en cause et la nature de l'infraction : mise en place et fonctionnement de l'institution ou protection des représentants du personnel.

Est constitutive d'un délit, toute entrave :

  • à l'exercice du droit syndical (C. trav. art. L 2146-1) ;
  • à la constitution d'un CSE, d'un CSE d'établissement ou d'un CSE central, à la libre désignation de leurs membres ou au fonctionnement régulier de ces instances (C. trav. art. L 2317-1) ;
  • à l'obligation de constituer et de réunir pour la première fois un comité de groupe, à la désignation de ses membres ou à son fonctionnement régulier (C. trav. art. L 2335-1) ;
  • à la constitution d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité d'entreprise européen ou à la mise en œuvre d'une procédure d'information et de consultation, à la libre désignation de leurs membres ou à leur fonctionnement régulier (C. trav. art. L 2346-1) ;
  • à la constitution d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de la société européenne mis en place ou non par accord, à la libre désignation de leurs membres ou à leur fonctionnement régulier (C. trav. art. L 2355-1) ;
  • à la constitution d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de la société coopérative européenne mis en place ou non par accord, à la libre désignation de leurs membres ou à leur fonctionnement régulier (C. trav. art. L 2365-1) ;
  • à la constitution d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de la société issue de la fusion transfrontalière mis en place ou non par accord, à la libre désignation de leurs membres, ou à leur fonctionnement régulier (C. trav. art. L 2375-1).

Constitue également un délit d'entrave l'infraction à la procédure d'autorisation administrative de licenciement ou de transfert du contrat de travail des représentants du personnel.

Élément matériel

Compte tenu de la formulation très générale des dispositions légales, la jurisprudence considère comme constitutif d'une entrave :

  • tout acte positif (convocation irrégulière aux réunions, information tardive ou incomplète des institutions, mutation imposée, sanction injustifiée, pressions, harcèlement…) ;
  • et, plus souvent encore, toute omission constituant une méconnaissance des dispositions légales relatives à la représentation du personnel (refus de mettre en place ou de réunir les instances représentatives du personnel, absence de consultation ou d'information de celles-ci sur les sujets relevant de leur compétence, non-convocation d'un représentant du personnel aux réunions, non-paiement des heures de délégation, non-fourniture d'un local…).

Il est donc impossible de dresser une liste exhaustive des comportements pouvant justifier une sanction pénale.

Élément moral

Pour le délit d'entrave, l'élément intentionnel se déduit, non du mobile ou du but recherché par le prévenu, mais du caractère volontaire des mesures qu'il a prises (notamment : Cass. crim. 23-1-1979 n° 78-92.407 P ; 15-2-1994 n° 92-84.088 PF ; 27-2-2018 n° 17-81.457 F-D) ou du caractère délibéré et réitéré de son abstention (Cass. crim. 15-5-2007 n° 06-84.318 F-PF).

Ainsi, il n'est pas nécessaire que la personne poursuivie ait eu un but coupable (volonté d'empêcher l'institution d'exercer ses missions, ou d'écarter un représentant du personnel…) : il suffit qu'elle ait commis volontairement l'acte ou l'omission répréhensible (refus de mettre en place les institutions, mise en oeuvre d'un projet sans consultation de l'institution représentative, non-fourniture d'un local, licenciement sans autorisation…).

Responsable de l'infraction

Employeur

En principe, la responsabilité pénale relative au délit d'entrave incombe au dirigeant de l'entreprise et/ou à la personne morale employeur.

L'employeur peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité en consentant une délégation de pouvoirs, sauf s'il a personnellement participé à la réalisation de l'infraction (Cass. crim. 20-5-2003 n° 02-84.307 F-PF ; 15-3-2016 n° 14-85.078 F-D) ou s'il n'ignore pas le caractère chronique de la réalisation des infractions (Cass. crim. 15-4-1982 n° 81-93.041). Malgré la délégation, il engage sa responsabilité à l'égard du CSE s'agissant des mesures relevant de son pouvoir propre de direction (en ce sens : Cass. crim. 15-5-2007 n° 06-84.318 F-PF), notamment s'il prend une mesure sur laquelle le CSE est obligatoirement consulté sans s'être assuré que cette consultation a eu lieu (en ce sens : Cass. crim. 3-3-1998 n° 96-85.098 PF).

La responsabilité de l'employeur n'exonère pas le délégataire qui a personnellement participé à la réalisation de l'infraction (Cass. crim. 16-9-2003 n° 02-86.661 FS-PFI).

Attention

L'employeur ne peut pas être exonéré de sa responsabilité pénale s'il n'a pas délégué ses pouvoirs, mais a seulement été représenté aux réunions du comité (Cass. crim. 25-4-1989 n°87-91.068 D).

Autres personnes

Les salariés de l'entreprise, même non titulaires d'une délégation de pouvoir, peuvent être poursuivis s'ils ont personnellement commis des actes répréhensibles.

Précisions

A titre d'exemple, ont été reconnus pénalement responsables un chef d'atelier s'opposant au déplacement d'un délégué syndical (Cass. crim. 21-2-1978 n° 77-90.627), le secrétaire d'un CSE engageant une dépense non approuvée par la majorité de ses membres (Cass. crim. 4-11-1988 n° 87-91.705 P) ou des salariés s'opposant à la réintégration d'un délégué syndical qui avait irrégulièrement été licencié (Cass. crim. 9-12-1986 n° 86-90.552 P).

Sanctions applicables

Les délits d'entrave sont passibles des peines suivantes, dont la nature et le montant diffèrent selon l'infraction commise. Les peines indiquées dans le tableau ci-dessous sont des peines maximales. Elles sont doublées en cas de récidive.

Nature de l'infraction

Peines encourues

Personnes physiques

Personnes morales (1)

Entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel ou à la libre désignation de leurs membres

- emprisonnement de 1 an

- amende de 7 500 €

amende de 37 500 €

Atteinte au fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel

amende de 7 500€

amende de 37 500 €

Entrave à l'exercice du droit syndical

- emprisonnement de 1 an

- amende de 3 750 €

amende de 18 750 €

Rupture ou transfert, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative, du contrat de travail des représentants du personnel (hormis le cas de transfert pour le conseiller du salarié et les membres de la commission paritaire régionale interprofessionnelle)

- emprisonnement de 1 an

- amende de 3 750 €

amende de 18 750 €

Atteinte à l'exercice régulier des fonctions de conseiller du salarié

- emprisonnement de 1 an

- amende de 3 750 €

amende de 18 750 €

Refus de consulter le CSE sur les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés

- emprisonnement de 1 an

- amende de 3 750 €

amende de 18 750 €

Non-établissement ou non-présentation du bilan social

amende de 7 500 €

amende de 37 500 €

(1) Amende égale à 5 fois celle prévue pour la personne physique en cas de première infraction

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Questions fréquemment posées

Dans quels cas le CSE peut-il reprocher à l’employeur un délit d’entrave ?

Le délit d’entrave est une infraction pénale destinée à garantir le respect des droits du CSE et de ses membres. C’est le fait de porter volontairement atteinte aux règles de mise en place et de fonctionnement du comité social et économique (CSE), à ses attributions ou au statut protecteur de ses membres. Cette atteinte volontaire peut résulter d’une action ou d'une simple omission de l'employeur. Par exemple, le fait de ne pas consulter le CSE sur les thèmes de consultation prévus par le code du travail peut constituer un délit d’entrave.

Comment agir en cas de délit d’entrave au CSE ?

Le premier réflexe que doit avoir le CSE qui estime être victime d’un délit d’entrave est d’informer par écrit l’inspecteur du travail de la situation. Celui-ci pourra décider d’intervenir auprès de l’employeur pour lui demander de respecter les droits du CSE et de mettre immédiatement fin à l’entrave. Si besoin est, l’inspecteur du travail pourra dresser un procès-verbal afin de constater l’infraction et le transmettre au procureur de la République pour d’éventuelles poursuites. Les poursuites pénales peuvent aussi être déclenchées par le ministère public sur la base d’une plainte de la victime.

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