Organiser le temps de travail sur une période supérieure à la semaine et pouvant aller jusqu’à 3 ans
Un régime nécessairement conventionnel
Cet aménagement est prévu par accord d’entreprise ou d’établissement, à défaut par convention ou accord de branche.
L’accord peut faire varier la durée du travail :
- sur l’année, voire sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans si l’accord de branche l’autorise ;
- sur une partie de l’année (en respectant une durée minimale d’une semaine) ;
- sur quelques semaines.
Remarque
Ce type d’aménagement est proche de l’ancien système de modulation : l’activité est caractérisée par des périodes de forte ou de moindre activité, entre lesquelles s’opère une compensation qui permet d’aboutir à 1 607 heures annuelles (ou durée moindre expressément fixée par l’accord).
Il peut aussi organiser le travail à temps partiel dans le cadre de l’année pour mieux l’adapter aux contraintes de l’entreprise.
Remarque
Le Comité européen des droits sociaux a jugé excessive et non conforme à la Charte sociale européenne l’organisation de la durée du travail sur une période de 3 ans (CEDS, Récl. no 154/2017 : 15 mars 2019). Cette position n’a toutefois pas de caractère contraignant pour la France, qui n’est pas obligée de faire évoluer sa législation en conséquence. Mais, à l’instar de ce qui s’est passé pour le forfait jours, reste à savoir quel impact elle aura sur les décisions de justice à venir.
Une exception pour les entreprises fonctionnant en continu
Dans les entreprises fonctionnant en continu, c’est-à-dire 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, le temps de travail des salariés peut être organisé sur plusieurs semaines sur seule décision de l’employeur. La conclusion d’un accord collectif n’est pas nécessaire.
L’aménagement doit respecter les durées maximales légales
Si l’aménagement du temps de travail permet d’en faire varier la durée d’une période à l’autre, ces variations doivent rester dans le cadre des limites légales. Il faut donc respecter les durées maximales quotidienne et hebdomadaire et le temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Calcul des heures supplémentaires
Par principe, les heures supplémentaires sont décomptées – et donc payées – à l’issue de la période de référence, déduction faite de celles déjà payées en cours de mois (v. ci-dessous). Si celle-ci est annuelle, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de 1 607 heures, ou d’une limite inférieure fixée par l’accord.
Si cette période est inférieure ou supérieure à 1 an, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures, calculée sur la période de référence.
Lorsque la période de référence est supérieure à 1 an, l’accord doit prévoir une limite hebdomadaire – supérieure à 35 heures – au-delà de laquelle les heures effectuées au cours d’une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires et sont payées sur le mois considéré. Lorsque la période de référence est inférieure ou égale à 1 an, cette limite est facultative.
Les heures travaillées au-delà de cette limite conventionnelle et payées au mois le mois ne sont évidemment pas comprises dans le décompte des heures travaillées opéré en fin de période.
Remarque
Leur taux de majoration est déterminé en fonction de leur rang par rapport à cette limite haute et non par rapport à la durée légale.
Les nouveaux embauchés n’ayant pas acquis l’intégralité de leurs congés peuvent être amenés à travailler au-delà du plafond légal ou conventionnel. Les heures effectuées dans ce cadre doivent être considérées comme des heures supplémentaires. C’est la solution retenue par la jurisprudence en matière de modulation, mais elle est en toute logique transposable au cas de l’aménagement sur plusieurs semaines ( Cass. soc., 14 nov. 2013, no 11-17.644 ).
Remarque
Les heures supplémentaires décomptées relèvent du régime de droit commun : majoration, imputation sur le contingent sauf prise d’un repos compensateur de remplacement, contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au-delà du contingent.
Lissage de rémunération
L’accord peut prévoir un lissage de rémunération, afin que celle-ci reste la même, indépendamment de l’horaire réellement travaillé.
Possibilité de modifier la période de référence pour les congés payés
En matière d’acquisition de congés payés, l’accord d’aménagement peut fixer une période de référence autre que celle allant du 1er juin au 31 mai ou autoriser le report de la prise de congés jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle durant laquelle la période de prise a débuté.
Organiser le temps de travail sur 4 ou 9 semaines au maximum
Un régime réglementaire
L’employeur peut aménager le temps de travail sur une période comprise entre 1 et 4 semaines (entreprises de 50 salariés et plus) ou 1 et 9 semaines (entreprises de moins de 50 salariés) sans avoir à signer d’accord collectif en ce sens. Il s’agit d’une décision unilatérale ne nécessitant pas l’accord individuel des salariés concernés ( Cass. soc., 11 mai 2016, no 15-10.025 ). L’employeur doit établir un programme indicatif de la variation de la durée du travail, qui précise le nombre de semaines comprises dans la période de référence et, pour chacune d’elles, les horaires et la répartition du travail.
Durée du travail
On applique les mêmes règles qu’en matière d’aménagement sur tout ou partie de l’année, tant en ce qui concerne le respect des durées maximales légales qu’en ce qui concerne le temps de repos, quotidien et hebdomadaire (v. ci-dessus).
Lissage de rémunération
Dans le régime supplétif, la rémunération est lissée et calculée sur la base de 35 heures/semaine (ou de la durée collective de travail applicable dans l’entreprise si elle est différente).
Heures supplémentaires
Constituent des heures supplémentaires :
- les heures effectuées au-delà de 39 heures par semaine ;
Remarque
Leur taux de majoration est déterminé en fonction de leur rang par rapport à 39 heures et non par rapport à 35. Elles sont payées au mois le mois.
- les heures effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires en moyenne, calculées sur la période de référence de 4 ou 9 semaines au maximum.
Ces heures relèvent du droit commun des heures supplémentaires (v. ci-dessus concernant l’aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines).
Si un salarié arrive, ou part, au cours de la période de 4 ou 9 semaines au plus, les heures qu’il effectue au-delà de 35 heures hebdomadaires sont des heures supplémentaires. Les semaines où la durée du travail est inférieure à 35 heures, il reste rémunéré sur la base de 35 heures.
Remarque
Les absences rémunérées en cours de période ne sont pas récupérables (elles ne peuvent donc être déduites du temps effectivement travaillé par le salarié) : elles sont valorisées sur la base du temps qui aurait été travaillé si le salarié n’avait pas été absent, heures supplémentaires comprises.
Accord du salarié : nécessaire ou pas pour aménager ?
L’aménagement conventionnel du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ne constitue pas une modification du contrat de travail (C. trav., art. L. 3121-43 ) et ne requiert donc pas l’accord de chaque salarié concerné (ces dispositions ne s’appliquent toutefois pas aux salariés à temps partiel…). Quid des accords de modulation mis en place avant le 22 mars 2012 et toujours en vigueur ? Pour la Cour de cassation, pas de doute : l’accord exprès et individuel des salariés concernés est exigé pour que la modulation leur soit applicable… à défaut, ils peuvent demander le paiement d’heures supplémentaires dès la 36e heure de travail ! ( Cass. soc., 25 sept. 2013, no 12-17.776 ).