Le congé sabbatique : un congé pour convenance personnelle
Le congé sabbatique est un congé pour convenance personnelle, c’est-à-dire que le salarié est libre de l’utiliser à des fins personnelles (ex. : partir faire le tour du monde) ou professionnelles (ex. : créer une entreprise). Il n’a pas à fournir d’explications sur ce qui motive sa demande.
Un congé strictement encadré
Durée du congé
Les durées minimale et maximale du congé sont fixées par accord d’entreprise ou d’établissement (à défaut, de branche), tout comme le nombre de renouvellements possibles.
A défaut d’accord, sa durée est comprise entre 6 et 11 mois.
Les conditions de fond
L’accès au congé sabbatique est soumis à une condition d’ancienneté et de durée d’activité.
A la date prévue pour le départ en congé, le salarié doit avoir été en activité professionnelle durant 6 ans, dont une ancienneté minimale dans l’entreprise fixée par accord d’entreprise ou d’établissement (à défaut, par accord de branche). Faute de disposition conventionnelle, cette ancienneté minimale est de 36 mois, consécutifs ou non. Le salarié ne doit pas avoir déjà bénéficié, auprès de son employeur actuel, d’un congé sabbatique, d’un congé pour création d’entreprise ou d’un CPF de transition professionnelle, d’une durée de 6 mois ou plus au cours d’un délai fixé par cet accord ou, à défaut d’accord, durant les 6 mois précédents.
Si le salarié ne remplit pas ces conditions, l’employeur n’a aucune obligation d’accepter sa demande.
Les conditions de forme
Le salarié souhaitant bénéficier d’un congé sabbatique doit en informer l’employeur par tout moyen conférant date certaine, au moins 3 mois avant la date de départ envisagée : il l’informe de la date de son départ et de la durée du congé.
L’employeur lui transmet sa réponse, également par tout moyen.
Remarque
L’accord de l’employeur est réputé acquis à défaut de réponse dans un délai de 30 jours à compter de la présentation de la demande. Lorsque le salarié procède à cette information hors du délai de 3 mois, l’employeur peut différer la date de départ du salarié mais il doit lui répondre dans les 30 jours à compter de la présentation de la demande. A défaut, son accord est réputé acquis et l’absence du salarié n’est pas fautive ( Cass. soc., 2 oct. 2024, no 23-20.560 ).
L’employeur peut refuser le congé
Le départ en congé sabbatique peut être refusé par l’employeur si :
- l’une au moins des conditions de fond (ancienneté, expérience professionnelle) n’est pas remplie,
- l’une au moins des conditions de forme (durée, délais de présentation de la demande à l’employeur) n’est pas satisfaite,
- ou, dans les entreprises de moins de 300 salariés, si l’employeur estime que le congé aura des conséquences préjudiciables pour la production et la marche de l’entreprise : toutefois, pour pouvoir valablement opposer un tel refus au salarié, il doit avoir, au préalable, consulté le CSE pour avis.
Puis l’employeur doit notifier son refus au salarié par tout moyen conférant date certaine.
Remarque
Le salarié peut contester cette décision de refus directement devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes. Il a 15 jours à compter de la réception de la lettre de refus pour le faire.
L’employeur peut aussi reporter le congé
A défaut d’accord collectif, le départ en congé sabbatique peut être différé à la demande de l’employeur, dans la limite de 6 mois à compter de la réception de la demande dans les entreprises d’au moins 300 salariés (et de 9 mois dans les entreprises de moins de 300 salariés).
Le législateur distingue deux cas de reports permettant à l’employeur de limiter le nombre d’absences simultanées :
en l’absence de dispositions conventionnelles autres, l’employeur peut tout d’abord reporter le départ en congé en fonction du quota d’absence pour congé sabbatique lorsque (C. trav., art. D. 3142-20 ) :
- le pourcentage de salariés simultanément absents au titre du congé sabbatique dépasse 1,5 % de l’effectif,
- le nombre de jours d’absence au titre du congé sabbatique dépasse 1,5 % du nombre de jours de travail effectués dans les 12 mois précédant le départ en congé. Pour permettre le départ en congé, cette période de 12 mois est prolongée dans la limite de 48 mois ;
en l’absence de dispositions conventionnelles fixant des seuils différents, l’employeur peut aussi reporter le départ en congé en fonction du quota d’absences pour congé sabbatique, pour création d’entreprise et pour l’exercice de responsabilités de direction au sein d’une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante (C. trav., art. D. 3142-21 et D. 3142-75 ) :
- tant que le pourcentage de salariés absents au titre des congés sabbatiques et des congés pour création d’entreprise dépasse 2 % de l’effectif,
- ou lorsque le nombre de jours d’absence prévus au titre de ces congés dépasse 2 % du nombre total des jours de travail effectués dans les 12 mois précédant le départ en congé. Pour permettre le départ en congé d’un salarié, cette période de 12 mois est prolongée dans la limite de 48 mois.
Remarque
L’employeur peut différer le congé sabbatique, dans la limite de 6 ou 9 mois selon l’importance de l’effectif de l’entreprise, sans être tenu d’énoncer dans sa réponse un motif, ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d’absence ( Cass. soc., 29 sept. 2021, no 20-13.969 ). Attention ! Même s’il n’a pas à justifier son refus dans la réponse faite au salarié, il doit être en mesure de prouver que les critères de refus sont respectés.
Les conséquences du congé sabbatique sur les droits du salarié
Ses droits pendant le congé
Le contrat de travail est suspendu pendant toute la durée du congé sabbatique. Le salarié ne quitte pas l’entreprise et l’employeur ne doit en aucun cas lui remettre des documents de fin de contrat de travail (attestation d’assurance chômage, solde de tout compte…). Dans le cas contraire, cette remise caractérise le licenciement du salarié ( Cass. soc., 7 avr. 2009, no 07-45.709 ).
Ce congé n’est pas rémunéré. Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, il n’est pas pris en compte pour l’acquisition des congés payés ou de l’ancienneté. Pour financer partiellement son congé sabbatique, le salarié peut utiliser les droits cumulés sur son CET.
Remarque
Concrètement, il peut cumuler les jours de congés payés qui lui sont dus au-delà de 24 jours ouvrables (c’est-à-dire la 5e semaine) et les reporter jusqu’au jour du départ en congé, date à laquelle il perçoit une indemnité compensatrice correspondant aux congés reportés. Ce cumul ne peut porter que sur 6 ans maximum.
Le salarié peut suivre une formation, voire exercer une activité professionnelle. Attention : dans ce dernier cas, l’employeur n’a pas forcément le droit de le licencier. Pour le faire, il lui faudra établir que l’exercice de cette activité professionnelle est contraire aux obligations de loyauté et de non-concurrence du salarié.
Remarque
De la même manière, l’employeur doit être attentif aux clauses spécifiques du contrat de travail qui le lie au salarié. En cas de clause d’exclusivité, par exemple, l’exercice d’une activité professionnelle pourrait justifier le licenciement du salarié.
Les droits aux prestations d’assurance-maladie et maternité sont maintenus.
Le droit à réintégration du salarié à l’issue du congé sabbatique
A la fin du congé, l’employeur a l’obligation de réintégrer le salarié à son précédent poste ou à un emploi similaire avec une rémunération au moins équivalente. Il faut en priorité le réintégrer dans le poste qu’il occupait avant son départ. Ce n’est que si cette réintégration est impossible – parce que le poste n’est par exemple plus disponible – qu’un poste similaire doit lui être proposé ( Cass. soc., 3 juin 2015, no 14-12.245 ).
Remarque
Attention : si le salarié souhaite interrompre son congé avant le terme prévu, l’employeur n’est pas tenu d’accepter cette requête.
Le salarié rentrant de congé sabbatique doit bénéficier de l’entretien professionnel.
Congé sabbatique et report de congés
Le salarié peut reporter des congés payés pour « financer » son congé sabbatique. Les modalités de report sont fixées par accord d’entreprise ou d’établissement (à défaut, de branche). En l’absence d’accord, la loi prévoit que les jours de CP dus au salarié au-delà de 24 jours ouvrables peuvent être reportés dans la limite de 6 années. Lors de son départ, il perçoit une indemnité compensatrice pour tous les congés reportés. S’il renonce finalement à son congé sabbatique, ses congés payés sont ajoutés aux CP annuels par fraction de 6 jours et jusqu’à épuisement du stock.