Avant le 1er janvier 2017, le régime juridique attaché à un constat d'inaptitude physique était différent selon que l'intéressé avait été victime d'une affection d'origine professionnelle ou non. Le régime applicable aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle était en effet plus protecteur. Ainsi, l’employeur devait recueillir l’avis des représentants du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié, obligation qui ne s’appliquait pas en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle. De même, seuls les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pouvaient faire l’objet d’une dispense de reclassement décidée par le médecin du travail.
Ces différences ont été gommées par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (JO 9), dite « loi Travail », qui a unifié les conséquences d’une inaptitude physique, quelle qu’en soit l’origine, sur le contrat de travail d’un salarié.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, l’employeur doit recueillir l’avis du comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement de tout salarié déclaré inapte (C. trav. art. L 1226-2, al. 3 en cas de maladie et d'accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-10, al. 2 en cas de maladie et d'accident professionnels).
Par ailleurs, tout salarié déclaré inapte peut faire l’objet d’une dispense expresse de reclassement par le médecin du travail, quelle que soit l’origine de cette inaptitude (C. trav. art. L 1226-2-1, al. 2 en cas de maladie et d'accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-12, al. 2 en cas de maladie et d'accident professionnels).
Cette unification des règles fixées par le Code du travail induit une unification de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’inaptitude physique, comme en témoigne une décision du 16 novembre 2022.
Le CSE n’a pas à être consulté sur le reclassement, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle …
La Cour de cassation a, dans un arrêt récent du 8 juin 2022, jugé que l’obligation de consulter le CSE ne s’impose pas lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé de l’intéressé fait obstacle à tout reclassement dans son emploi. Cette solution, qui a mis fin à une controverse entre certaines cours d’appel, a été retenue à propos d’une salariée victime d’un accident du travail (Cass. soc. 8-6-2022 n° 20-22.500 FS-B).
Restait alors à savoir si la Haute Juridiction adopterait la même solution en pareille situation en cas d’accident ou de maladie non professionnelle à l’origine de l’inaptitude du salarié. Par un arrêt du 16 novembre 2022, publié, comme celui du 8 juin 2022, à son bulletin des chambres civiles, la Cour de cassation répond à cette dernière question et tranche définitivement le débat.
A noter :
Pour un rappel des enjeux du débat, voir la question pratique de Marie Content, avocat associé au sein du cabinet BG2V : « Licenciement pour inaptitude : quand l'employeur doit-il consulter le CSE ? » (FRS 5/22 inf. 18 p. 36).
… ou non professionnelle
En l’espèce, un salarié en arrêt de travail pour maladie est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, avec mention expresse dans l’avis d’inaptitude que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant notamment que son employeur a manqué à son obligation de consulter les représentants du personnel sur son reclassement préalablement à son licenciement, il saisit la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.
A noter :
Rappelons en effet que le non-respect par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur le reclassement, lorsqu’elle s’impose, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, que l'inaptitude physique soit d'origine professionnelle (C. trav. art. L 1226-15) ou non professionnelle (Cass. soc. 30-9-2020 n° 19-11.974 FS-PBI).
La cour d’appel d’Amiens fait droit à sa demande en retenant que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les représentants du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l’employeur de toute recherche de reclassement.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse. Elle rappelle en premier lieu les dispositions des articles L 1226-2 et L 1226-2-1 du Code du travail et le principe énoncé dans l’arrêt du 8 juin 2022 précité selon lequel, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les représentants du personnel. La Cour de cassation censure ensuite la décision des juges du fond. Pour elle, la cour d’appel ne pouvait pas juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse alors qu’elle avait constaté que l’avis du médecin du travail mentionnait que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, et ce, peu important l’origine non professionnelle de l’inaptitude du salarié.
A notre avis :
La solution adoptée par la Cour de cassation semble logique et ne faisait guère de doute eu égard à la similitude des dispositions du Code du travail applicables en cas d’inaptitude d’origine professionnelle et non professionnelle.
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Documents et liens associés
Cass. soc. 16-11-2022 n° 21-17.255 F-B, Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard c/ R.