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24 novembre 2025
Un directeur commercial, qui tient des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisant en raison de l'orientation sexuelle, porte atteinte à la santé psychique des autres salariés, et ainsi manque à son obligation de sécurité.

S'il est plus habituel de discuter de l'obligation de sécurité de l'employeur, il n'en reste pas moins qu'il existe une obligation de sécurité du salarié. C'est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt récent.

Chaque travailleur doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité et de celles des autres personnes concernées par ses actions ou ses omissions. Le salarié est donc responsable de lui-même et d'autrui, dans la mesure où il se conforme aux instructions qui lui ont été données par l'employeur (dans les conditions prévues au règlement intérieur) et en fonction de sa formation et de ses possibilités. Chaque salarié a donc une obligation de sécurité (C. trav., art. L. 4122-1).

Remarque

cette obligation est issue d'une directive européenne 89/391/CEE (12 juin 1989), transposée en droit français par la loi relative à la prévention des risques professionnels du 31 décembre 1991. Il s'agit d'une obligation de moyen. Elle pèse sur chaque travailleur détenant ou non un pouvoir hiérarchique. En cas de manquement, la sanction disciplinaire peut aller jusqu'au licenciement.

Des propos dégradants

Dans cette affaire, un directeur commercial est licencié pour faute grave suite à des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisant en raison de l'orientation sexuelle, tenus sur le lieu et le temps de travail.

Il est notamment reproché au salarié d'avoir, via la messagerie de l'entreprise :

  • adressé à un stagiaire des photos à caractère pornographique ;
  • demandé à plusieurs reprises à un salarié homosexuel si tel autre salarié ou prestataire lui plaisait ou était homosexuel ;
  • tenus des propos racistes à l'égard de sous-traitants malgaches.

Un licenciement pour faute grave

Le salarié est licencié pour faute grave et conteste son licenciement. Il soutient que :

  • ses propos sont dits sur le ton de l'humour dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, et n'avaient pas vocation à devenir publics ;
  • le véritable motif de licenciement tenait aux difficultés financières de l'entreprise.

La Cour de cassation rappelle alors, au visa de l'article L. 4122-1 du code du travail que « tout salarié doit prendre soin de sa santé  et de sa sécurité ainsi que de celles de ses collègues et autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail, et ce, en fonction de sa formation et de ses possibilités. » 

Elle approuve la cour d'appel d'avoir estimé que ses propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisant en raison de l'orientation sexuelle portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant. Peu importe que ces propos se voulaient humoristiques, voire qu'ils étaient appréciés par certains. Ces propos sont jugés inacceptables au sein de l'entreprise, d'autant qu'ils s’étaient répétés à plusieurs reprises et qu'ils avaient heurté certains salariés.

La chambre sociale considère ainsi que le comportement du salarié, sur le lieu et le temps de travail, porte atteinte à la santé psychique d'autres salariés et rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

Le point sur l'obligation de sécurité du salarié

Cet arrêt est l'occasion de faire le point sur l'obligation de sécurité du salarié. A titre d'exemples, il a ainsi été jugé que l'obligation de sécurité du salarié n'est pas respectée et qu'un licenciement est justifié dans les cas suivants.

Licenciement pour faute grave

Le salarié, responsable du service d'entretien, n'ayant pas établi correctement le plan de prévention (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-41.220 FS-PBRI)

Le salarié qui ne respecte pas l'obligation de porter un casque (Cass. soc., 23 mars 2005, n° 03-42.404 F-PB)

Le directeur technique en charge du respect des règles de sécurité, qui persiste à ne pas respecter les consignes de sécurité (Cass. soc., 30 sept. 2005, n° 04-40.625 F-PB)

Le couvreur décrochant son harnais de la ligne de vie lors d'un nettoyage de toiture (Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10-21.472)

La cheffe magasinière pour son refus réitéré de porter les équipements de protection individuelle (Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-14.246)

Le responsable d'équipe réalisant un « team booster » dangereux, n'étant pas intervenu pour préserver l'intégrité physique et psychique de ses collaborateurs (Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 18-14.260)

Le salarié, chef d'équipe, conduisant sous l'empire d'un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d'un salon professionnel, où il s'était rendu sur instruction de son employeur (Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 20-19.742)

Le chef de chantier avec 22 ans d'ancienneté, en l'absence de vérification de la conformité, alors qu'une gaine électrique était insuffisamment enfouie sous un escalier de sorte que le câble n'était pas protégé de coups de pioche et aurait suffi à électriser une personne (Cass. soc., 15 févr. 2023, n° 22-10.398)

Un cadre d'une position hiérarchique élevée (dont il se prévalait), qui, sur le lieu et le temps de travail, a encombré la messagerie professionnelle d'une salariée de messages insistants en vue d'une explication sur un dépit amoureux ou pour entretenir une relation, malgré le refus de celle-ci (Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-17.544 F-B)

Licenciement pour cause réelle et sérieuse

La salariée, qui au cours d'une altercation, tenait un cutter avec la lame sortie (Cass. soc., 30 oct. 2013, n° 12-20.190)

La responsable RH ayant laissé perdurer les pratiques managériales inacceptables du directeur de magasin avec lequel elle travaillait étroitement (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-24.406)

En parallèle, le salarié dispose d'un droit d'alerter l'employeur en cas de danger grave et imminent (C. trav., art. L. 4131-1).

Enfin, il faut rappeler que l'obligation de sécurité du salarié est sans incidence sur la responsabilité de l'employeur (C. trav., art.  L. 4122-1).

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