Fiche thématique
9 min de lecture
1 octobre 2022

Le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin du chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale peut opter pour le statut de conjoint collaborateur, de conjoint salarié ou de conjoint associé.

Se voit accorder la qualité de collaborateur le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, industrielle ou artisanale qui, n’exerçant parallèlement aucune activité professionnelle, participe effectivement et habituellement à l’activité de l’entreprise sans que ce travail soit rémunéré. Ce statut concerne tous les couples qu’ils soient mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage. Il nécessite une inscription aux registres de publicité légale (RCS, RNE ou répertoire des métiers ).

Sommaire

Quels sont les différents statuts existants ?

Le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin de l’exploitant qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle peut y travailler en qualité de collaborateur, de salarié ou d’associé (C. com., art. L. 121-4 et L. 121-8 ).

Le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin de l’exploitant peut également être coexploitant ou « assistant ».

Remarque

Ici nous nous intéressons uniquement aux cas du conjoint collaborateur ou du conjoint assistant, dans lesquelles le conjoint ou le pacsé ne perçoit aucune rémunération.

Le conjoint collaborateur

Qui peut bénéficier du statut de conjoint collaborateur ?

Le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin de l’exploitant du fonds de commerce peut opter pour le statut de conjoint collaborateur s’il exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé au sens de l’article 1832 du code civil (C. com., art. R. 121-1 ).

Le statut de conjoint collaborateur suppose que soient remplies les conditions suivantes :

  • le collaborateur doit être marié, pacsé ou vivre en concubinage avec l’exploitant. S’il est marié, peu importe le régime matrimonial choisi ;
  • l’entrepreneur doit déclarer le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l’immatriculation de l’entreprise (C. com., art. L. 121-4, IV) ; cette déclaration doit être accompagnée d’une attestation sur l’honneur signée par le conjoint confirmant ce choix (C. com., art. R. 121-5 ) ;
  • le collaborateur doit être immatriculé en tant que collaborateur au RCS ;
  • le conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin doit collaborer effectivement à l’entreprise. Il s’agit de participer réellement à l’activité de l’entreprise, sans être propriétaire du fonds de commerce ;
  • le conjoint collaborateur ne doit pas être rémunéré pour ses fonctions ;
  • l’activité du conjoint collaborateur doit être régulière. La collaboration requiert du collaborateur qu’il fournisse régulièrement ses services, comme s’il s’agissait d’une activité professionnelle principale. Mais le conjoint collaborateur est appelé à faire preuve d’initiative dans les limites de la finalité donnée par l’exploitant à ses fonctions.

Seuls les conjoints exerçant une activité supérieure à un mi-temps dans l’entreprise pourront bénéficier du statut (C. com., art. R. 121-2 ).

Dans le cas contraire, il prend le statut de salarié. S’il est rémunéré malgré une inscription régulière, la présomption de représentation pourra être opposée au conjoint par les tiers. Toutefois, il ne pourra pas se prévaloir des prestations sociales du collaborateur et son salaire ne sera certainement pas déductible.

Quelles formalités pour bénéficier du statut de conjoint collaborateur ?

Le conjoint collaborateur est mentionné dans les registres de publicité légale à caractère professionnel (C. com., art. L. 121-4, IV, al. 1). A partir du 1er janvier 2023, la mention se fera, selon le cas, au RCS, au registre spécial des agents commerciaux, au registre spécial des entreprises individuelles à responsabilité limitée ou au registre national des entreprises (RNE) (C. com., art. L. 121-4, IV, al. 1).

Remarque

Le conjoint mentionné comme collaborateur au RCS ou, jusqu’au 31 décembre 2022, au répertoire des métiers (RNE à compter du 1er janvier 2023) est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration pour les besoins de l’entreprise (C. com., art. L. 121-6, al. 1). Ce mandat ne lui confère pas qualité pour intervenir à l’instance relative au bail commercial conclu par son conjoint seul.

A défaut de déclaration d’activité professionnelle, le conjoint ayant exercé une activité professionnelle de manière régulière dans l’entreprise est réputé l’avoir fait sous le statut de conjoint salarié. A défaut de déclaration du statut choisi, le chef d’entreprise est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de conjoint salarié (C. com., art. L. 121-4, IV, al. 2 et 3).

Pourquoi choisir ce statut ?

Il présente deux sortes d’avantages ; il donne droit à des avantages sociaux, et il donne un pouvoir de représentation légale.

La protection sociale du conjoint collaborateur

Le statut de conjoint collaborateur a pour principal attrait la protection sociale qu’il offre au collaborateur. Ainsi :

  • l’affiliation personnelle du conjoint collaborateur d’un chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale à l’organisation autonome d’assurance vieillesse à laquelle ce dernier est lui-même affilié, est obligatoire ;
  • le conjoint collaborateur bénéficie aussi d’allocations de maternité ;
  • le conjoint collaborateur peut participer au plan d’épargne d’entreprise dans les entreprises de moins de cent salariés (C. trav., art. L. 3312-1 ) ;
  • il bénéficie de la formation professionnelle continue (C. trav., art. L. 6312-2 ) ;
  • le conjoint collaborateur est électeur et éligible aux chambres de commerce et d’industrie (C. com., art. L. 713-1, II, 1o, c).

Le conjoint participant à l’activité de son époux (ou épouse) relève du régime général s’il travaille dans des conditions caractéristiques du salariat (CSS, art. L. 311-6 ).

Le pouvoir légal de représentation du conjoint collaborateur

A la qualité de collaborateur sera attaché un pouvoir de représentation de l’exploitant. Il s’agit d’une véritable règle de fond (C. com., art. L. 121-6 ).

Grâce à cette habilitation légale, le conjoint collaborateur peut accomplir au nom du chef d’entreprise « (…) les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise ».

Il s’agirait des actes qui substantiellement se rattachent à l’activité de l’entreprise (actes d’administration entrant dans l’objet de l’exploitation) et satisfont l’intérêt de celle-ci. Les actes passés par le conjoint collaborateur doivent être liés à l’objet de l’exploitation par leur nature et ne doivent pas être source d’engagements excessifs eu égard aux possibilités économiques de l’entreprise.

Sont donc exclus les actes de disposition portant sur le fonds de commerce, c’est-à-dire qui entraîneraient aliénation de tout ou partie de ses éléments.

Malgré tout, le pouvoir de gestion reconnu au collaborateur du chef d’entreprise paraît assez large (achat des marchandises nécessaires à la fabrication d’objets destinés à la revente, vente des produits du commerce exploité par l’autre époux, exploitation normale de l’entreprise, livraisons, facturation de marchandises, renouvellement des stocks, entretien des équipements, assurances, règlements et encaissements courants, emprunts de routine, gestion des dossiers avec les compagnies d’assurance, négociation des transactions usuelles…). En revanche, il n’a pas le pouvoir de faire des apports en société, ni d’exercer des actions en justice, pour lesquelles il lui faudra un pouvoir spécial.

La Cour de cassation précise que, s’il reçoit mandat pour accomplir des actes d’administration pour les besoins de l’entreprise, le conjoint collaborateur ne devient pas pour autant titulaire des contrats conclus (Cass. 3e civ., 17 sept. 2020 no 19-18.435). Ainsi, le fonds de commerce peut être commun, mais un seul époux sera titulaire du bail commercial s’il a seul signé le bail. Si les conjoints souhaitent que la situation change, il faut choisir un autre régime et faire du conjoint collaborateur un coexploitant.

La cessation du pouvoir légal de représentation

L’article L. 121-6, alinéas 2 et 3 du code de commerce a prévu plusieurs cas de cessation du pouvoir légal de représentation.

Chaque époux peut tout d’abord mettre fin à la présomption de mandat, par déclaration faite, à peine de nullité, devant notaire, son conjoint présent ou dûment appelé. La déclaration notariée aura effet à l’égard des tiers, 3 mois après que mention en aura été portée au Registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises ou au répertoire des métiers.

En l’absence d’une telle mention, la déclaration notariée ne sera opposable aux tiers que s’il est établi que ceux-ci en ont eu connaissance. Le caractère légal du pouvoir conféré au conjoint n’efface pas son origine conventionnelle tacite (l’accord donné par l’époux exploitant à l’immatriculation de son conjoint). Celle-ci reçoit un écho au stade de la révocation du mandat. S’agissant d’un contrat conclu intuitu personae, il va cesser à l’initiative de la partie qui estimera ne plus pouvoir conserver à l’autre la confiance initiale. Cette faculté de révocation (par le mandant) ou de renonciation (par le mandataire) s’exerce ad nutum, sans qu’il soit nécessaire de donner un quelconque motif.

La présomption de mandat cessera également de plein droit en cas d’absence présumée de l’un des époux, de séparation de corps ou de séparation de biens judiciaire, de même que lorsque les conditions prévues au premier alinéa dudit article ne seront plus remplies (radiation de la mention de collaboration du conjoint au registre ou répertoire d’immatriculation de l’entreprise ; dissolution du lien conjugal).

Le conjoint « assistant »

La situation d’assistance non régulière

Une situation assez répandue en pratique est celle où le conjoint assiste son époux entrepreneur de façon libre et informelle, sans entrer dans le cadre légal de la collaboration professionnelle conjugale, que l’on vient d’évoquer.

L’assistance serait alors analysée « comme l’émanation professionnelle de la notion d’entraide familiale imposée par l’article 212 du code civil, selon laquelle, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance » (G. Teilliais, La collaboration non statutaire entre époux : le conjoint assistant ou coexploitant, LPA 29 nov. 1996, p. 14).

Il en résulte, comme l’indique l’auteur précité, que le conjoint assistant dispose de pouvoirs d’action très limités :

  • il est un subordonné non rémunéré ;
  • il est soumis aux directives et au contrôle du chef d’entreprise ;
  • il n’accomplit pas d’actes de commerce à titre de profession habituelle et se maintient dans un rôle d’entraide familiale.

Mais cette situation doit être réservée aux cas « d’entraide familiale », ce qui suppose une assistance limitée, qui ne soit pas un substitut à un contrat de travail.

La régularité de l’activité

Dans le cas où le conjoint assistant est dans la même situation qu’un salarié sans rémunération, cette situation n’est pas sans risque.

Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 octobre 2002 a d’ailleurs condamné pour travail dissimulé un mari restaurateur assisté à temps complet par son épouse cuisinière.

C’est pourquoi, la rédaction de l’article L. 121-4 du code de commerce a changé.

Alors que l’ancienne version énonçait que « le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale peut y exercer son activité professionnelle, notamment en qualité de conjoint collaborateur ; conjoint salarié ou conjoint associé », ce qui laissait une place au conjoint assistant, la version postérieure à la loi PME no 2005-882 du 2 août 2005 dispose que « le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l’un des statuts suivants : conjoint collaborateur ; conjoint salarié ; conjoint associé ».

Dès lors, de deux choses l’une :

  • soit l’activité est régulière, et il n’y a pas de place pour le conjoint assistant ;
  • soit l’activité n’est pas régulière, et un conjoint peut assister de manière informelle son conjoint.

Les conséquences de la situation du conjoint assistant

Le mandat à prouver

A la différence du mandat reconnu au conjoint collaborateur, le mandat de conjoint assistant n’est pas présumé et il doit être prouvé. Il peut cependant être tacite. Les tiers peuvent établir, sur le fondement de l’apparence, leur croyance légitime en l’existence d’un mandat conféré au conjoint assistant.

Mais en principe, dans les relations commerciales, il faut vérifier les pouvoirs de son interlocuteur.

Ainsi, un grossiste qui pénètre pour la première fois dans une entreprise d’électricité pour vendre des disques microsillons étrangers à l’exploitation n’est pas dispensé de vérifier les limites exactes des pouvoirs de son contractant qu’il qualifie hâtivement, afin de traiter l’affaire, de mandataire.

Il ne commet pas une erreur légitime, susceptible d’engager le prétendu mandant, en faisant signer le contrat au conjoint du commerçant absent (CA Lyon, 9 oct. 1963 : D. 1964, jurispr. p. 402, note Calais-Auloy).

Le chef d’entreprise peut également lui donner un mandat spécial, pour une opération déterminée. Ce mandat peut avoir pour objet un acte de disposition.

Mandataire, le conjoint assistant ne répond pas du passif de l’exploitation, sauf dans la mesure où son régime matrimonial l’oblige à participer au paiement des dettes contractées par l’exploitant (C. civ., art. 1413 ). Le conjoint n’est pas tenu au paiement des fournitures ou des services liés à l’exploitation. L’exploitant est directement obligé envers les tiers avec lesquels son conjoint a traité (C. civ., art. 1988 ). En principe, il n’est pas commerçant du simple fait de son assistance en qualité de mandataire.

Le statut social du conjoint ou du pacsé

Le conjoint assistant peut tout d’abord être ayant droit de son conjoint.

Le conjoint n’est privé du bénéfice de ses avantages sociaux que s’il relève à titre personnel d’un régime obligatoire d’assurance. Sont considérés comme ayants droit le conjoint dépourvu de toute activité professionnelle, le conjoint assistant libre de l’exploitant et le conjoint collaborateur.

Le conjoint assistant a aussi des droits propres.

Le conjoint assistant pourrait solliciter son affiliation volontaire au régime d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions du commerce et de l’industrie ou des secteurs des métiers (CSS, art. L. 742-6 ).

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