Fiche thématique
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11 octobre 2022
En cas de vente d'un local à usage commercial ou artisanal par le propriétaire-bailleur, le locataire dispose d'un droit de préférence (également appelé « droit de préemption ») qui lui permet de se porter acquéreur de ces locaux.

Sommaire

Droit d'ordre public

Le droit de préférence du locataire commercial est un droit d'ordre public. (Civ. 3e, 28 juin 2018, no 17-14.605, D. 2018. 1739 ; D. 2018. 1736, avis F. Burgaud ; D. 2018. 1740, note P. Viudès ; D. 2018. 2435, Chron. A.-L. Collomp ; D. 2019. 1511, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2019. 122, obs. J.-P. Blatter ; RTD civ. 2018. 875, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian

Information du locataire

Conditions de fond

Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire afin qu'il puisse se prévaloir de son droit de préférence.

Ce droit de préférence est toutefois exclu dans certains types de ventes.

Selon le dernier alinéa de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, en effet, il ne va pas jouer en cas :

  • de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial ;
  • de cession unique de locaux commerciaux distincts ;
  • de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial ;
  • de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ;
  • de cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.
  • lorsqu'il est fait application du droit de préemption institué aux chapitres I et II du titre I du livre II du code de l'urbanisme ou à l'occasion de l'aliénation d'un bien sur le fondement de l'article L. 213-11 du même code.

La Cour de cassation a précisé que, dans la mesure où la vente aux enchères publiques de l'immeuble, actif de la SCI bailleresse en liquidation, est une vente judiciaire et dès lors que le demandeur n'était locataire que pour partie de l'ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d'autres sociétés, les dispositions de l'art. L. 145-46-1 ne sauraient recevoir application (Civ. 3e, 17 mai 2018, no 17-16.113, D. 2018. 1070 ; AJDI 2018. 605, obs. J.-P. Blatter ; AJDI 2018. 578, ét. P. Viudès ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian).

Il en va de même en cas de vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire (Com. 23 mars 2022, no 17-16.113, D. 2022. 605 ; ibid. 1375, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2022. 361, obs. J.-P. Blatter ; Rev. sociétés 2022. 381, obs. F. Reille).

Par ailleurs, selon la cour d'appel d'Amiens, la vente globale de deux immeubles à usage commercial situés dans deux communes différentes dans le cadre d'une cession d'un portefeuille de locaux commerciaux, même s'ils ont fait l'objet de deux actes distincts, constitue une vente globale distincte non soumise au droit de préférence du locataire commercial (Amiens, 14 janv. 2021, no 19/03229; AJDI 2021. 669, obs. S. Andjechaïri-Tribillac).

Et, pour la haute juridiction, lorsque le juge du fond constate que la vente porte notamment sur des locaux commerciaux donnés à bail à des preneurs distincts, il en en déduit exactement, peu important que ces locaux soient situés dans le même immeuble et que la vente porte également sur un lot à usage d'habitation et sur des caves, qu'aucun des preneurs commerciaux ne peut se prévaloir du droit de préférence commercial de l'article L. 145-46-1, celui-ci étant exclu, par l'alinéa 6 de ce texte, dans le cas d'une cession unique de locaux commerciaux distincts (Civ. 3e, 29 juin 2022, no 21-16.452, D. 2022. 1310).

Si aucune sanction spécifique n'est prévue à l'encontre du bailleur en cas d'omission de notification du projet, en revanche, est nulle la notification en cas de non-respect des règles régissant son contenu.

Conditions de forme

L'information du propriétaire doit être transmise au locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

A peine de nullité, cette notification doit indiquer :

  • le prix et les conditions de la vente envisagée, mais pas les honoraires de négociation de l'agent immobilier (Civ. 3e, 28 juin 2018, no 17-14.605, préc.).
  • les quatre premiers alinéas de l'article L. 145-46-1.

Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire qui dispose d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour se prononcer.

Quant au moment auquel doit être notifié le droit de préférence, il a été jugé que la notification de l'offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le bailleur a pu confier à un agent immobilier un mandat de vente, puis faire procéder à des visites du bien et le fait qu'il ait conclu ultérieurement une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n'invalide pas l'offre de vente (Civ. 3e, 23 sept. 2021, no 20-17.799, D. 2021. 1766 ; AJDI 2022. 199, obs. J.-P. Blatter  .RTD com. 2021. 778, obs. J. Monéger).

Mise en œuvre

Plusieurs possibilités se présentent au locataire, qui est libre d'accepter ou de refuser l'offre du bailleur.

Acceptation de l'offre initiale

Si le locataire accepte l'offre initiale, la vente doit se réaliser dans les deux mois à compter de l'envoi de sa réponse.

Mais lorsque le locataire, en notifiant sa réponse, fait part au bailleur de son intention de recourir à un prêt, son acceptation est subordonnée à l'obtention du prêt ; le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Lorsque le défaut de réalisation de la vente dans ce délai est imputable à la seule absence de diligences du locataire, celui-ci ne peut obtenir une dérogation ou une prorogation. Ainsi, l'assignation du preneur en réalisation de la vente délivrée le dernier jour du temps imparti pour signer l'acte ne permet pas de pallier l'absence de signature de l'acte de vente à l'expiration du délai (Civ. 3e, 24 nov. 2021, no 20-16.238, AJDI 2022. 512, obs. P. Haas).

Mais la sanction prévue par l'article L. 145-46-1 est inapplicable en cas de non-réalisation de la vente dans le délai imparti dès lors que le locataire s'est heurté à des difficultés pour la préparation de l'acte de vente liées à l'hospitalisation du vendeur (Paris, 1er avr. 2022, no 20/18371, AJDI 2022. 445).

Refus de l'offre initiale

Si à l'expiration des délais légaux, la vente n'a pas eu lieu parce que le locataire a refusé l'offre ou que les délais pour l'accepter n'ont pas été respectés, l'acceptation de l'offre n'est plus valable.

Vente à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les mêmes formes que précédemment, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix (pour une illustration jurisprudentielle, V. Pau, 4 mars 2020, no 18/00689, AJDI 2020. 687).

Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.

Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.

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Questions fréquemment posées

Le locataire de locaux à usage industriel bénéficie-t-il d’un droit de préemption en cas de vente des locaux ?

Non. L'article L. 145-46-1, al. 1 du Code de commerce régissant le droit de préférence du locataire commercial lorsque le bailleur envisage de vendre les locaux loués vise uniquement les locaux à usage commercial ou artisanal. Il résulte des travaux parlementaires relatifs à la loi « Pinel » du 18 juin 2014 ayant créé le droit de préférence que l'intention du législateur était d'exclure les locaux à usage industriel du champ d'application du droit de préférence.

En cas de liquidation judiciaire du bailleur et de vente des locaux, le locataire peut-il exercer son droit de préférence ?

Lorsque, dans le cadre de la liquidation judiciaire du propriétaire de locaux commerciaux donnés en location, le juge-commissaire autorise le liquidateur à vendre de gré à gré à un tiers les locaux loués, le locataire ne peut pas exercer son droit de préemption à l’occasion de cette vente.

En effet, la vente de gré à gré d’un actif immobilier dépendant d’une liquidation judiciaire est une vente faite d’autorité de justice. Or l’article L 145-46-1 du Code de commerce instituant un droit de préférence au profit du locataire commercial ne s’applique qu’en cas de vente volontaire des locaux loués.

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