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26 février 2024
Les entreprises soumises à la directive CSRD pourront bientôt faire appel aux avocats afin de faire certifier leur reporting de durabilité. Marion Couffignal, avocate et membre du Conseil de l’Ordre de Paris et Isabelle Grenier, avocate et présidente de la commission Droit et Entreprises du CNB, nous expliquent en quoi cela peut être une plus-value.

A partir de 2026, les grandes entreprises devront faire auditer leurs rapports de durabilité par un CAC ou un OTI (organisme tiers indépendant) en vertu de la directive CSRD, transposée par ordonnance en décembre 2023. Marion Couffignal, avocate et membre du Conseil de l’Ordre de Paris et Isabelle Grenier, avocate et présidente de la commission Droit et Entreprises du CNB depuis le 1erjanvier 2024, nous expliquent les enjeux de ce nouveau marché pour les avocats.

Que pensez-vous de la faculté pour les avocats de devenir OTI ?  

Marion  Couffignal : C’est une opportunité formidable pour plusieurs raisons. La première est que ce nouveau marché de l’audit de durabilité va prendre de plus en plus d’importance. J’en ai la conviction car le périmètre des entreprises assujetties va croître dans les années qui viennent. Je pense aussi que des entreprises non assujetties auront une démarche volontariste pour donner des gages à leurs partenaires commerciaux, leurs clients, etc.

Les avocats ont donc toute leur place à prendre. Nous sommes les professionnels par excellence pour analyser les données juridiques. C’est un vrai gage de confiance pour nos clients entreprises. Cela va permettre aux avocats de se positionner sur cette chaîne de valeurs RSE et cela valorise leur rôle de conseil auprès des entreprises.

Cela permet aussi d’attirer les plus jeunes avocats : les cabinets qui ont des problèmes pour recruter vont pouvoir se positionner sur ces sujets et ainsi se rendre plus attractifs.

Pourquoi une entreprise devrait-elle plus se tourner vers un avocat OTI ? 

Marion  Couffignal : L’avocat est le meilleur professionnel pour traiter les problématiques juridiques et je suis convaincue que cette mission peut se faire en équipe. On n’est pas obligés de fonctionner en silo. Il ne faudra pas se priver en se faisant accompagner par d’autres professionnels afin d’avoir des expertises croisées et complémentaires.

Il y aura un seul signataire de l’audit mais peut-être que les cabinets vont faire le choix de s’adjoindre les services d’autres prestaires sur certains sujets comme l’environnement. Il ne faut pas fermer la porte à l’intelligence et à l’expertise collective ! Nous sommes sur un sujet transverse, pluridisciplinaire et complexe. L’objectif, c’est de donner le meilleur service au client et l’avocat aura tout son rôle à jouer.

Isabelle  Grenier : L’avantage c’est que parmi les informations à auditer, il y en a beaucoup qui relèvent du juridique.  Notre déontologie est également une plus-value. Les CAC ont également des obligations de déontologie mais ce n’est pas le cas de tous les autres acteurs autorisés à aller sur ce marché. 

Comment le CNB accompagne-t-il les avocats souhaitant être accrédités en tant qu’OTI ? 

Isabelle Grenier : Nous sommes en train de travailler avec la Commission sur ce sujet. Les avocats déjà accrédités OTI ont la possibilité d’être nommés auditeurs de durabilité sous réserve de suivre cette formation de 90 heures. Nous devons construire cette formation. 

Nous allons également travailler avec des partenaires, comme les CAC afin de voir si leur formation peut être ouverte aux avocats.  

L’objectif est d’offrir aux intéressés le maximum de possibilités pour se former en distanciel ou en présentiel avant le 1er janvier 2026. Les formations devront encore être validées par la H2A (Haute autorité de l’audit). 

Marion  Couffignal: Il existe par ailleurs déjà des formations sur le marché. Par exemple, l’AFNOR a mis en place des formations qui débutent en février.  

 Que conseillez-vous aux avocats qui souhaitent s’inscrire à ces formations ? 

Marion  CouffignalEn termes de timing, ils doivent être vigilants. Pour pouvoir être inscrits sur les listes de la H2A ils doivent remplir une double condition : être accrédité par le COFRAC et faire la formation de 90 heures. La H2A va contrôler que l’avocat remplit bien ces critères.

Je ne suis pas persuadée que tous les avocats aient bien compris les missions de l’OTI. En particulier, sur la combinaison des règles déontologiques de l’avocat et celles de l’auditeur de durabilité, qui sont inscrites dans le code de commerce (conflit d’intérêts, obligation de révélation, etc.). Les avocats doivent s’approprier ces nouvelles règles avant de se lancer dans les démarches pour vérifier que cette mission correspond bien à leur projet.

Les avocats se montrent-ils intéressés pour devenir OTI ?  

Isabelle  GrenierOn a déjà reçu de nombreuses demandes de cabinets intéressés. Cela suscite de l’intérêt. Mais avant de s’inscrire à une formation de 90 heures, les avocats doivent savoir que le parcours d’accréditation en tant qu’OTI est un préalable obligatoire. Il faut par ailleurs être soit salarié, soit associé d’une personne morale qui est accréditée OTI. 

Quelles questions se posent-ils le plus sur cette nouvelle mission ?  

Isabelle  Grenier : Est-ce qu’il est possible d’effectuer cette mission avec d’autres professionnels ? Comment travailler de manière croisée, étant donné que la mission d’audit de durabilité porte sur un certain nombre de sujets juridiques et des informations extra-financières (RH, droits humains, politique sociale et environnementale de l’entreprise… ) ? D’autres interrogations portent sur le secret professionnel ou encore sur la combinaison des dispositifs spécifiques en matière de déontologie. Sur cette mission d’auditeur de durabilité, les avocats dépendront d’un autre organisme : la H2A, et non plus le bâtonnier.  

Pour répondre à tous ces questionnements, nous travaillons sur l’élaboration d’un guide afin d’expliciter les modalités d’intervention de l’avocat lorsqu’il deviendra auditeur de durabilité ainsi que les règles qu’il devra respecter par rapport à ses missions traditionnelles. 

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