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5 septembre 2024
Alors que la directive sur le devoir de vigilance vient d’entrer en vigueur, la World Benchmarking Alliance (WBA) a dévoilé les résultats inquiétants d’un rapport évaluant les 2 000 entreprises les plus influentes au monde sur leur responsabilité en matière de respect des droits de l’homme, d’offre d’un travail décent et d’action éthique. Eclairages.

Les chiffres sont alarmants : 90 % des 2 000 entreprises les plus influentes dans le monde (les « SDG2000 ») n’atteignent pas la moitié des attentes sociétales fondamentales. Et parmi elles, 30 % obtiennent un score entre 0 et 2 sur 20, ce qui démontre qu’elles reconnaissent peu ou pas leur impact sur la vie des gens. C’est ce que révèle la première étude de la World Bencharming Alliance publiée en juillet dernier.

Moins de 10 % des entreprises ont anticipé leur conformité à la directive CS3D 

Premier constat : 91 % des entreprises évaluées ne consultent pas les parties prenantes. Un chiffre qui reflète le manque de compréhension des enjeux du programme de développement durable pour 2030 adopté par les Etats membres des Nations-Unies en 2015. Plus encore, ce résultat signifie qu’à peine 10 % des entreprises ont anticipé leur conformité à la directive européenne CS3D [bien que toutes ne seront pas sousmises aux obligations de la directive publiée cet été, dont le champ d'application n'est toutefois pas cantonné aux seules entreprises de l'UE, ndrl] qui impose, parmi d’autres obligations, d’échanger avec les parties prenantes pour l’élaboration et la mise en oeuvre de plans d’action sur le devoir de vigilance. Pourtant, selon la WBA, le dialogue améliore le respect des droits de l’homme et les pratiques de travail décent des entreprises. Et pour cause, l’étude révèle que les entreprises qui engagent des échanges ont une meilleure performance :

  • sur chaque indicateur de référence, et plus précisément concernant les engagements en matière de droits de l’homme et de diligence raisonnable ;
  • sur l’offre d’un travail décent (notamment en matière de respect de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi que sur l’égalité des sexes et l’empouvoirement des femmes).

Pour atteindre leurs objectifs, la WBA invite les entreprises à agir en donnant la priorité à la collaboration avec les parties prenantes les plus susceptibles d’être affectées par leurs activités et leurs représentants légitimes (syndicats, organisations de défense des droits humains et des droits des femmes, etc.). Par ailleurs, elle appelle les gouvernements à exiger des entreprises qu’elles mettent en oeuvre un engagement significatif des parties prenantes à toutes les étapes du processus de diligence raisonnable. Et ce pour garantir qu’elles identifient et traitent efficacement leurs risques en matière de droits de l’homme.

Un décalage entre ce que les entreprises publient et les attentes de la société 

Deuxième constat : plus de 60 % des entreprises publient des informations sur les salaires décents et plus de 45 % sur les heures de travail. Pour autant, seuls 4 % s’engagent à verser ou versent actuellement un salaire décent à leurs employés et seulement 3 % ont une politique d’horaires de travail conforme aux normes de l’Organisation internationale du travail.

En d’autres termes, « il existe un décalage entre ce que les entreprises divulguent sur le travail décent et les attentes de la société à leur égard », estime la WBA.

Pour remédier à cela, l’organisation internationale appelle les Etats à donner la priorité à la réduction de l’écart entre le salaire minimum et le salaire vital en mettant en oeuvre des politiques garantissant des révisions et des ajustements réguliers du salaire minimum pour l’aligner sur le coût de la vie. Elle suggère également de favoriser des processus inclusifs de fixation des salaires, de promouvoir la négociation collective, de mettre en oeuvre des politiques sociales complémentaires ou encore de fournir un soutien aux PME.

5 % des SDG2000 divulguent leurs dépenses de lobbying 

Autres chiffres : 11 % des SDG2000 ont mis en place une politique qui expose publiquement une approche de lobbying et à peine 5 % divulguent le coût que cela représente. Ainsi, en moyenne, les dépenses relatives au lobbying s’élèvent à 14,4 millions de dollars par an, « ce qui démontre l’investissement substantiel des entreprises dans l’influence politique », précise la WBA.

Or, selon l’organisation internationale, faire preuve de transparence en la matière est loin d’être une question marginale. En effet « Les parties prenantes ne disposent pas des informations dont elles ont besoin pour demander des comptes aux entreprises sur la question de savoir si leurs engagements et leurs efforts sont en décalage avec leurs pratiques de lobbying », estime la WBA. « En outre la pression législative s’accroît. La réglementation européenne sur le reporting de durabilité des entreprises exige que les entreprises qui y sont assujetties (75 % des SDG2000) divulguent des informations sur leurs activités de lobbying, y compris les dépenses ».

Des résultats 60 % plus élevés dans les pays dotés d’une législation sur les droits de l’homme

 Ainsi, « réglementation, orientation et pression sont essentielles pour favoriser le changement », conclut la WBA. Selon le rapport, les entreprises dont le siège se trouve dans les pays dotés d’une législation sur les droits de l’homme obtiennent des résultats 60 % plus élevés en matière de diligence raisonnable. Pourtant seules 6 % des entreprises ont pleinement mis en oeuvre ces réglementations. Parmi elles, la WBA indique que deux tendances se dégagent. Les entreprises :

  • « sont principalement issues de régions dotées de solides directives gouvernementales et de cadres réglementaires en matière de droits de l’homme » ;
  • « ont tendance à opérer dans des secteurs à fort impact qui ont fait l’objet d’un examen public plus approfondi et sont mieux équipées en outils et directives détaillés sur les droits de l’homme ».

Sans surprise, la WBA appelle ainsi les gouvernements à introduire et appliquer des normes juridiques minimales clarifiant la responsabilité des entreprises, indépendamment de leur taille et de leurs activités, afin de mener une démarche efficace en matière de respect des droits de l’hommes conformément aux principes directeurs de l’ONU et aux lignes directrices de l’OCDE.

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Joséphine BONNARDOT