Un satisfecit sur les réformes du quinquennat, mais un appel à poursuivre les efforts pour favoriser le développement de l’épargne salariale (participation, intéressement, plans d’épargne d’entreprise ou retraite, actionnariat salarié), notamment dans les petites entreprises. Telle était la tonalité des septièmes Rencontres pour l’épargne salariale organisées mercredi 2 février par Fondact, association rassemblant des entreprises privées et publiques et des sociétés de gestion d’actifs autour de la promotion de l’épargne salariale. Vue comme un outil de motivation et de fidélisation des salariés, voire de réconciliation entre capital et travail par un partage de la propriété dans le cas de l’actionnariat salarié, "l’épargne salariale peut apaiser les tensions salariales", a salué Robert Ophèle, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), indiquant que les sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et des abondements représentent 7 % de la masse salariale des bénéficiaires.
Des dispositifs peu présents dans les petites entreprises
"Il y a un consensus pour constater que les lois de ces dernières années ont contribué à rendre plus efficaces les dispositifs, mais il reste des chantiers pour améliorer leur simplicité et aider à leur développement, notamment dans les entreprises de taille intermédiaire et les PME", a lancé en introduction Benoît de Ruffray, PDG du groupe Eiffage et président de Fondact. Si 9,3 millions de salariés du secteur privé, soit 51,4 % d’entre eux, ont bénéficié en 2019 d’un dispositif d’épargne salariale selon les derniers chiffres de la Dares, le taux de couverture est très inégal selon la taille de l’entreprise, avec 13,7 % de salariés bénéficiaires dans les structures de moins de 10 salariés contre 86,8 % dans celles de plus de 1 000 salariés.
Parmi les mesures importantes du quinquennat figure en première place la suppression du forfait social, depuis le 1er janvier 2019, sur la participation et les abondements aux plans dans les entreprises de moins de 50 salariés, et sur l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. La loi Pacte du 22 mai 2019 a ensuite renforcé la sécurisation des exonérations sociales et fiscales sur l’intéressement, incité à la négociation de branche d’accords applicables dans les petites entreprises, et mis sur les rails les nouveaux plans d’épargne retraite collectifs. Deux lois en 2020 ont enfin autorisé la mise en place de l’intéressement par décision unilatérale dans les TPE et abaissé à un an (contre trois ans auparavant) la durée minimale des accords d’intéressement.
"L’objectif de la loi Pacte et des autres lois est de développer l’épargne salariale dans les entreprises de moins de 250 salariés, avec un focus sur l’intéressement, a expliqué Florence Lefrançois de la Direction générale du travail. Une évaluation est faite chaque année par le comité de suivi Impacte, mais il est encore un peu tôt pour tirer le bilan de ces mesures". La fonctionnaire se félicite toutefois des quelque 34 150 accords signés en 2020 en matière d’épargne salariale, dont la moitié par ratification directe du personnel. Le dispositif le plus courant est l’intéressement (68 % des accords).
Moins de 30 branches professionnelles ont négocié un régime d’épargne salariale
"Il y a encore beaucoup de choses à faire sur le terrain des PME, un sujet clé est de faire en sorte que les partenaires sociaux mettent en place des accords types au niveau des branches", a expliqué Thibault Lanxade, qui vient d’être confirmé fin janvier dans sa mission d’"ambassadeur à l’intéressement et à la participation" par les ministres de l’économie et du travail. "Malheureusement, moins de 30 branches professionnelles sur les 220 existantes ont négocié un accord type", a-t-il déploré. Auteur d’un ouvrage sur le "dividende salarié", celui qui est aussi PDG du groupe Jouve et ancien vice-président du Medef a exposé plusieurs pistes de réforme, dont certaines sont loin de faire l’unanimité parmi les chefs d’entreprise : rendre obligatoire la participation dans toutes les entreprises de plus de 10 salariés (contre 50 salariés aujourd’hui), conditionner le versement de dividendes aux actionnaires au versement d’un "dividende" aux salariés, modifier la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation pour doubler son montant, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés où la participation correspondrait simplement à un pourcentage du bénéfice net fiscal.
Vers une exemption totale de forfait social ?
"Nous sommes tous partisans de l’épargne salariale, mais toute obligation créera des réactions négatives", a réagi Patrick Martin pour le Medef, qui a appelé de ses vœux une simplification du "maquis" des dispositifs et a insisté sur le frein du forfait social. "Nous sommes pour la suppression de tout prélèvement obligatoire sur l’épargne salariale, et nous réclamons de la stabilité pour que les entreprises sachent à quelle sauce elles vont être mangées". Sans aller jusqu’à la suppression totale, Fondact revendique un forfait social nul sur toute l’épargne salariale dans les entreprises de moins de 250 salariés, et sur les versements à un plan d’épargne retraite quelle que soit la taille de l’entreprise.
Également ambassadeur à l’intéressement et à la participation, François Perret, directeur de l’association Pacte PME, a salué les efforts de pédagogie et de simplification menés par les pouvoirs publics avec la diffusion par les Urssaf et les ministères du travail et de l’économie d’outils d’accompagnement des entreprises pour rédiger des accords d’intéressement. Il constate toutefois un "risque de confusion" par la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) dite "prime Macron", instaurée pendant le mouvement des gilets jaunes. "Si les entreprises bénéficient des mêmes avantages en versant la PEPA, elles choisissent la prime au détriment de l’épargne salariale. Trois ans après, est-ce qu’on a toujours besoin de la PEPA ?".
Un risque de substitution aux augmentations salariales
Seul représentant syndical lors de ces Rencontres, Luc Mathieu pour la CFDT a pointé le risque d’une substitution de l’épargne salariale aux augmentations salariales. Le code du travail interdit clairement que les primes d’intéressement ou les abondements viennent remplacer un élément de rémunération comme une prime. "Mais au cours des négociations annuelles obligatoires sur les salaires, on voit que des entreprises ne veulent pas augmenter les salaires et utilisent des dispositifs de complément d’intéressement, c’est bien une substitution", estime le syndicaliste. Concernant l’actionnariat salarié, alors que l’objectif d’une détention de 10 % du capital des entreprises par les salariés fait consensus parmi les participants, le syndicaliste a rappelé que cette formule fait porter un double risque sur les salariés, par leur emploi et par leur investissement en actions de l’entreprise : "On l’a vu avec Dexia qui a été l’un des rares exemples de déconfiture d’une entreprise [en 2008 dans le sillage de la crise des subprimes]. Les salariés ont perdu des sommes considérables".