Actualité
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24 juillet 2024
L'application des règles régissant le contrat à durée déterminée donne lieu à un contentieux régulier. En témoigne notre sélection d'arrêts récents que nous présentons dans un tableau de synthèse.

Parmi les différentes décisions de jurisprudence que nous avons sélectionnées pour notre tableau ci-dessous, on retiendra que deux cas sont liés à la signature du contrat. La première affaire traite de la mauvaise foi d'un salarié qui refuse de signer un avenant de renouvellement (Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-11.623). La deuxième affaire concerne une contestation de la signature apposée sur le contrat (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-20.962).

Est aussi abordée la question de l'incidence de l'enchaînement de plusieurs CDD pas nécessairement successifs sur la durée de la période d'essai alors qu'il y a embauche en CDI (Cass. soc., 19 juin 2024, n°23-10.783).

Nous avons également retenu un arrêt de la cour d'appel de Montpellier dans laquelle elle précise sa position sur les conséquences, sur le contrat, de la tenue par un salarié de propos injurieux et racistes envers ses collègues (CA Montpellier, 2 mai 2024, n°21/01805).

Enfin, une décision de la Cour de cassation qui traite de la requalification en CDI de contrats de mission successifs et des délais de prescription a été intégrée dans ce tableau. Les principes exposés sont transposables à l'action en requalification de CDD en CDI (Cass. soc., 24 avr. 2024, n°23-11.824). 

Contexte

Solution

Signature par le salarié d'un CDD écrit

  • Tout CDD doit être établi par écrit sous peine de requalification en CDI (C. trav., art. L.1242-12).

  • Selon une jurisprudence constante, l’absence de signature du CDD par l’une ou l’autre des parties est assimilée à un défaut d’écrit et entraîne la requalification en CDI (Cass. soc. 14-11-2018 n° 16-19.038), qu’il s’agisse de l’employeur (Cass. soc., 6 oct. 2016, n°15-20.304) ou du salarié (Cass. soc., 22 oct. 1996, n°95-40.266 ; Cass. soc., 31 mai 2006, n°04-47.656).

  • Deux questions ont été soumises à la Cour de cassation : quelles sont les conséquences si le salarié refuse de signer son CDD (décision du 22 mai 2024) ? Que faire si le salarié conteste l'origine de la signature apposée sur son contrat (décision du 12 juin 2024) ?

  •  1er arrêt : refus du salarié de signer le contrat et notion de mauvaise foi

  • La Cour de cassation rappelle que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée (C. trav., art. L1242-12). Il n'en va autrement que si le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse. 

  • Dans cette affaire, le salarié en CDD avait refusé de signer l'avenant de renouvellement proposé par l'employeur au motif qu'il n'était pas d'accord avec son contenu. Il avait continué à travailler jusqu’au terme prévu par cet avenant et avait ensuite demandé la requalification en CDI en arguant que le CDD s'était poursuivi sans qu'il ait signé d'avenant. Les juges du fond avaient rejeté sa demande estimant qu'il avait fait preuve de mauvaise foi en se prévalant de ce refus pour solliciter la requalification. A tort pour la Haute Cour qui reproche à la cour d'appel de ne pas avoir assez caractérisé la mauvaise foi du salarié (Cass. soc. 22 mai 2024 n°22-11.623).

  • Par cette décision, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure (Cass. soc., 7 mars 2012, n°10-12.091 et Cass. soc., 10 avr. 2019, n°18-10.614).

  •  2è arrêt : contestation de la signature du salarié sur le CDD

  • En cas de litige relatif à la validité d’une signature apposée sur un CDD, l’original du contrat doit être produit devant le juge. A défaut, le contrat est réputé non écrit et encourt la requalification en CDI (Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-20.962) (Voir notre article du 16 juillet 2024).

Motif de recours au CAE en CDD

  • Le CAE est un contrat de droit privé qui peut être conclu à durée déterminée (C. trav., art. L.1242-3) sur des emplois visant à combler des besoins collectifs non satisfaits. Ce contrat aidé du secteur non marchand s’adresse aux personnes sans emploi ayant des difficultés particulières d’accès à l’emploi.

  • Par exception il peut être conclu pour pourvoir à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il doit être écrit et comporter un motif. A défaut il est réputé être conclu à durée indéterminée.

  • Si le contrat indique bien CAE mais mentionne un motif supplémentaire, ce cumul de motifs peut-il entraîner la requalification en CDI ?

  • Non, répond la Cour de cassation. La seule mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi » suffit à définir le motif du CDD comme prévu à l'article L. 1242-2 du code du travail.

  • Par conséquent, lorsqu'en plus de la mention « contrat d'accompagnement dans l'emploi », un CDD contient l’un des motifs de recours au CDD de droit commun (en l’espèce, « accroissement temporaire d’activité suite à une nouvelle activité » c’est la mention CAE (mention spécifique du contrat aidé) qui prévaut sur les autres (Cass. soc., 13 mars 2024, n°22-20.031).

Exemple de faute grave justifiant la rupture anticipée du CDD

  • Sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail (C. trav., art. L. 1243-1).

  • Le fait pour un technicien d’avoir tenu des propos injurieux et racistes envers ses collègues et de les avoir revendiqués au nom de la « plaisanterie » est-il une faute grave permettant de rompre le CDD sans avoir à attendre le terme du contrat ?

  • Oui, selon la Cour de cassation. En effet ces propos sont de nature à altérer la sécurité, l’intégrité, et la santé morale des collègues. Ils sont constitutifs d’une violation des obligations issues du contrat de travail qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Dès lors, la rupture anticipée du CDD pour faute grave du salarié est encourue (CA Montpellier, 2 mai 2024, n°21/01805).

Salariés protégés : formalités à l’arrivée du terme du contrat

  • Selon une jurisprudence constante, le conseiller du salarié doit bénéficier de la protection prévue à l'article L. 2421-8 du code du travail imposant que, lorsque le CDD arrive à son terme, l'inspecteur du travail autorise préalablement la cessation du lien contractuel (Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-23.989).

  • Une question restait en suspens depuis la recodification du code du travail intervenu à droit constant, celle de savoir si l’inspecteur du travail devait être saisi à l’arrivée du terme d’un CDD d’un salarié protégé alors que le contrat est sans clause de renouvellement ?

  • Non, tranche la Cour de cassation. La rupture du CDD d'un conseiller du salarié avant l'échéance du terme en raison d'une faute grave ou de l'inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l'arrivée du terme lorsque l'employeur n'envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. En revanche, il n'y a pas lieu de saisir l'inspecteur du travail en cas d'arrivée à échéance du terme d'un CDD sans clause de renouvellement, et n'ayant pas la nature d'un contrat saisonnier ou d'usage (Cass. soc., 10 juill. 2024, n°22-21.856) (Voir notre article du 19 juillet 2024). 

  • Cet arrêt rendu à propos du conseiller du salarié a une portée plus large. Le principe énoncé par la Cour de cassation a en effet vocation à s’appliquer à tous les salariés protégés sous CDD.

Embauche en CDI après un ou plusieurs CDD : incidence sur la durée de la période d’essai

  • À l’expiration d’un ou de plusieurs CDD, le salarié peut être embauché, sans délai, sous CDI par l’entreprise dans laquelle il travaillait. Dans ce cas, la durée de ce ou de ces CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail (C. trav. art. L 1243-11, al. 3), même si les différents contrats sont séparés par de courtes périodes d’interruption (Cass. soc. 9-10-2013 n° 12-12.113).

  • Pour calculer la durée de la période d’essai en CDI, l’employeur doit-il prendre en compte le dernier CDD ou la chaîne de CDD qui se sont succédé ?

  • Il s’agit de tous les CDD même s’il y a eu des interruptions entre ces contrats ou s’ils ont été conclus sur des postes différents répond la Cour de cassation. Elle précise que lorsque, à l'issue d'un ou de plusieurs CDD, la relation de travail se poursuit par un CDI sur un même emploi, la durée de ces contrats s'impute sur la période d'essai éventuellement prévue au CDI. Il importe peu que les CDD aient été espacés de courtes périodes. (Cass. soc., 19 juin 2024, n°23-10.783)(voir notre article du 25 juin 2024). 

  • Ainsi, des CDD antérieurs, même espacés et conclus sur des postes différents, peuvent être déduits de la période d'essai prévue pour un CDI si ces postes sont comparables et requièrent les mêmes compétences et aptitudes.

Action en requalification d’un CDD en CDI et délais de prescription applicables

  • Depuis l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, l’action portant sur l’exécution du contrat de travail doit être engagée dans les 2 ans suivant le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Les actions portant sur la rupture du contrat de travail se prescrivent par 12 mois à compter de la notification de la rupture (C. trav., art. L.1471-1).

  • L’action en requalification en CDI et les demandes indemnitaires qui y sont associées se prescrivent-elles selon un délai identique ?

  • Non. La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel la durée de prescription à appliquer est déterminée par la nature de la créance invoquée. Ainsi, l’action en requalification en CDI est soumise à la prescription biennale. Les demandes indemnitaires qui y sont associées relèvent pour leur part d’un régime autonome, déterminé en fonction de leur objet respectif. De ce fait, certaines demandes indemnitaires pourront être prescrites d’autres pas.

  • La demande relative aux dommages-intérêts pour licenciement abusif se prescrit par 12 mois, celle portant sur le paiement d’une indemnité de préavis et de congés payés est soumise à la prescription triennale (Cass. soc., 24 avr. 2024, n°23-11.824) (voir notre article du 5 juin 2024).

  • Remarque : bien que rendu à propos de l’action en requalification de contrats de mission successifs en CDI, l'arrêt du 24 avril 2024 est transposable à l’action en requalification de CDD en CDI.

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