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23 septembre 2022
La consultation ponctuelle sur un projet de réorganisation n'est pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

La question de l'articulation entre consultation sur un projet de réorganisation et consultation sur les orientations stratégiques se pose depuis la création de cette consultation récurrente en 2013.

Plusieurs jugements et arrêts de cour d'appel se sont prononcés au cas par cas, mais c'est la première fois que la chambre sociale tranche dans cet arrêt qui sera publié au rapport annuel de la Cour de cassation, et qui est accompagné de sa notice explicative.

Et la réponse est claire : ces deux consultations sont différentes, indépendantes et autonomes.

Consultations sur un projet de fermeture d'un établissement et sur les orientations stratégiques

Dans cette affaire, un établissement d'enseignement catholique informe son CSE de son projet de fermer un lycée professionnel et de résilier le contrat d'association correspondant avec le ministère de l'agriculture. Quelques jours plus tard, la réunion de consultation du comité sur les orientations stratégiques de l'entreprise est ouverte.

Le CSE saisit la justice, et la cour d'appel de Paris ordonne la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat et la fermeture du lycée jusqu'à la clôture de celle sur les orientations stratégiques. L'établissement est en outre condamné à payer au CSE des dommages et intérêt pour délit d'entrave à son fonctionnement.

Pour les juges, le projet de résiliation du contrat en vue de faire cesser l'activité du lycée était un « choix stratégique », lequel résulte du constat d'une dégradation de la situation économique, d'une trésorerie insuffisante, obérant la capacité de l'établissement à s'endetter pour faire face à des travaux d'entretien et de rénovation nécessaires, d'une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit. La cour en déduit qu'il s'agit de la « déclinaison concrète d'une orientation stratégique » qui doit préalablement être soumise à la discussion du CSE.

L'établissement conteste. Il considère que ces deux consultations sont autonomes, et que l'employeur demeure libre de soumettre tout projet ponctuel à la consultation du CSE, dès lors que son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.

Deux consultations autonomes

La Cour de cassation donne raison à l'établissement. Elle en profite pour établir, pour la première fois, une règle générale en matière d'articulation entre consultation sur un projet ponctuel et consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

Elle commence par rappeler la définition de ces différentes consultations :

  • selon les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du code du travail, le CSE est consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique ou en cas de restructuration et compression des effectifs ;
  • aux termes de l'article L. 2312-24, le CSE est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.

Puis la chambre sociale explique que « la consultation ponctuelle sur la modification de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n'est pas subordonnée au respect préalable par l'employeur de l'obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l'entreprise ».

Il n'y a donc pas lieu de suspendre la consultation sur le projet ponctuel jusqu'à la clôture de celle sur les orientations stratégiques. Il n'y a par conséquent pas délit d'entrave donnant lieu à dommages et intérêts.

Remarque

la solution apparaît comme logique, et favorise la sécurité juridique des consultations du CSE. En effet, si les deux consultations sont liées, comment et quand les articuler ?  

NDLR

si la jurisprudence sur cette question est assez abondante, les juges du fonds n'étaient pas toujours d'accord, et la Cour de cassation ne s'était pas encore prononcée. Un arrêt de la cour d'appel de Paris de 2018 allait toutefois dans le sens de la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 septembre 2022. Ainsi, il a été jugé que la consultation sur les orientations stratégiques est indépendante de toute consultation portant sur un projet ponctuel de réorganisation. Elle soulignait à cet égard la déconnexion des consultations récurrentes et des consultations ponctuelles, aucune n'ayant la primauté sur l'autre, et que l'employeur conservait une entière liberté de soumettre tout projet ponctuel à consultation du comité dès le moment où son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise. La cour d'appel avait toutefois pris soin de réserver le cas de la dissimulation, lors de la consultation sur les orientations stratégiques, d'une nouvelle stratégie impliquant le projet de réorganisation en question. Dans cette affaire, les juges d'appel écartent cette prétendue dissimulation, mais l'on peut penser que dans cette hypothèse, le juge aurait alors pu suspendre le projet jusqu'à la clôture de la consultation sur les orientations stratégiques  (CA Paris, ch. 6-2, 3 mai 2018, n° 17/09307). Ce point n'est pas soulevé dans l'arrêt de la Cour de cassation, on peut donc se demander si cette réserve s'applique ? La solution du 21 septembre 2022 semble poser un principe général et ne prévoit pas d'exception, mais il faudra surveiller attentivement les prochaines décisions des juges à cet égard.

Objets distincts des deux consultations

La notice explicative de l'arrêt ajoute quelques précisions intéressantes. Elle explique, concernant la consultation récurrente sur les orientations stratégiques que « par son objet et par sa temporalité, cette consultation a été définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du CSE relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations ».

La notice inscrit la solution retenue dans la continuité de l’arrêt du 30 septembre 2009 (Cass. soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525) qui exclut que la régularité de la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique soit subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le même comité sur l’évolution annuelle des emplois et des qualifications, et de celle d’engager tous les trois ans une négociation portant sur la GPEC imposée le code du travail.

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