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6 juin 2024
Une clause des statuts d'une SAS qui autorise une décision collective des associés à exclure un associé demeure valable même si elle comporte une stipulation interdisant à l'intéressé de voter sur sa propre exclusion, seule cette stipulation étant réputée non écrite.

Une clause des statuts d’une société par actions simplifiée (SAS) prévoit qu’une décision collective des associés peut exclure un associé et interdit à l’intéressé de participer, le cas échéant, au vote sur cette exclusion.

En application de cette clause, un associé est exclu lors d’une assemblée générale à laquelle il assiste sans prendre part au vote. Il demande l’annulation de cette décision qu’il estime irrégulière, faute d’avoir participé au vote.

Sa demande est rejetée au motif que les dispositions de l'article L. 227-9 du code de commerce autorisent les statuts des SAS à déroger au principe selon lequel tout associé dont l'exclusion est discutée participe au vote.

Cette décision est cassée pour violation des articles 1844 et 1844-10 du code civil et de l’article L. 227-16 du code de commerce.  Il résulte en effet « de la combinaison de ces textes que si les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent prévoir l'exclusion d'un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d'exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite ».

Pouvoir irréductible de l’associé de voter sur son exclusion soumise à une décision collective

Dès 2007, la Cour de cassation avait estimé qu’il résulte de l’alinéa 1 de l’article 1844 du code civil « que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi » ; elle avait en outre précisé que si l’article L. 227-16 du code de commerce permet aux statuts d'une SAS de prévoir, dans les conditions qu'ils déterminent, qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, il « n'autorise pas les statuts, lorsqu'ils subordonnent cette mesure à une décision collective des associés, à priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition » (Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537, n° 1164 FS-PBI).

On notera que, dans l'arrêt précité, l’associé éconduit s'était également prévalu de l'article L. 227-9 du code de commerce. Ce fondement avait cependant été soulevé d’une manière accessoire, alors qu’il était au cœur du moyen principalement traité dans la présente affaire, sans qu’un meilleur sort ne lui soit réservé. Pour rappel, l’article L. 227-9 permet aux statuts de SAS de déterminer « les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient », sous réserve de certaines opérations qu’il soumet obligatoirement à une décision collective des associés, également prise dans les conditions prévues par les statuts. Dans la mesure où il a été jugé que l’article L. 227-16 du code de commerce, spécialement applicable à la cession forcée d’actions, ne comporte pas de dérogation au droit de l’associé de voter sur sa propre exclusion, il était prévisible que la Cour aboutisse au même constat à propos d’un article dont l’objet est beaucoup plus général. Au demeurant, dans la mesure où l’article L. 227-9 soumet par principe toute décision collective au régime des statuts, admettre que ceux-ci puissent déroger au droit de vote de l’associé sur sa décision d’exclusion sur le fondement de ce texte reviendrait à admettre qu’ils puissent en faire autant pour toute autre décision collective. Une telle désacralisation du droit de vote de l’associé n’était manifestement pas à l’agenda de la Haute Juridiction.

En substance, il est confirmé que les statuts d’une SAS ne peuvent pas valablement priver un associé du droit de voter sur sa propre exclusion lorsque celle-ci est soumise à une décision collective. Il en est naturellement ainsi lorsque la stipulation de la clause d’exclusion a pour objet la privation du droit de vote, mais aussi lorsqu’elle a pour effet une telle privation (précision inédite, à notre connaissance).

Sauvegarde de la clause d’exclusion par limitation du « réputé non écrit » à la stipulation illicite

Jusqu’à présent, la clause d’exclusion des statuts de SAS privant l‘associé du droit de voter sur son exclusion était réputée non écrite et ce, dans sa totalité (Cass. com., 9 juill. 2013, n° 11-27.235, n° 731 FS - P + B). L’arrêt commenté opère un revirement de jurisprudence sur ce dernier point en limitant le « réputé non écrit » à la seule stipulation de la clause privant ou ayant pour effet de priver l’associé concerné de son droit de voter sur sa propre exclusion. En d’autres termes, la clause d’exclusion survit au vice qui l’affecte. Une nouvelle réunion pourra dès lors utilement être tenue en invitant l’intéressé à voter sur sa propre exclusion sans qu’il soit nécessaire d’appeler la collectivité des associés à adopter préalablement une nouvelle clause d’exclusion, expurgée de la stipulation illicite.

On notera par ailleurs avec intérêt que la Cour de cassation n’a pas subordonné la nullité de la décision au fait que l’irrégularité résultant de l’absence de vote de l’associé concerné ait été « de nature à influer sur le résultat du processus de décision », comme elle a pu le faire, récemment, à propos de diverses décisions collectives entachées d’irrégularités (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324, n° 191 FS-B, à propos d'une SAS : Elnet, 4 avr. 2023, G. Lesage ; Cass. com., 11 oct. 2023, n° 21-24.646, n° 648 FS-B, à propos d'une SARL : Elnet, 27 nov. 2023, E. Guégan ; Cass. com., 29 mai 2024, n° 21-21.559 F-B, à propos d'une SARL : commentaire à paraître).  Demeure donc valable l’une des solutions qui ressortait implicitement de l’arrêt de 2013 précité, selon laquelle la nullité de la décision d’exclusion n’est pas subordonnée au fait que la privation du droit de vote de l’associé concerné soit de nature à influer sur le résultat du vote (Cass. com., 9 juill. 2013, préc., v. quatrième branche du premier moyen, qui avait été ignorée par la Cour).  

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