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5 avril 2023
Les salariés d’une filiale, licenciés après la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, ne peuvent pas mettre en cause la responsabilité de la société mère qui avait précédemment cédé la filiale sans s’assurer de la viabilité de cette reprise.
Une société mère qui cède une filiale en difficulté n’a pas à vérifier la viabilité de la reprise
©Gettyimages

Une société mère cède toutes les actions d'une de ses filiales qui, un mois plus tard, est mise en redressement puis en liquidation judiciaires. La date de cessation des paiements est fixée à une date antérieure à celle de la cession. Certains des salariés de la filiale qui ont été licenciés par le liquidateur judiciaire mettent en cause la responsabilité de la société mère, lui réclamant des dommages-intérêts en réparation de la perte de leur emploi. Ils soutiennent que la société mère a commis une faute en cédant sa filiale en état de cessation des paiements sans vérifier la viabilité du projet du repreneur.

Argument rejeté. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

A noter :

Précision inédite à notre connaissance.

En l’espèce, la filiale était en cessation des paiements, c’est-à-dire dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, et son dirigeant devait demander qu’elle soit mise en redressement ou en liquidation judiciaire (C. com. art. L 631-1, al. 1 et L 640-1), ce qui avait été fait après la cession.

Rien n’interdit de céder une société en difficulté. Certes, dans les relations entre le cédant et l’acquéreur, le fait que ce dernier ait ignoré la cessation des paiements de la société lui permet de demander, sous certaines conditions, l’annulation de la cession pour erreur (Cass. com. 28-2-2006 n° 01-14.951 F-D : RJDA 10/06 n° 1036), pour dol (Cass. com. 17-6-2003 n° 99-12.492 F-D : RJDA 11/03 n° 1078, 1e espèce) ou encore sa résolution pour vices cachés (Cass. com. 16-11-2004 n° 02-12.636 F-D : RJDA 5/05 n° 563). Mais, si l’acquéreur connaissait les difficultés de la filiale, il a pu aussi en négocier le prix (Cass. com. 30-1-1996 n° 93-21.210 F-D : RJDA 4/96 n° 453) – un euro symbolique dans l’affaire commentée – ou obtenir du cédant une prise en charge d’une partie du passif (cf. Cass. com. 10-10-2018 n° 17-12.564 F-D : RJDA 1/19 n° 20).

Ces aspects n’étaient ici pas dans le débat, qui portait sur la responsabilité de la société mère cédante à l’égard des salariés de la filiale cédée. Statuant dans une affaire où une société mère avait cédé une branche d’activité d’une filiale à une société qui avait été mise en liquidation judiciaire deux ans plus tard, la Cour de cassation a estimé que l’action en responsabilité engagée contre la société mère par les salariés de cette branche d’activité était recevable dès lors qu’ils invoquaient un préjudice distinct de celui subi par les autres créanciers, notamment celui résultant de la perte de leur emploi (Cass. soc. 14-11-2007 n° 05-21.239 FS-PB : RJDA 4/08 n° 439). Mais n’était alors en cause que la recevabilité de l’action et non son bien-fondé

C’est cette question que tranche ce nouvel arrêt, du moins en partie : la responsabilité de la société mère cédante ne peut pas être recherchée pour absence de vérification de la viabilité du projet de reprise de l’acquéreur. Cela ne signifie pas que la responsabilité de la société mère ne pourra jamais être mise en cause par les salariés ; elle pourrait l’être au titre de sa gestion de la filiale, si elle a concouru à la déconfiture de celle-ci et à la disparition des emplois qui en est résultée (par exemple, Cass. soc. 24-5-2018 n° 16-22.881 FS-PB : RJS 8-9/18 n° 530).

Documents et liens associés

Cass. com. 1-3-2023 n° 21-14.787 FS-B, X c/ Sté Volkswagen Aktiengesellschaft

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