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14 avril 2023
Un juste motif de révocation a été retenu contre un gérant de SARL qui a méconnu ses obligations légales et statutaires concernant l'approbation annuelle des comptes, les modalités d'octroi de sa rémunération et l'approbation de conventions réglementées.

La révocation du gérant de SARL doit être fondée sur un juste motif, à défaut duquel l’intéressé peut prétendre au versement de dommages et intérêts (C. com., art. L. 223-25). Classiquement, constitue un juste motif de révocation tout manquement à une obligation légale ou statutaire (Cass. com., 15 janv. 2020 n° 18-12.009, à propos de la méconnaissance des dispositions légales relatives à la protection d’une salariée enceinte). Un récent arrêt de la cour d’appel de Paris illustre une nouvelle fois ces principes.

Deux sœurs s’associent avec le gendre de l’une d’entre elles pour créer une SARL dont le capital est partagé à parts égales entre les trois associés. Le gendre est nommé gérant de la société avec sa tante mais ils sont tous deux révoqués de leurs fonctions dans un contexte de conflit familial provoqué par le divorce du gendre. Ce dernier assigne la société en paiement de dommages et intérêts, considérant notamment qu’il a été révoqué sans juste motif. En vain.

La violation d’obligations légales et réglementaires comme juste motif de révocation

En l’espèce, plusieurs manquements étaient reprochés aux deux gérants : l’absence de soumission des comptes à l'approbation des associés pendant trois exercices consécutifs (C. com., L. 223-26), le versement de rémunérations sans l’autorisation des associés, le défaut de consultation des associés après la signature de plusieurs conventions réglementées, ou encore l’existence d’un compte courant débiteur. Les juges en déduisent que ces faits « pris ensemble, caractérisent un manque de transparence et de rigueur dans la gestion de la société et constituent un juste motif de révocation ». Si le constat d’un juste motif de révocation n’est pas une surprise, la formule utilisée par l’arrêt interroge néanmoins : était-il nécessaire de considérer ces manquements « ensemble » pour caractériser un juste motif ? Une telle interprétation serait sans doute excessive et s’éloignerait de la jurisprudence dont il ressort que le seul défaut de convocation des assemblées générales pendant plusieurs années constitue un juste motif de révocation (CA Paris, 14 nov. 2000, n° 1999/23608), de même que le fait pour le gérant de faire fonctionner son compte courant en position débitrice (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-14.540).

Le fonctionnement informel d’une société ne dispense pas de faire approuver ses comptes

S’agissant du refus de soumettre les comptes annuels à l’approbation des associés, l’arrêt rappelle utilement que ni l’entente familiale, ni le fonctionnement peu formel de la société, ne déchargeaient les gérants. En effet, même lorsqu’ils appartiennent à une même famille, les associés doivent se réunir dans les formes au moins une fois par an pour approuver les comptes de la société et l’accomplissement de cette obligation ne saurait résulter de la seule communication des comptes de la société aux associés par l’expert-comptable, comme le retient l’arrêt.  

Le défaut de convocation aux AG annuelles engage la responsabilité des deux cogérants

Enfin, l’arrêt apporte une intéressante précision quant à l’imputabilité des manquements en présence de plusieurs gérants. Dès lors que les statuts ne distinguent pas entre les pouvoirs des différents gérants, le défaut récurrent de convocation des assemblées générales annuelles obligatoires, de même que l’absence de soumission d’une convention réglementée à l’approbation des associés, sont imputables à tous les gérants. La solution est parfaitement logique puisqu’en cas de pluralité de gérants, ceux-ci peuvent agir séparément (C. com., art. L. 223-18, al. 7) de sorte qu’il appartient à chacun de veiller au bon fonctionnement de la société. Au demeurant, quelle que soit la répartition des pouvoirs entre les gérants, chacun d'eux est tenu de contrôler les actes effectués par l'autre et de pallier ses manquements.

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Elsa Guégan, Professeur agrégée des facultés de droit
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