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24 mars 2023
Un liquidateur amiable engage sa responsabilité pour faute en procédant à la liquidation de la société sans tenir compte du litige opposant celle-ci à des créanciers potentiels et en faisant en sorte que ces derniers ne puissent être désintéressés par elle.

Une société vend un appartement. Des désordres surviennent. Les acquéreurs assignent le gérant de la société en son nom propre et en sa qualité de liquidateur amiable de la société venderesse. Ils reprochent notamment à l’intéressé d’avoir omis de souscrire une garantie décennale.

Les juges du fond rejettent leur demande. Selon eux, seules les fautes du liquidateur postérieures à sa nomination peuvent engager sa responsabilité. Or, l’oubli de la souscription d’une garantie décennale était une faute antérieure à la nomination de l’intéressé en qualité de liquidateur. En conséquence, les acquéreurs auraient dû rechercher la responsabilité de la société elle-même ou de son gérant pour des fautes de gestion, au besoin en demandant la nomination d’un mandataire ad hoc à cet effet.

Au visa de l’article L. 237-12, alinéa 1er du code de commerce, la Cour de cassation censure l’arrêt. Elle rappelle qu’aux termes de ce textes, « le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ». Les hauts magistrats en déduisent que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. La cour d’appel aurait dû rechercher, comme cela lui était demandé, si le liquidateur avait, ou non, commis une faute en procédant à la liquidation de la société sans tenir compte du litige l’opposant aux acquéreurs de l’appartement et « en faisant en sorte que ces derniers ne puissent être désintéressés par elle ».

Par cet arrêt les juges du droit opèrent un rappel classique quant à la date et à l’objet de la faute susceptible d’engager la responsabilité d’un liquidateur amiable.

Pas de faute du liquidateur amiable en dehors de son mandat

Le visa de l’arrêt est explicite : le liquidateur est responsable à l’égard de la société et des tiers, des conséquences des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions (C. com., art. 237-12, al. 1er). En l’espèce, les juges s’étaient focalisés sur la faute de l’intéressé commise pendant son mandat de gérant (soit l’absence de souscription d’une garantie décennale) sans tenir compte de celle qu’il avait commise en tant que liquidateur amiable, après sa nomination en cette qualité.

Refus fautif de différer la liquidation à la clôture du litige impliquant la société

Sous peine d’engager sa responsabilité, le liquidateur amiable doit prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour parvenir à honorer les dettes de la société et à désintéresser son créancier (Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-10.589). Dans l’affaire commentée, le liquidateur n’avait pas pris de telles dispositions puisqu’il s’était abstenu de différer la clôture des opérations de liquidation jusqu’au terme d’un litige en cours, paralysant ainsi toute indemnisation des tiers demandeurs.

S’il souhaite éviter d’engager sa responsabilité, le liquidateur amiable sera bien avisé de constituer une provision pour créance litigieuse et de ne pas procéder à la répartition de l’actif entre les associés avant la clôture du litige en cours impliquant la société (Cass. com., 11 oct. 2005, n° 03-19.161). Cette recommandation vaut d’autant plus que la jurisprudence est globalement favorable aux tiers victimes dans leurs actions contre le liquidateur. D’abord, le délai de prescription de l’action contre le liquidateur ne peut commencer à courir qu’à compter du jour où les droits des victimes ont été définitivement reconnus par une décision de justice (Cass. com., 23 mars 1993, n° 91-13.430). Ensuite, la faute engageant la responsabilité du liquidateur est une faute simple. Il n’est pas nécessaire, contrairement à l’exigence posée pour engager la responsabilité des dirigeants sociaux, d’établir que la faute commise est séparable des fonctions du liquidateur (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-18.853).

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Adeline Thobie, Maître de conférences en droit privé à l’Institut d’Études Politiques de Rennes, Membre du Centre de droit des affaires de la Faculté de droit de Rennes
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