Le gérant d'une SARL est révoqué à l'occasion d'une assemblée générale. Il lui est reproché un certain nombre de fautes de gestion, parmi lesquelles la dégradation du chiffre d'affaires et des résultats, le fait de s'être servi de sa position pour promouvoir sa compagne à un poste supérieur au sein de l'entreprise et augmenter son salaire, et le fait d'avoir exercé une violence morale sur l'un des associés fondateurs, alors en état de faiblesse physique et psychologique, pour obtenir la cession d'une partie du capital à un prix dérisoire. Il est également fait état d'une mésentente entre les associés.
Estimant que sa révocation est intervenue sans juste motif, l'ancien gérant agit en justice pour obtenir la condamnation in solidum de la société et des associés ayant pris part au vote à l'indemniser du préjudice qu'il a subi.
La cour d'appel d'Angers fait droit à sa demande (CA Angers 17-1-2023 n° 19/02320) :
- aucun des griefs invoqués à l'appui de la révocation ne pouvait être reproché à l'ancien gérant ;
- si la mésentente entre les associés était incontestable, elle n'était pas de nature à compromettre le fonctionnement de la société ;
- s’agissant de la responsabilité des associés ayant pris part au vote, s’il ne suffisait pas que la révocation du gérant soit intervenue sans juste motif, ni même que les éléments apportés à l'appui de la révocation soient inexacts, les associés avaient en l’espèce émis à l'égard du gérant évincé de graves accusations à caractère vexatoire et infondées, ces éléments caractérisant l'intention de nuire des associés ayant voté la révocation.
Par suite, la cour a condamné les associés in solidum avec la société à verser au gérant injustement révoqué 60 000 € à titre de dommages-intérêts.
A noter :
Dans certaines sociétés telles que les SARL, les SNC ou les SCS, la révocation du dirigeant peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsqu'elle est décidée sans juste motif (C. com. art. L 223-25, al. 1 pour les SARL, art. L 221-12, al. 4 pour les SNC, art. L 222 pour les SCS). Le juste motif peut consister en une faute du gérant, telle une violation de la loi ou des statuts, un manquement aux obligations lui incombant en sa qualité de gérant, présentant un caractère objectif de gravité, mais également en la nécessité de mettre un terme par la révocation du gérant concerné à une situation de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant précisé qu'une situation contraire à l'intérêt social suffit à constituer un juste motif, sans qu'il soit nécessaire d'établir son imputabilité au gérant.
En cas de révocation sans juste motif ou de révocation abusive, c'est en principe la société seule qui doit indemniser le gérant pour le préjudice occasionné. La décision de révocation adoptée par l'assemblée générale est celle de la société et non celle de ses membres pris individuellement.
Néanmoins, lorsqu'un ou plusieurs associés ont commis une faute personnelle insusceptible d'être rattachée à l'expression de la volonté sociale, faute généralement induite de l'existence d'une volonté de nuire, ils peuvent être condamnés sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (C. civ. art. 1240, ex-art. 1382) à indemniser le gérant soit seuls (Cass. com. 13-3-2001 n° 98-16.197 F-P : RJDA 8-9/01 n° 872), soit in solidum avec la société (Cass. com. 1-2-1994 n° 92-11.171 P : RJDA 5/94 n° 540 ; Cass. com. 12-2-2013 n° 11-23.610 F-D : RJDA 6/13 n° 516).