Le liquidateur judiciaire d’une société demande que la procédure collective soit étendue au dirigeant de celle-ci pour confusion de patrimoines en raison de relations financières anormales entre la société et son dirigeant, ce dernier n’ayant pas réclamé les loyers dus par celle-ci pour un atelier qu’il lui donnait en location.
Une cour d’appel rejette la demande car la volonté de préserver la survie de la société par l'abandon des loyers pour différer la cessation des paiements ne constitue pas une faute de la part du dirigeant.
La Cour de cassation censure cette décision : une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines avec celui du débiteur sans qu'il ne soit requis la commission d'une faute de la part de ces personnes.
A noter :
1° Rendue à propos de l’extension de la liquidation judiciaire d’une société, cette décision est transposable à l’extension d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire par identité des textes applicables (C. com. art. L 621-2, al. 2, L 631-7 et L 641-1), que l’extension vise le dirigeant ou un associé de la société ou toute autre personne physique ou morale.
La précision selon laquelle l’absence ou l’existence d’une faute est sans incidence en matière d’extension d’une procédure collective est à notre connaissance inédite. La Cour de cassation avait déjà jugé que la fraude ne suffit pas à justifier l’extension (Cass. com. 10-1-2006 n° 04-18.917 FS-D).
En dehors de l’hypothèse, peu courante, où l’extension est demandée pour fictivité de la société, l’extension suppose une confusion des patrimoines (art. précités), laquelle est caractérisée s’il existe entre les personnes concernées des relations financières anormales, c'est-à-dire incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales (Cass. com. 27-9-2016 n° 14-29.278 F-PB : RJDA 12/16 n° 880). En fonction des circonstances d’espèce, un abandon de loyers ou leur absence de recouvrement est souvent retenu par les juges comme un indice de la confusion de patrimoines entre le bailleur et le locataire (notamment, Cass. com. 15-2-2005 n° 03-13.224 F-D : RJDA 6/05 n° 726 ; Cass. com. 1-10-2013 n° 12-24.817 F-D : RJDA 12/13 n° 1029 ; Cass. com. 20-10-2021 n° 20-17.124 F-D : RJDA 1/22 n° 24), mais pas toujours (Cass. com. 21-2-2012 n° 10-27.907 F-D : RJDA 5/12 n° 514).
2° Attention, l’extension de la procédure collective d’un entrepreneur individuel ou d’une EIRL à certains de ses patrimoines ne relevant pas de cette procédure est possible en cas de confusion entre les différents patrimoines mais aussi en cas de fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure et, en outre pour l’EIRL, pour manquement grave à ses obligations comptables (C. com. art. L 621-2 et L 526-13).
Documents et liens associés :
Cass. com. 26-3-2025 n° 24-10.254 F-D