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10 mars 2023
L’action en référé tendant à enjoindre au dirigeant d’une société de déposer en annexe au registre du commerce et des sociétés les actes et pièces qui doivent l'être n'est pas soumise à la prescription de droit commun.
Pas de prescription pour demander au juge une injonction à un dirigeant de déposer un acte au RCS
©Gettyimages

Doivent figurer au registre du commerce et des sociétés (RCS), pour être portées à la connaissance du public, les inscriptions, actes ou pièces prévus par le Code de commerce (C. com. art. L 123-1, II). Les actes et délibérations modifiant les pièces déposées au RCS lors de la constitution d’une société doivent notamment faire l’objet d’un dépôt en annexe à ce registre dans le délai d’un mois à compter de leur date, un exemplaire mis à jour des statuts devant y être joint (C. com. art. R 123-105). A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt de ces pièces et actes au RCS (C. com. art. L 123-5-1).

Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue en 1993, les actionnaires d’une société anonyme décident de transformer celle-ci en société en commandite par actions et de modifier l’objet social. Les statuts modifiés déposés au RCS quelques semaines plus tard omettent de mentionner une partie du nouvel objet social. 

En 2019 (soit 26 ans plus tard), un actionnaire saisit le juge des référés pour qu’il ordonne le dépôt au RCS d’un exemplaire des statuts reproduisant l’objet social dans son intégralité. 

Une cour d’appel déclare cette action prescrite, estimant acquis le délai de prescription de 5 ans prévu par l’article 2224 du Code civil pour toute action personnelle.

La Cour de cassation censure cette décision : l’obligation de déposer au RCS les actes et délibérations modifiant les pièces déposées lors de la constitution, qui est destinée à l’information des tiers (cf. C. com. art. L 123-1, II), perdure pendant toute la vie de la personne morale. Il en résulte que l’action prévue par l’article L 123-5-1 du Code de commerce n’est pas soumise au délai de prescription de l’article 2224 du Code civil.

A noter :

Solution nouvelle.

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (C. civ. art. 2224), ce délai étant applicable à défaut de délai spécifique prévu par une autre loi (C. civ. art. 2223).

Certaines actions sont cependant imprescriptibles. Tel est le cas de l’action en revendication de propriété (notamment, Cass. 1e civ. 2-6-1993 n° 90-21.982 P : D.1994 p. 582 note Fauvarque-Cosson) ou de l’action visant à faire constater qu’une clause est réputée non écrite (Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 F-PB :  RJDA 11/19 n° 716).

Il résulte de la décision commentée qu’est également imprescriptible l’action tendant au dépôt d’un acte ou d'une pièce en annexe au RCS sur le fondement de l’article L 123-5-1 du Code de commerce.

Dans une précédente décision, la Cour de cassation avait déjà paru soustraire à tout délai de prescription une demande d’injonction qui portait sur le dépôt des comptes annuels d’une société par actions (dépôt imposé par C. com. art. L 232-23). Elle avait en effet jugé qu’une personne justifiant d’un intérêt à agir pouvait demander au juge des référés d’enjoindre à une société de déposer ses comptes en vertu de l’article 873 du Code de procédure civile, afin de mettre fin au trouble manifestement illicite résultant de l’absence de transparence, sans que puisse être opposée la prescription triennale de l’article 1844-14 du Code civil relative aux actions en nullité des actes de société (Cass. com. 3-3-2021 n° 19-10.086 F-P : BRDA 7/21 inf. 1). Fondée sur la nécessité de la transparence, cette solution pouvait être vue comme s’appliquant à tout délai de prescription, y compris ceux prévus à l’article 2224 du Code civil et à l’article L 110-4 du Code de commerce (prescription quinquennale en matière commerciale). 

L’arrêt commenté se situe dans la lignée de cette jurisprudence. Il se justifie par la finalité de l’article L 123-5-1 du Code de commerce, qui n’est pas de faire valoir un droit mais de s’assurer de l’efficacité des règles de publicité. Se trouve invalidé l'avis du comité juridique de l’Ansa, selon lequel l’action fondée sur ce texte est soumise à la prescription de 5 ans (Communication Ansa, comité juridique n° 18-004 du 7-2-2018 : BRDA 8/18 inf. 2). 

2° On peut penser que la même solution serait retenue en cas d’action fondée sur l’article R 210-18 du Code de commerce, qui permet à tout intéressé de demander au juge des référés de désigner un mandataire chargé d’accomplir une formalité de publicité omise ou irrégulièrement accomplie ne portant ni sur la constitution de la société ni sur la modification de ses statuts. Il devrait en être de même en cas de saisine du juge commis à la surveillance du RCS tendant à faire enjoindre à une personne immatriculée au RCS de compléter ou modifier toute mention la concernant qui se révèle incomplète ou inexacte (C. com. art. L 123-3 al. 2).

En revanche, la solution de l’arrêt commenté ne s’applique pas aux actions intentées sur le fondement de l’article L 210-7 du Code de commerce. Ce texte permet notamment de demander au juge d’ordonner la régularisation d’une formalité de publicité prescrite en cas de constitution ou de modification des statuts qui a été omise ou irrégulièrement accomplie, mais enferme expressément cette action dans un délai de trois ans (C. com. art. L 210-7, al. 4).

Documents et liens associés

Cass. com. 25-1-2023 n° 21-17.592 F-B, Sté Step 1261 c/ Sté Bakia

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