L'audience de règlement amiable
Cette audience s’inspire de la procédure civile québécoise où, selon le ministre de la Justice, les conférences de règlement amiable civiles réussissent dans 72% des cas. Le juge met les parties autour de la table et les invite à trouver une solution à leur litige en évitant ainsi le procès (Ministère de la Justice, Lancement de la politique de l’amiable, conférence de presse du 13 janvier 2023).
Le code de procédure civile définit la finalité de cette audience : résoudre à l’amiable un différend par la confrontation équilibrée des points de vue des parties, l'évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige (C. proc. civ., art. 774-2, al. 1er).
Procédures concernées
Cette audience ne concerne que le tribunal judiciaire dans le cadre de la procédure écrite ordinaire et celle de référé.
Décision de convocation amiable
Différents textes du code de procédure civile ont été modifiés pour préciser le pouvoir de convoquer à une audience de règlement amiable. Ce pouvoir appartient :
- au président de l'audience d'orientation (C. proc. civ., art. 776),
- au juge de la mise en état (C. proc. civ., art. 785). L'ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l'avis des parties, afin de lui permettre de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable (C. proc. civ., art. 803.).
- au président du tribunal judiciaire ou juge des contentieux de la protection saisi en référé. Un nouvel article 836-2 a été inséré en ce sens dans le code de procédure civile.
Cette audience est envisageable uniquement dans les litiges portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition.
La décision de convocation constitue une nouvelle cause d'interruption de l'instance et d'interruption du délai de péremption de celle-ci. Les articles 369 et 392 ont été modifiés en conséquence. La liste des causes d’interruption de l’instance comporte donc un 5e cas. L’article 392 s’enrichit d’un 4e alinéa pour préciser qu’un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l'affaire (D., art. 1er).
La décision revêt la forme d’une mesure d’administration judiciaire qui ne dessaisit pas le juge (C. proc. civ.., art. 774-1, al. 2). Comme toutes les mesures d’administration judiciaire, elle n’est pas susceptible de recours (C. proc. civ., art. 537).
Convocation des parties
Les parties sont convoquées à l'audience à la diligence du greffe, par tout moyen. Le texte précise qu’elles doivent comparaître en personne, ce qui semble logique dans une procédure amiable.
Lorsque la représentation est obligatoire, elles comparaissent assistées de leur avocat. Sinon, elles peuvent être assistées dans les conditions prévues par l'article 762 du code de procédure civile qui donne la liste des personnes susceptibles d’apporter leur concours aux parties (C. proc. civ., art. 774-3).
Déroulement de l’audience
L’audience se déroule devant un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement. Deux juges connaîtront ainsi du même dossier dans un contexte où les praticiens soulignent l’insuffisance de magistrats et le manque de temps à consacrer à chaque affaire (CNB, rapport Commission MARD, 20 févr. 2023).
Le juge chargé de l’audience amiable peut prendre connaissance des conclusions et des pièces échangées entre les plaideurs. Il procède aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu'il estime nécessaires, avec transport éventuel sur les lieux. Il détermine les conditions dans lesquelles l'audience se tient. Il a le pouvoir d'entendre les parties séparément (C. proc. civ., art. 774-2).
L’audience se tient en chambre du conseil hors la présence du greffe, selon les modalités fixées par le juge chargé de celle-ci.
La règle est la confidentialité pour tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de l'audience de règlement amiable, par le juge et par les parties. Il peut en aller autrement avec l’accord des parties. Deux exceptions sont prévues :
- en présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne,
- lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord qui en est issu est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution (C. proc., civ., art. 774-3).
Issue de l’audience
Elle peut prendre fin prématurément dès lors que le juge a le pouvoir de la faire cesser à tout moment. Sa décision constitue également une mesure d'administration judiciaire (C. proc. civ., art. 774-3, dernier al.).
Lorsqu’elle est menée jusqu’à son terme, les parties peuvent demander au juge assisté du greffier de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions de l'article 130 (texte relatif à l’acte de conciliation) et du premier alinéa de l'article 131 (texte relatif à la délivrance des extraits du procès-verbal aux parties) du code de procédure civile. Le second alinéa de l’article 131 n’étant pas visé, il n’est pas question d’une homologation quelconque de cet accord.
Le juge chargé de l’audience informe celui saisi du litige de la fin de celle-ci. En cas d’issue concluante, il lui transmet le procès-verbal d'accord.
La césure du procès
Le ministère de la Justice a trouvé son inspiration en Allemagne et aux Pays-Bas. Le litige est partiellement résolu à l’amiable. Dans sa conférence de presse, la garde des sceaux illustre ses propos par un exemple tiré de la responsabilité civile. Le juge tranche le principe de la responsabilité (question de droit) puis renvoie les parties en médiation pour la liquidation du préjudice (question de fait).
Dans le cadre de la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire, la juridiction aura la possibilité de ne trancher que certaines des prétentions des parties dans un premier temps. Apparaît donc une nouvelle catégorie dans la classification des jugements, celle des jugements partiels, ceux qui tranchent dans leur dispositif uniquement les prétentions faisant l'objet de la clôture partielle (C. proc. civ., art. 807-2).
Initiative de parties
La césure suppose l’accord des parties. Ces dernières doivent produire au juge de la mise en état un acte contresigné par avocats mentionnant les prétentions qui seront l’objet d’un jugement partiel. Elles peuvent solliciter une césure à tout moment.
Si le juge estime la demande fondée, il ordonne la clôture partielle de l'instruction et renvoie l'affaire devant le tribunal pour qu'il statue au fond sur les prétentions qui font l'objet de la césure. La date de la clôture partielle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries (C. proc. civ., art. 807-1.). La clôture de l'instruction est prononcée par une ordonnance non motivée qui ne peut être frappée d'aucun recours (C. proc. civ., art 798 sur renvoi de l’article 807-1).
Jugement partiel
Le jugement partiel tranche dans son dispositif les seules prétentions objet de la clôture partielle. Le tribunal peut en ordonner l'exécution provisoire dans les conditions des articles 515 à 517-4. Elle peut donc être ordonnée d'office ou à la demande d'une partie si le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire (C. proc. civ. art. 515).
Le jugement partiel peut être immédiatement frappé d'appel (C. proc. civ. art. 544.). Cet appel est soumis à la procédure à bref délai (C. proc. civ., art. 905.).
Poursuite de la mise en état
La mise en état se poursuit à l'égard des prétentions qui n'ont pas fait l'objet de la clôture partielle. La clôture de l'instruction prévue au 1er alinéa de l'article 799 ne peut intervenir avant l'expiration du délai d'appel à l'encontre du jugement partiel ou, lorsqu'un appel a été interjeté, avant le prononcé de la décision statuant sur ce recours (C. proc. civ., art. 807-3.).
Les parties peuvent tirer les conséquences du jugement partiel sur leurs autres prétentions, notamment en recourant à une médiation ou une conciliation de justice.
Remarque
le CNB a dénoncé un risque de complexification de la procédure engendrant un contentieux supplémentaire et finalement un danger d’allongement des procédures (CNB, rapport Commission MARD, 20 févr. 2023).