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7 novembre 2023
D’anciens franchisés peuvent demander en référé qu’il soit interdit au franchiseur d’utiliser leurs fichiers clients après la rupture du contrat de franchise.
Interdiction faite au franchiseur d’utiliser les fichiers clients du franchisé après rupture du contrat
©Gettyimages

Des contrats conclus entre un franchiseur et des franchisés imposent à ces derniers de constituer des fichiers clients qui restent leur propriété mais dont la gestion, l’usage et la jouissance sont concédés au franchiseur. Ce dernier ayant annoncé la rupture de certains de ces contrats à l’issue d’un préavis de 18 mois, les franchisés concernés demandent au juge des référés d’interdire au franchiseur d’utiliser leurs fichiers clients.

Il est fait droit à leur demande (Cass. com. 27-9-2023 n° 22-19.436 F-D). En effet, il résultait des éléments suivants l’existence d'un dommage imminent, résidant dans le risque d’exploitation des fichiers clients par le franchiseur à l'expiration des contrats de franchise : aucune clause des contrats de franchise ne permettait à ce dernier d'accéder aux fichiers clients de ses franchisés après la fin des contrats ; le conseil du franchiseur avait indiqué aux franchisés que ce dernier poursuivrait l'exploitation des données constituant ces fichiers, nonobstant la fin de ses relations contractuelles avec les franchisés ; la non-transmission de ces fichiers par le franchiseur aux franchisés à l’issue des contrats était une manœuvre destinée à s'approprier ces fichiers pour assurer la promotion des nouveaux magasins à l'enseigne du franchiseur qui s'implanteraient sur les zones de chalandise des anciens franchisés. Il a donc été fait interdiction au franchiseur, sous astreinte et sans limite dans le temps, d’utiliser ces fichiers et toutes les données les constituant à compter de la date de fin des contrats de franchise.

A noter :

L’épineuse question du sort du fichier de la clientèle du franchisé à l’issue du contrat de franchise est rarement abordée par la jurisprudence.

La Cour de cassation a, on le rappelle, reconnu l’autonomie de la clientèle du franchisé par rapport à celle du franchiseur : si une clientèle est, sur le plan national, attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé qui supporte les risques de l'entreprise ; cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé (Cass. 3e civ. 27-3-2002 n° 00-20.732 FS-PBRI : RJDA 6/02 n° 603). De la clientèle au fichier clients, il n’y a qu’un pas. Jugé ainsi que les clients titulaires de cartes de fidélité étaient la clientèle du franchiseur dès lors que ce dernier avait développé le programme de fidélisation dont il restait propriétaire et dont il assumait le coût, versant au franchisé une rémunération calculée sur la base des avantages utilisés par les clients ; en conséquence, l’usage par le franchiseur et les autres franchisés du fichier répertoriant ces clients, au nombre desquels figuraient les clients d’un ancien franchisé, ne constituait pas un acte de concurrence déloyale à l’égard de celui-ci (CA Chambéry 2-10-2007 n° 06-1561 : RJDA 8-9/08 n° 900). 

Evidemment, si le franchiseur s’est interdit dans le contrat d’utiliser le fichier clients du franchisé à la fin de la relation contractuelle, le non-respect de cette interdiction l'expose à une action en concurrence déloyale par tentative de détournement de la clientèle du franchisé (CA Paris 24-1-2002 n° 2000-1163 : RJDA 6/02 n° 626). Mais tel n'était pas le cas ici.

Dans l’arrêt commenté, il a été relevé que le contrat de franchise ne comportait aucune autorisation d’utilisation au profit du franchiseur. Mais une telle clause aurait-elle suffi ? Ce n'est pas certain. Un franchisé a obtenu en référé la suspension des clauses du contrat de franchise autorisant le franchiseur, après la cessation de la relation contractuelle, à conserver une copie du fichier clients du franchisé et à en faire usage, ces clauses étant susceptibles de permettre un détournement de clientèle à l’issue du contrat mais aussi de créer un déséquilibre manifeste entre les obligations contractuelles des parties (CA Paris 29-4-2014 n° 13/04683, suspendant les clauses jusqu’à la décision du juge du fond statuant sur leur licéité).

Documents et liens associés : 

Cass. com. 27-9-2023 n° 22-19.436 F-D, Sté Jules c/ Sté B3J

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