Avant de céder l’intégralité de ses parts sociales, le gérant et associé unique d’une SARL prélève, au titre de sa rémunération, certaines sommes dont le versement n'a pas été autorisé par décision collective. La société et le cessionnaire l’assignent alors en remboursement.
Les juges d’appel rejettent cette demande pour les motifs suivants :
- si les statuts imposaient bien que la rémunération du gérant soit déterminée par décision collective, le gérant avait pris l’habitude de ratifier a posteriori les versements réalisés, ce que le cessionnaire ne pouvait ignorer ;
- dès lors que le cédant avait perdu sa qualité d’associé du fait de la cession de ses parts sociales, il n’était plus matériellement en mesure de procéder à cette ratification.
Sans surprise, la Cour de cassation censure cette argumentation pour violation de la loi. Elle rappelle, au visa de l’article L. 223-18 du code de commerce, que « la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés ». Or, les statuts imposaient en l’espèce que la rémunération du gérant soit déterminée par décision collective. En conséquence, le fait que l’ex-gérant était l’associé unique de la société et de bonne foi ne pouvait utilement être invoqué pour faire obstacle au remboursement de la rémunération non validée par une décision du nouvel associé.
La solution appelle deux observations.
D’une part, les juges du droit rappellent les modalités de fixation de la rémunération d’un gérant de SARL. Les textes étant silencieux, cette rémunération doit être déterminée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-22.754). Par ailleurs, il est acquis que la décision collective des associés déterminant cette rémunération peut intervenir après son versement (Cass. com., 18 déc. 2019, n° 18-13.850). Cette solution souple permet au gérant de décider seul de de sa rémunération, sous réserve que les associés acceptent par la suite de ratifier cette décision. Il en va a fortiori de même pour un gérant associé unique (Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-18.864).
D’autre part, la Cour de cassation rappelle que si la validation a posteriori n’est pas effectuée, le remboursement de la rémunération peut être demandé. Elle précise, en creux, que le cessionnaire des titres n’est pas tenu de se conformer à l’habitude qu’avait le cédant, en sa qualité de gérant associé unique, de ratifier a posteriori sa rémunération. Aussi, lorsqu’une cession de contrôle est envisagée, sans doute est-il souhaitable, pour éviter le risque d’une absence de ratification par le nouvel associé majoritaire ou unique, de prévoir, dans les statuts, que la rémunération du gérant doit être déterminée a priori par une délibération des associés.