Deux sociétés signent des accords de coopération puis un accord d'investissement, portant sur 17,5 % des titres d'une filiale de l'une d'elles. Il est convenu de procéder à un audit en vue de l'acquisition des 82,5 % restant du capital de cette filiale. Cinq ans plus tard, la société qui envisageait d'acquérir la filiale met fin à l'audit en raison de ses difficultés financières. Mais juste après, les sociétés du groupe auquel appartenait la filiale auditée sont placées en liquidation judiciaire. La société qui envisageait initialement l'acquisition présente alors une offre de reprise, acceptée par le tribunal de commerce. La société mère du groupe placé en liquidation estime qu'elle a été victime de manœuvres frauduleuses car l'offre présentée était à bas prix et porte plainte. Le dirigeant de la société candidate à l'acquisition est mis en examen, notamment pour abus de confiance.
La Cour de cassation juge que le délit d'abus de confiance peut s'appliquer en cas de détournement d'informations divulguées au cours d'un audit de pré-acquisition (due diligences). Ces informations constituent un bien immatériel susceptible de détournement au sens de l'article 314-1 du Code pénal. Cependant, en l'espèce, les informations n'ont pas été détournées puisqu'elles ont bien été utilisées pour le but dans lequel elles avaient été remises, à savoir une acquisition des actifs de la société. La mise en examen est donc annulée.
A noter :
Le fait de détourner un bien quelconque, confié pour en faire un usage déterminé, caractérise le délit d'abus de confiance (C. pén. art. 314-1). Il a déjà été jugé que le bien détourné peut être immatériel, du moment qu'il peut faire l'objet d'une appropriation ; tel est le cas d'informations relatives à la clientèle d'une société (Cass. crim. 22-3-2017 n° 15-85.929 F-PB : BRDA 12/17 inf. 25). Mais c'est la première fois à notre connaissance que les tribunaux se prononcent sur des informations échangées par deux sociétés lors d'un audit.
On remarquera que les juges n'ont pas retenu l'argument de la partie civile, selon lequel l'information confiée lors de l'audit ne pouvait être utilisée que pour le projet initial d'acquisition, mais pas pour l'offre de reprise. A noter enfin que d'autres candidats repreneurs ont défendu, en vain devant le juge pénal, que la société qui détenait les informations en vertu des due diligences avait été avantagée par rapport à elles, ces informations économiques et financières lui ayant permis de proposer en un temps record des offres ciblées.
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