Assignée devant le tribunal de commerce, une société de droit allemand soulève l’exception d’incompétence de ce tribunal au profit d’une juridiction allemande en vertu d’une clause attributive de juridiction prévue dans ses conditions générales de vente. Le tribunal rejette l’exception et se déclare compétent.
La cour d’appel confirme ce jugement au motif que la société allemande ne pouvait se prévaloir de la clause attributive de juridiction, dès lors que celle-ci était rédigée en langue allemande, comme les conditions générales de vente figurant au verso des factures, alors que l’usage entre les parties était d’échanger en langue française. Dans ces conditions estime la cour, la clause n’était pas conforme aux habitudes que les parties avaient établies entre elles, ni à un usage dont elles avaient connaissance, conformément aux dispositions de l’article 25.1 du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles 1 bis ».
La Cour de cassation casse l’arrêt. Elle reproche à la cour de ne pas avoir recherché si, malgré l’usage d’une langue étrangère, les relations commerciales entre les parties pendant la période comprise entre 2014 et 2018, ne caractérisaient pas une pratique répétée dont pouvait être déduit un consentement tacite aux conditions générales de vente, y compris à la clause attributive de juridiction.
Remarque
la position de la Cour de cassation est très réaliste : lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, la pratique de relations commerciales entre contractants n’est pas sérieusement concevable sans acceptation de facto des conditions générales de vente, d’autant que ces dernières constituent souvent l’essentiel, voire la totalité de leur contrat. Dans un cas tel que celui de l’espèce, admettre que des conditions générales de vente, y compris une clause attributive de juridiction qu’elles contiennent, puissent être écartées sous prétexte qu’elles sont rédigées dans une langue différente de celle habituellement utilisée par les parties, serait susceptible de donner libre cours si ce n’est à la mauvaise foi, du moins à la fâcheuse tendance de certaines entreprises à ne pas attacher aux CGV l’importance qu’elles méritent.