Actualité
5 min de lecture
7 avril 2023
La garantie « perte d'exploitation après fermeture administrative » peut être mise en jeu pour couvrir les pertes de chiffre d'affaires subies par l'exploitant d'une salle de sport, contraint de cesser son activité pendant la crise sanitaire.
Assurance perte d'exploitation et Covid-19 : la garantie joue au profit d'une salle de sport fermée
©Gettyimages

Une société exploitant une salle de sport souscrit, au début de son activité, un contrat d'assurance multirisque professionnelle comprenant une garantie complémentaire « perte d'exploitation après fermeture administrative », ainsi définie : « La garantie perte d'exploitation est étendue en cas d'interruption ou de réduction d'activité de votre entreprise consécutive à une fermeture administrative de votre activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans vos locaux professionnels. Seules sont indemnisées les pertes d'exploitation subies durant la période pendant laquelle est constatée la baisse de chiffre d'affaires et débutant après un délai de carence de 3 jours. Cette période prend fin au jour de la reprise normale de votre activité dans les conditions les plus diligentes à dire d'expert (c'est-à-dire dès que les résultats de votre entreprise ne sont plus affectés par le sinistre), sans pouvoir excéder la durée maximale d'indemnisation Perte d'exploitation. Vous serez déchus de la garantie si la fermeture administrative fait suite à un fait dont la responsabilité peut vous être imputée. La garantie ne s'applique pas à la fermeture définitive de votre entreprise [...] ».

Affirmant avoir dû cesser totalement son activité au moment du confinement lié à l'épidémie de Covid-19 du 15 mars au 15 juin 2020 puis du 17 octobre 2020 au 9 juin 2021, la société déclare son sinistre auprès de la compagnie d'assurances. Celle-ci refuse de mettre en oeuvre la garantie et la société agit pour obtenir l'indemnisation de sa perte de chiffre d'affaires.  

La cour d'appel de Versailles accueille sa demande en se fondant sur l'argumentation suivante.  

Les contrats obligent les parties et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi (C. civ. art. 1103 et 1104). 

En l'espèce, le contrat d'assurance prévoyait que la garantie peut être mobilisée en cas « d'interruption ou de réduction d'activité de [l']entreprise consécutive à une fermeture administrative de [l']activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans [les] locaux professionnels ». Cette garantie était exprimée en termes clairs et précis. 

Or, il résultait des éléments suivants que les mesures édictées pour lutter contre la propagation du Covid étaient bien constitutives de l'événement « fermeture administrative » prévu par ce contrat : les premiers textes réglementaires pris en ce sens (Arrêté du 14-3-2020 et décret 2020-293 du 23-3-2020) prévoient que les établissements qu'ils désignent ne peuvent plus accueillir du public. Le décret 2020-293 (art. 8, IV) indique spécifiquement que sont fermés les établissements où sont pratiquées des activités physiques ou sportives (cf. C. sport art. L 322-1 et L 322-2), le décret 2020-548 du 11 mai 2020 ayant maintenu cette disposition (art. 10, IV). La société assurée, qui exerçait une activité de « centre de remise en forme, club de culture physique, mise à disposition de matériel de remise en forme », entrait bien dans cette dernière catégorie. 

Ces éléments permettaient donc de retenir que la société assurée avait fait l'objet d'une fermeture administrative pour raison sanitaire, cette fermeture ayant concerné les locaux dans lesquels l'activité était exercée, visés par le contrat d'assurance. 

La cour d'appel constate par ailleurs que, contrairement à ce que soutenait l'assureur, la clause de garantie ne limitait pas l'hypothèse de fermeture administrative à une fermeture individuelle à titre de sanction. 

Par suite, les conditions posées par la clause de garantie « perte d'exploitation après fermeture administrative » étaient remplies et l'assureur devait garantir la société assurée au titre de la perte subie à la suite de la fermeture de son établissement du fait de l'épidémie de Covid-19. 

A noter :

Rares sont les garanties perte d'exploitation couvrant les pertes de chiffre d'affaires sans corrélation avec un dommage (voir M.-J. Loyer-Lemercier, Les assureurs de dommages et le Covid-19 : droit, politique et communication : BRDA 10/20 inf. 19). Et, même lorsqu'une telle garantie a été souscrite, les entreprises assurées peinent le plus souvent à la mettre en oeuvre pour couvrir les pertes subies pendant la crise sanitaire, les assureurs leur opposant souvent la non-prise en charge de ce risque par le contrat.    

On sait que, pour être indemnisé d’un sinistre, l’assuré doit en effet d’abord démontrer que les conditions de la garantie sont réunies ; ensuite, et en présence d'une clause d'exclusion de garantie, il appartient à l’assureur de prouver qu’il a porté celle-ci à la connaissance de l’assuré avant la survenance du sinistre (C. civ. art. 1353 ; Cass. 3e civ. 7-9-2011 no 09-70.993 FS-PB ; Cass. 2e civ. 6-10-2011 no 10-15.370 F-D). 

En l'espèce, la compagnie d'assurances soutenait que la garantie « perte d'exploitation après fermeture administrative » ne s'appliquait pas, de sorte que le débat portait sur les conditions d'application de celle-ci, et non pas sur le champ d'application d'une éventuelle clause d'exclusion. Pour ce faire, elle invoquait deux arguments. 

D'une part, selon elle, les textes pris pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 auraient seulement interdit aux entreprises qui étaient visées d'accueillir du public tandis que la notion de « fermeture administrative » mentionnée dans le contrat d'assurance, laquelle devrait être interprétée strictement, aurait au contraire impliqué une interdiction totale de fonctionnement et d'accès. Pour considérer au contraire que la garantie doit s'appliquer, la cour d'appel vise non seulement les textes réglementaires successifs ayant interdit l'accueil du public pendant la crise sanitaire mais également les dispositions particulières de ces textes ayant ordonné la fermeture des établissements sportifs pendant cette période. Il est donc difficile de savoir avec certitude si elle se serait prononcée de la même manière si le litige avait concerné une autre activité qu'une salle de sport. 

D'autre part, la garantie perte d'exploitation ne pourrait être mobilisée qu'à la condition que la fermeture administrative ait pour origine les locaux professionnels de l'assuré, ce qui signifierait que la fermeture ait été décidée en raison d'un motif propre à l'établissement concerné et non pas en raison d'un événement extérieur. Autrement dit, les fermetures dues aux restrictions sanitaires, ayant touché l'ensemble des établissements accueillant du public, ne seraient pas couvertes par la garantie. 

A ce dernier titre, pour écarter la mise en oeuvre d'une garantie perte d'exploitation dans le cadre de la crise sanitaire, la Cour de cassation a récemment appliqué des clauses excluant toute couverture « lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » (Cass. 2e civ. 1-12-2022 n° 21-15.392 FS-BR, n° 21-19.341 FS-BR, n° 21-19.342 FS-BR et n° 21-19.343 FS-BR ; M.-J. Loyer-Lemercier, Assurance pertes d'exploitation et Covid : une clause d'exclusion de garantie jugée efficace : BRDA 2/23 inf. 24 ; Cass. 2e civ. 19-1-2023 n° 21-21.516 FS-BR).

Mais la situation était très différente en l'espèce dès lors qu'aucune clause d'exclusion n'était prévue au contrat et qu'il s'agissait donc de déterminer, en amont, si les pertes d'exploitation liées aux restrictions sanitaires entraient dans le cadre de la garantie. Sous cet angle, la cour d'appel se prononce par l'affirmative. Il est vrai que le contrat visait les pertes d'exploitation pour fermeture administrative de manière assez générale. 

Documents et liens associés

CA Versailles 9-2-2023 n° 21/03412, SA de Défense et d'Assurance (SADA) c/ SARL Magic Form Plaisir

Retrouvez toute l'actualité en matière de droit des sociétés, droit commercial et de la concurrence dans Navis Droit des Affaires !

Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Droit des affaires à distance 

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Droit des Affaires pendant 10 jours.

ChatGPT, révolution ou gadget technologique sans intérêt ?

Retrouvez dans cet article l'analyse de 2 spécialistes, Guillaume Jagerschmidt, avocat en droit des nouvelles technologies et Zacharie Laïk. avocat au barreau de New York, sur l’impact de l’utilisation de ChatGPT pour le métier des avocats en 2 points : pour une utilisation raisonnée de ChatGPT et faire monter les exigences et les compétences des juristes

Aller plus loin
Mémento Droit Commercial
Il répond aux préoccupations de l’entreprise et de ses conseils (droit des obligations, contrats d’affaires…) et est à jour des dernières nouveautés (réforme du droit des sûretés, réforme des procédures collectives…)
205,00 € TTC
Mémento Droit Commercial