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24 juillet 2024
La FDJ qui, après avoir consenti à un buraliste un agrément pour la commercialisation de jeux de grattage, de tirage et de paris sportifs, en consent un deuxième à un commerçant situé à 15 mètres du premier manque à ses obligations de bonne foi et de loyauté.

Un exploitant de débit de tabac conclut un contrat d’agrément avec la Française des Jeux (la FDJ) en vue de commercialiser, en tant que mandataire, des jeux de grattage, de tirage et de paris sportifs. Peu après, la FDJ consent un agrément similaire à l’exploitant d’un hôtel-restaurant situé juste en face, à moins de 15 mètres de ce bureau de tabac. Le buraliste engage alors la responsabilité contractuelle de la FDJ, invoquant un manquement à son obligation de bonne foi et de loyauté. En défense, la FDJ fait valoir notamment que l’agrément donné au premier exploitant ne contenant aucune clause d’exclusivité territoriale, elle était libre d’implanter un nouveau point de vente en tous lieux de son choix. Elle estime également sa décision « totalement justifiée » par le dynamisme commercial de la ville.

La Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont condamné la FDJ à indemniser le buraliste. En effet, quand bien même contrat d'agrément stipulait que le détaillant ne bénéficiait d'aucune exclusivité territoriale, les conventions légalement formées doivent être appliquées de bonne foi (C. civ., art. 1134, al. 3 anc., devenu 1104). Ce qui n’est pas le cas quand :

  • le nouveau point de vente agréé par la société FDJ était situé à quinze mètres de celui du buraliste, et que cette grande proximité permettait un déplacement aisé de la clientèle d'un point de vente à l'autre ;
  • si leur agrément n'était pas identique, ces deux points de vente étaient néanmoins en concurrence pour les activités de jeux de grattage et de paris sportifs ;
  • la différence entre la clientèle principale des deux fonds de commerce ne permettait pas d'éliminer le risque de transfert d'une partie de la clientèle du bureau de tabac vers le nouveau point de vente, s'agissant, notamment, des clients qui ne sont ni fumeurs ni lecteurs de presse.

L’implantation du nouveau point de vente n’est pas non plus « totalement justifiée » du fait du dynamisme commercial de la ville, alors que les points de vente concernés se situent à 800 mètres de la zone d'activité commerciale « Cœur de ville » et des projets de construction immobilière qui s'y rattachent, et qu'il est admis que la zone de chalandise d'un commerce de proximité, tel qu'un débit de tabac/presse, est limitée à une distance de 400 mètres, au-delà de laquelle les clients ne se déplacent pas. De plus il n’existait, à la date à laquelle la FDJ a accordé le nouvel agrément, aucune nouvelle construction ou aménagement dans la zone de chalandise concernée, qui aurait pu favoriser le commerce et justifier la création d'un nouveau point de vente.

Remarque

l’examen de la loyauté et de la bonne foi contractuelle ne doit pas porter atteinte à la substance du contrat mais seulement contrôler la conformité de l’exercice d’une prérogative contractuelle avec l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. La Cour de cassation considère ici que la cour d’appel n’a pas porté atteinte à la prérogative contractuelle de la FDJ de consentir des agréments, ni mis à la charge de celle-ci une obligation générale de les justifier, mais qu’elle a contrôlé la conformité de l’exercice de cette prérogative avec l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat et apprécié à ce titre les motifs invoqués par la FDJ pour justifier sa décision d’implanter un nouveau point de vente de ses produits à l’emplacement concerné

Enfin, en manquant à son obligation de loyauté, la FDJ a créé chez le buraliste une forte inquiétude quant à la pérennité de son commerce, ce qui entraîne la réalisation d’un préjudice moral qui doit être indemnisé.

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