Une initiative patronale strictement encadrée
Un mode de rupture autonome du contrat de travail valable, même non motivé
La loi n’impose pas au salarié de cesser son activité professionnelle à un âge donné. L’âge du salarié n’est pas un obstacle, en tout cas juridique, à l’exercice de son activité professionnelle.
Remarque
Cette liberté de travail à tout âge est particulièrement importante dans la mesure où l’avenir de la retraite « à la française » passe nécessairement par l’amélioration du taux d’emploi des seniors. Interdire de travailler à un certain âge produirait l’effet inverse.
Malgré tout, l’employeur peut encore envisager de mettre un salarié à la retraite, sous réserve de respecter plusieurs conditions qui tendent à se durcir à chaque réforme des retraites.
La mise à la retraite n’est pas un licenciement. L’employeur n’a donc pas besoin, sauf dispositions conventionnelles contraires ou s’il s’agit d’un représentant du personnel, de convoquer le salarié à un entretien préalable, ni à motiver la décision de mise à la retraite. Il lui est toutefois vivement conseillé de notifier cette décision par écrit et de l’adresser au salarié en recommandé avec accusé de réception.
Une possibilité offerte à l’employeur dès que le salarié atteint un certain âge
Tout d’abord, la mise à la retraite d’un salarié ne peut être envisagée qu’à partir du moment où il atteint l’âge d’obtention automatique d’une retraite à taux plein. Pour les salariés nés avant le 1er juillet 1951, les assurés handicapés à plus de 50 %, les assurés aidants familiaux et les assurés parents de 3 enfants et plus nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, il est fixé à 65 ans. Cet âge augmente progressivement pour les générations 1951 à 1954. Il est fixé à 67 ans pour les générations 1955 et après.
Des conventions ou accords collectifs de travail ou le contrat de travail peuvent fixer une condition d’âge supérieure à l’âge prévu par la loi. Ces clauses sont licites à condition qu’il ne s’agisse pas de « clause couperet » (c’est-à-dire de clause prévoyant la rupture de plein droit et sans formalité du contrat de travail dès que le salarié atteint l’âge prévu). L’employeur est tenu d’appliquer les dispositions conventionnelles ou contractuelles ( Cass. soc., 24 nov. 1998, no 96-42.947 ).
Remarque
Auparavant, l’employeur qui embauchait un salarié ayant déjà l’âge d’être mis à la retraite ne pouvait pas le mettre à la retraite d’office ( Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-42.165 ). Depuis le 26 octobre 2025, cette mise à la retraite est possible, y compris si le salarié a été embauché alors qu’il avait déjà atteint l’âge auquel il peut prétendre à une pension de retraite à taux plein, soit 67 ans ou avant s’il avait atteint l’âge légal de départ à la retraite et le nombre de trimestres requis (C. trav., art. L. 1237-5 ).
Si cette condition d’âge n’est pas remplie, la rupture du contrat s’analyse en un licenciement qui peut être sans cause réelle et sérieuse s’il est uniquement motivé par l’âge et/ou fait en méconnaissance des règles procédurales ( Cass. soc., 16 juin 1998, no 96-40.919 ). C’est à l’employeur de rapporter la preuve que les conditions de mise à la retraite sont remplies ( Cass. soc., 21 sept. 2010, no 09-11.148 ).
Remarque
Pour vérifier si le salarié peut bénéficier d’une retraite de base à taux plein, l’employeur ne peut pas demander à consulter son relevé de carrière auprès de la Carsat. Il doit le demander au salarié. En cas de refus, il peut saisir le juge des référés pour obtenir la communication de ce document sous astreinte ( Cass. soc., 13 mai 2009, no 08-41.826 ).
Exceptionnellement et sous réserve de pouvoir bénéficier d’une pension de retraite de base à taux plein, un salarié âgé de 60 à 65 ans peut être mis à la retraite :
- en cas de cessation d’activité en application d’une préretraite CATS ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 ;
- en application d’une convention de préretraite progressive FNE conclue avant le 1er janvier 2005 ou de tout autre avantage de préretraite antérieur au 22 août 2003, sous réserve que le salarié soit entré en préretraite avant le 1er janvier 2010.
Une interrogation annuelle obligatoire jusqu’au 70e anniversaire du salarié
La mise à la retraite est subordonnée à une « déclaration d’intention » du salarié. A partir de l’âge d’obtention automatique du taux plein (67 ans), l’employeur qui souhaite mettre à la retraite un salarié doit l’interroger chaque année et jusqu’à ses 70 ans, sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier ou continuer à bénéficier d’une pension de retraite dans l’année à venir. Cette interrogation doit être faite par écrit au moins 3 mois avant la date d’anniversaire du salarié.
Le salarié dispose d’un mois pour répondre. En cas de refus, l’employeur ne peut le mettre à la retraite pendant l’année qui vient et devra à nouveau l’interroger 3 mois avant l’anniversaire suivant. Au 70e anniversaire du salarié, l’employeur retrouve sa liberté et peut le mettre à la retraite d’office, sans l’interroger.
Remarque
La cour d’appel de Paris a assimilé à un licenciement nul (car fondé sur l’âge du salarié et donc discriminatoire) une mise à la retraite prononcée sans respecter cette « procédure » : l’employeur avait interrogé un salarié ayant fêté ses 65 ans le 24 août 2014 près de 15 jours après cette date. Le salarié avait refusé et exprimé son souhait de rompre le contrat un an plus tard, le 1er octobre 2015. L’employeur l’avait donc mis à la retraite à cette date mais sans l’avoir préalablement interrogé au cours des 3 mois précédant ses 66 ans. N’ayant pas respecté le délai minimal de 3 mois avant les 65 ans, ni avant les 66 ans du salarié, il ne pouvait user de la possibilité de le mettre à la retraite dans l’année suivant son anniversaire ( CA Paris, 19 mai 2021, no 18/11533 ).
En cas de contentieux, c’est à la date d’expiration du contrat de travail que le salarié mis à la retraite connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit et que commence à courir le délai de prescription pendant lequel il peut intenter une action en justice ( Cass. soc., 20 déc. 2023, no 22-10.191 ).
Respecter un préavis
L’employeur doit observer un préavis qui, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, est égal à celui prévu par la loi en cas de licenciement. En principe, le point de départ du préavis est la date à laquelle l’employeur a notifié la mise à la retraite du salarié, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. La durée de ce préavis légal est fonction de l’ancienneté du salarié :
- entre 6 mois et moins de 2 ans d’ancienneté : 1 mois maximum ;
- 2 ans d’ancienneté et plus : 2 mois maximum.
Si la convention collective ou le contrat de travail ne prévoient pas de préavis spécifique mais un préavis de licenciement plus favorable que le préavis légal, il faut appliquer ce préavis conventionnel ( Cass. soc., 15 mai 2007, no 05-45.234 ).
Salariés embauchés en contrat de valorisation de l’expérience (CVE)
Mis en place à titre expérimental pour une durée de 5 ans, soit jusqu’au 25 octobre 2031, le contrat de valorisation de l’expérience (CVE) vise à favoriser l’embauche en CDI de salariés âgés d’au moins 60 ans (au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit) inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi, ne bénéficiant pas d’une pension de retraite à taux plein d’un régime légalement obligatoire et n’ayant pas travaillé dans l’entreprise ou dans une autre entreprise du groupe auquel elle appartient dans les 6 mois précédents.
Par dérogation, l’employeur d’un salarié en CVE peut le mettre en retraite d’office, sans avoir à recueillir son accord préalable, dès lors qu’il atteint 67 ans (l’âge permettant du taux plein automatique) ou avant 67 ans s’il a atteint l’âge légal de départ à la retraite et les trimestres requis pour bénéficier d’un taux plein.L’employeur mettant à la retraite un salarié en CVE doit appliquer le préavis de licenciement et verser une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité de licenciement.
Par dérogation au régime social de l’indemnité de mise à la retraite de droit commun, l’indemnité de mise à la retraite versée au salarié en CVE est exonérée de la contribution patronale de 30 % à hauteur de l’indemnité légale ou conventionnelle ( L. no 2025-989, 24 oct. 2025 : JO, 25 oct.).
Mettre à la retraite un représentant du personnel
Lorsque l’employeur envisage de mettre un salarié représentant du personnel à la retraite, il doit respecter la procédure spéciale relative au licenciement des représentants du personnel (entretien préalable, avis du CSE, autorisation de l’inspection du travail), même si le salarié remplit toutes les conditions de mise à la retraite ( Cass. soc., 30 nov. 2004, no 03-40.604 ).
A défaut, la mise à la retraite est considérée comme nulle ( Cass. soc., 6 avr. 2005, no 03-43.629 ).


