Fiche thématique
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26 janvier 2024
La mise à la retraite n’est pas un licenciement mais un mode de rupture autonome du contrat de travail à l’initiative de l’employeur. Sa mise en œuvre est de plus en plus difficile au fil des réformes de retraite. Jusqu’à ce que le salarié atteigne 70 ans, l’employeur ne peut le mettre à la retraite sans son « accord de principe ».

Sommaire

Une initiative patronale strictement encadrée

Un mode de rupture autonome du contrat de travail valable même non motivé

La loi n’impose pas au salarié de cesser son activité professionnelle à un âge donné. L’âge du salarié n’est pas un obstacle, en tout cas juridique, à l’exercice de son activité professionnelle.

Remarque

Cette liberté de travail à tout âge est particulièrement importante dans la mesure où l’avenir de la retraite « à la française » passe nécessairement par l’amélioration du taux d’emploi des seniors. Interdire de travailler à un certain âge produirait l’effet inverse.

Malgré tout, l’employeur peut encore envisager de mettre un salarié à la retraite, sous réserve de respecter plusieurs conditions qui tendent à se durcir à chaque réforme des retraites.

La mise à la retraite n’est pas un licenciement. L’employeur n’a donc pas besoin, sauf dispositions conventionnelles contraires ou s’il s’agit d’un représentant du personnel, de convoquer le salarié à un entretien préalable, ni à motiver la décision de mise à la retraite. Il lui est toutefois vivement conseillé de notifier cette décision par écrit et de l’adresser au salarié en recommandé avec accusé de réception.

Une possibilité offerte à l’employeur dès que le salarié a atteint un certain âge

Tout d’abord, la mise à la retraite d’un salarié ne peut être envisagée qu’à partir du moment où il atteint l’âge d’obtention automatique d’une retraite à taux plein. L’âge d’obtention automatique du taux plein correspond à l’âge légal de départ à la retraite augmenté de 5 ans. Pour les salariés nés avant le 1er juillet 1951, les assurés handicapés à plus de 50 %, les assurés aidants familiaux et les assurés parents de 3 enfants et plus nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, il est fixé à 65 ans. Cet âge augmente progressivement pour les générations 1951 à 1954. Il est fixé à 67 ans pour les générations 1955 et après.

Des conventions ou accords collectifs de travail ou le contrat de travail peuvent fixer une condition d’âge supérieure à l’âge prévu par la loi. Ces clauses sont licites pour peu qu’il ne s’agisse pas de « clause couperet » (c’est-à-dire de clause prévoyant qu’à un âge déterminé, le contrat de travail est rompu de plein droit, sans formalité). L’employeur est tenu d’appliquer les dispositions conventionnelles ou contractuelles ( Cass. soc., 24 nov. 1998, no 96-42.947 ).

Remarque

Attention : l’employeur qui a embauché un salarié ayant l’âge d’être mis à la retraite ne peut pas le mettre à la retraite ( Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-42.165 ). En effet, si le salarié est déjà âgé de 70 ans au moment de son embauche, l’employeur ne peut pas le mettre à la retraite d’office, son âge ne pouvant pas constituer un motif de rupture du contrat de travail ( Cass. soc., 17 avr. 2019, no 17-29.017 ).

Si cette condition d’âge n’est pas remplie, la rupture du contrat s’analyse en un licenciement qui peut être sans cause réelle et sérieuse s’il est uniquement motivé par l’âge et/ou fait en méconnaissance des règles procédurales ( Cass. soc., 16 juin 1998, no 96-40.919 ). C’est à l’employeur de rapporter la preuve que les conditions de mise à la retraite sont remplies ( Cass. soc., 21 sept. 2010, no 09-11.148 ).

Remarque

Pour vérifier si le salarié peut bénéficier d’une retraite de base à taux plein, l’employeur ne peut pas demander à la Carsat (ex-CRAM) à consulter le relevé de carrière du salarié. Il doit le demander au salarié. En cas de refus, il peut saisir le juge des référés pour obtenir la communication de ce document sous astreinte ( Cass. soc., 13 mai 2009, no 08-41.826 ).

Exceptionnellement et sous réserve de pouvoir bénéficier d’une pension de retraite de base à taux plein, un salarié âgé de 60 à 65 ans peut être mis à la retraite :

  • en cas de cessation d’activité en application d’une préretraite CATS ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 ;
  • en application d’une convention de préretraite progressive FNE conclue avant le 1er janvier 2005 ou de tout autre avantage de préretraite antérieur au 22 août 2003, sous réserve que le salarié soit entré en préretraite avant le 1er janvier 2010.

Une interrogation annuelle obligatoire jusqu’au 70e anniversaire du salarié

Depuis le 1er janvier 2009, la mise à la retraite est subordonnée à une « déclaration d’intention » du salarié. A partir de l’âge d’obtention automatique du taux plein, l’employeur qui souhaite mettre à la retraite un salarié doit l’interroger chaque année et jusqu’à ses 70 ans, sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de retraite dans l’année à venir. Cette interrogation doit être faite par écrit au moins 3 mois avant la date d’anniversaire du salarié.

Le salarié dispose d’un mois pour répondre. En cas de refus, l’employeur ne peut le mettre à la retraite pendant l’année qui vient et devra à nouveau l’interroger 3 mois avant l’anniversaire suivant. Au 70e anniversaire du salarié, l’employeur retrouve sa liberté et peut le mettre à la retraite d’office, sans l’interroger.

Remarque

La cour d’appel de Paris a assimilé à un licenciement nul (car fondé sur l’âge du salarié et donc discriminatoire) une mise à la retraite prononcée sans respecter cette « procédure » : l’employeur avait interrogé un salarié ayant fêté ses 65 ans le 24 août 2014 près de 15 jours après cette date. Le salarié avait refusé et exprimé son souhait de rompre le contrat un an plus tard, le 1er octobre 2015. L’employeur l’avait donc mis à la retraite à cette date mais sans l’avoir préalablement interrogé au cours des 3 mois précédant ses 66 ans. N’ayant pas respecté le délai minimal de 3 mois avant les 65 ans, ni avant les 66 ans du salarié, il ne pouvait user de la possibilité de le mettre à la retraite dans l’année suivant son anniversaire ( CA Paris, 19 mai 2021, no 18/11533 ).

A noter qu’en cas de contentieux, c’est à la date d’expiration du contrat de travail que le salarié mis à la retraite connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit et que commence à courir le délai de prescription pendant lequel il peut intenter une action en justice ( Cass. soc., 20 déc. 2023, no 22-10.191 ).

Le respect d’un préavis

L’employeur doit observer un préavis qui, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, est égal à celui prévu par la loi en cas de licenciement. En principe, le point de départ du préavis est la date à laquelle l’employeur a notifié la mise à la retraite du salarié, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. La durée de ce préavis légal est fonction de l’ancienneté du salarié :

  • entre 6 mois et moins de 2 ans d’ancienneté : 1 mois maximum ;
  • 2 ans d’ancienneté et plus : 2 mois maximum.

Si la convention collective ou le contrat de travail ne prévoient pas de préavis spécifique mais un préavis de licenciement plus favorable que le préavis légal, il faut appliquer ce préavis conventionnel ( Cass. soc., 15 mai 2007, no 05-45.234 ).

La mise à la retraite d’un représentant du personnel

Lorsque l’employeur envisage de mettre un salarié représentant du personnel à la retraite, il doit respecter la procédure spéciale relative au licenciement des représentants du personnel (entretien préalable, avis du CSE, autorisation de l’inspection du travail), même si le salarié remplit toutes les conditions de mise à la retraite ( Cass. soc., 30 nov. 2004, no 03-40.604 ).

A défaut, la mise à la retraite est considérée comme nulle ( Cass. soc., 6 avr. 2005, no 03-43.629 ).

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Questions fréquemment posées

A partir de quel âge un salarié peut-il être mis à la retraite d’office ? 

Seuls les salariés âgés d’au moins 70 ans peuvent être mis à la retraite d’office. En deçà de cet âge, l’employeur peut seulement le proposer chaque année aux salariés ayant atteint l’âge de liquidation d’une pension de retraite à taux plein, en observant une procédure particulière, la mise à la retraite n’étant possible qu’avec l’accord du salarié. 

Quel est le montant de l’indemnité de mise à la retraite ? 

Le salarié a droit soit à une indemnité égale à l’indemnité légale de licenciement, soit à l’indemnité de départ en retraite prévue par la convention ou l’accord collectif si elle est plus favorable. Il ne peut pas bénéficier de l’indemnité conventionnelle de licenciement, sauf si le texte le prévoit expressément. 

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