Actualité
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13 octobre 2022
La loi Pouvoir d'achat a créé un nouveau dispositif de prime exonérée de charges sociales sur le modèle de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat : la prime de partage de la valeur (PPV). Applicable aux primes versées à compter du 1er juillet dernier, ce dispositif vient d'être précisé par l'administration.

Cette instruction, mise en ligne sur le site internet du BOSS le 10 octobre 2022 et donc opposable à cette date aux organismes de recouvrement, intègre un grand nombre de précisions apportées par l'instruction DSS/5B/2021/187 du 19 août 2021 relative à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) millésime 2021/2022.

Attention ! L’instruction ne règle pas toutes les questions suscitées par l’application du nouveau dispositif, loin de là. De nombreuses questions restent en suspens concernant la modulation du montant de la prime ou son versement fractionné. Aucune précision n’est donnée sur le principe de non-substitution à un élément de rémunération, pourtant source potentielle d’un abondant contentieux.

Remarque

en préliminaire, l’administration indique qu’ « il est important que les questionnements qui ne trouveraient pas de réponses dans la présente instruction puissent [lui] être relayés rapidement ».

Exonération de la prime : un certain nombre de points sont clarifiés

Cotisations, contributions et taxes bénéficiant de l'exonération

L’exonération, sans limitation de durée, porte sur les cotisations et contributions suivantes (QR 1.1) :

  • les cotisations salariales et patronales de sécurité sociale (cotisation complémentaire du régime local d’Alsace-Moselle comprise),
  • les cotisations salariales et patronales aux régimes de retraite complémentaire (CET et APEC compris),
  • les cotisations salariales et patronales aux régimes d’assurance chômage (AGS compris),
  • la cotisation d’assurance maladie prévue à l’article L. 131-9 du code de la sécurité sociale (cotisation maladie des résidents fiscaux à l'étranger),
  • la contribution solidarité autonomie,
  • la contribution au versement mobilité,
  • la contribution au dialogue social,
  • les contributions dues au Fnal,
  • la taxe d’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage, la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, la contribution dédiée au financement du CPF pour les titulaires d’un CDD,
  • la participation des employeurs à l’effort de construction,
  • et, le cas échéant, les contributions résultant d’accords conventionnels de branche : les cotisations de prévoyance et de retraite supplémentaire ne seraient donc pas dues lorsque le régime est institué par la branche. En revanche, le sort des cotisations de prévoyance et/ou de retraite supplémentaire est plus aléatoire lorsque le régime est institué par un un accord d'entreprise (ou d'une DUE). Sont-elles exonérées ? A titre indicatif, la loi ne cantonne pas cette exonération aux branches mais englobe toutes « les cotisations sociales d'origine conventionnelle »  (L. n° 2022-1158, 16 août 2022, art. 1er V).

Remarque

pour les employeurs établis à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les cotisations et contributions exonérées s'entendent des cotisations et contributions applicables localement (QR 2.14).

Pour ces cotisations et contributions, le plafond d'exonération s'apprécie au niveau de chaque employeur.

Contributions et taxes bénéficiant temporairement d'une exonération : à quelles conditions ?

La prime de partage de la valeur peut être exonérée d’impôt sur le revenu, de CSG/CRDS, de taxe sur les salaires et de forfait social (QR 1.1 et 7.2) lorsqu’elle satisfait à deux conditions cumulatives (QR 7.1) :

  • elle est versée à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard : attention, la date du 31 décembre 2023 est impérative, y compris pour les employeurs pratiquant le décalage de la paie (mais pas pour les intérimaires, voir ci-dessous) ; si le solde de la prime est versé après cette date, la prime ne sera pas éligible à l’exonération de CSG/CRDS, taxe sur les salaires et d’impôt sur le revenu (QR 7.5) ;
  • elle est versée aux salariés percevant une rémunération brute inférieure à 3 Smic, cette limite s’appréciant, en cas de versement en plusieurs fois, à la date du premier versement : la rémunération à retenir est celle correspondant à l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale (sont notamment incluses les indemnités de fin de contrat ou de fin de mission). La limite de trois Smic est calculée selon les mêmes modalités que celles retenues pour la réduction des cotisations d'allocations familiales et d'assurance maladie qui se réfèrent aux règles applicables pour la réduction Fillon. Le Smic annuel à retenir est donc celui calculé en fonction du temps de travail prévu au contrat de travail et est proratisé en cas de temps partiel ou pour les salariés non employés toute l'année. La période de référence pour le versement de la prime correspondant à 12 mois glissants, il faut appliquer les dispositions susvisées à due proportion, pour vérifier la limite de trois Smic. Le plafond de rémunération ne peut faire l’objet d’aucune majoration à aucun titre que ce soit. Il ne peut donc donner lieu à une majoration au titre du nombre d’heures supplémentaires et complémentaires réalisées (QR 7.4).

Remarque

comme pour la PEPA, retenir les 12 derniers mois précédant le versement de la prime oblige l'employeur à reconstituer un Smic annuel en additionnant, selon la date de versement de la prime, les Smic mensuels applicables durant ces 12 mois (Remarque : comme pour la PEPA, retenir les 12 derniers mois pr%C3%A9c%C3%A9dant le versement de la prime oblige l'employeur %C3%A0 reconstituer un Smic annuel en additionnant, selon la date de versement de la prime, les Smic mensuels applicables durant ces 12 mois (QR 7.3).).

Par tolérance, lorsque le franchissement du plafond de rémunération de 3 Smic annuels résulte du versement, postérieur à la décision d’attribution de la prime, d’éléments de rémunération dont le montant ne pouvait être pris en compte lors de cette décision d’attribution, le plafond sera considéré comme respecté (QR 7.4).

Prélèvements dus

Sauf lorsqu’elle peut bénéficier de l’exonération d’IR, de CSG/CRDS, de taxes sur les salaires et forfait social dans les conditions susvisées, la prime de partage de la valeur est assujettie à (QR 1.2) :

  • à la CSG après abattement de 1,75 % pour frais professionnels,
  • à la CRDS,
  • à l’impôt sur le revenu,
  • à la taxe sur les salaires,
  • et au forfait social au taux de 20 % : ce forfait n’est dû que dans les entreprises de 250 salariés et plus.

Remarque

ainsi, ces contributions et taxes sont dues sur toutes les primes versées à compter du 1er janvier 2024 et sur les primes versées, entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, à des salariés percevant une rémunération supérieure ou égale à 3 Smic annuels.

Contrairement à ce qu'avait annoncé l'administration dans son FAQ du 17 août 2022, l'exonération de la taxe sur les salaires suit donc le régime de la CSG : elle est donc temporaire et soumise au plafond de rémunération.

Plafond d'exonération majoré (6 000 euros)

Rappel des conditions requises pour en bénéficier

En principe d’un montant de 3 000 €, le plafond d'exonération peut être porté à 6 000 € par bénéficiaire et par année civile lorsque :

  • l'employeur est un ESAT : n'ayant pas la capacité juridique de conclure un accord d'intéressement ou de participation, ces employeurs peuvent bénéficier de l'exonération à hauteur de 6 000 € sans être tenus de mettre en place un tel accord, sous réserve d'attribuer la prime à l'ensemble de leurs travailleurs handicapés sans exception liée à la rémunération (mais la prime peut être modulée en fonction des critères légaux) (QR 4.1) ;
  • l'employeur est une association ou fondation reconnue d'utilité publique ou d'intérêt général (ou une association cultuelle ou de bienfaisance), habilitée à ce titre à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d'impôt (CGI, art.200, 1 a et b et  238 bis, 1 a et b) : ces employeurs peuvent bénéficier de l'exonération à hauteur de 6 000 €, sans être tenus de mettre en place un accord d'intéressement ou de participation (QR 4.1) ;
  • dans les entreprises soumises à l'obligation de mettre en place un accord de participation, l'entreprise est dotée d'un accord d'intéressement à la date de versement de la prime ou conclut un accord d'intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
  • dans les entreprises non soumises à l'obligation de mettre en place un accord de participation, l'entreprise est dotée ou conclut un accord de participation ou un accord d'intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime.

L’administration consacre 3 questions-réponses sur la mise en place obligatoire d’un régime de participation, sur la mise en place d’un accord de participation à titre volontaire et sur la faculté de mise en place d’un accord d’intéressement (QR 4.2, 4.3 et 4.4). Nous ne détaillerons pas ces points de droit.

Elle précise que, pour bénéficier de l’exonération, l’accord d’intéressement ou de participation volontaire doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime, donc avoir été conclu avant le versement de la prime. Le dépôt de cet accord, qui doit intervenir dans les délais prévus par le code du travail pour bénéficier des exonérations attachées au dispositif d’intéressement ou de participation, peut être réalisé postérieurement au versement de la prime (QR 4.5).

Remarque

l’administration rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu'une prime d'intéressement ou que des sommes issues de la participation volontaire ai(en)t été versée(s) aux salariés pour pouvoir attribuer la prime de partage de la valeur, les primes d'intéressement ou les sommes issues de la participation volontaire étant déclenchées par la réalisation de conditions aléatoires prévues dans l'accord (QR 4.6). Comme pour la PEPA, la remise en cause a posteriori de l’accord d’intéressement ou de participation volontaire par les autorités compétentes n’a pas d’impact sur l’exonération de la prime de partage de la valeur (QR 4.7).

Neutralisation possible de la prime dans le calcul de l'intéressement uniquement

Comme pour la PEPA, l’administration confirme la possibilité de neutraliser les primes de partage de la valeur dans le calcul de l’intéressement, à certaines conditions (QR 4.8) :

  • si l’accord d’intéressement ne prévoit pas initialement cette neutralisation du résultat opérationnel, l’employeur ne peut pas l’ajouter unilatéralement, au risque de voir requalifier la prime en rémunération de droit commun (soumise à charges sociales et à l’impôt) ;
  • mais il peut négocier cette neutralisation par voie d’avenants ou dans un nouvel accord conclus à partir de 2022 dans les délais impartis par la loi (C. trav., art. L. 3314-4 : conclusion avant le premier jour de la 2e moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet).

Attention ! les accords ou avenants aux accords de participation ne peuvent pas neutraliser le versement de la prime, qu’il s’agisse d’une participation volontaire ou obligatoire ou que la formule de calcul soit légale ou dérogatoire.

Bénéficiaires

Précisions sur le sort des apprentis, stagiaires et mandataires sociaux

Le sort à réserver aux apprentis, stagiaires et mandataires sociaux est le même que celui qui leur était réservé pour la PEPA.

Les apprentis (et salariés en contrat de professionnalisation) ont droit à la prime puisque titulaires d’un contrat de travail (QR 2.8), contrairement aux stagiaires (QR 2.9).

Un mandataire social titulaire d’un contrat de travail doit bénéficier de la prime dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise ; ce versement ouvre droit à l’exonération dans les conditions de droit commun. S’il n’existe pas de contrat de travail, le versement de la prime n’est pas obligatoire et son éventuel versement n’ouvre pas droit à l’exonération prévue par la loi (QR 2.10).

Les intérimaires et salariés permanents d'une entreprise de travail temporaire

Les intérimaires en mission bénéficient de la prime de partage de la valeur dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice. A cette fin, l'entreprise utilisatrice doit communiquer sans délai à l'entreprise de travail temporaire (ETT) (QR 2.11) :

  • la décision unilatérale ou l'accord instituant la prime,
  • l'identité des salariés intérimaires concernés,
  • le montant de la prime pour chacun d'eux,
  • et la date de versement de la prime retenue pour les salariés permanents (entendue comme la date figurant au bloc S21.G00.50.001 de la DSN).

L'ETT en informe sans délai son CSE (lorsqu'il existe) et verse la prime aux intérimaires concernés selon les conditions et les modalités fixées par l'accord ou la décision unilatérale de l'entreprise utilisatrice.

La prime ainsi versée bénéficie de l'exonération lorsque les conditions prévues pour en bénéficier sont remplies par l'entreprise utilisatrice. En effet, les conditions requises pour le bénéfice des exonérations s'apprécient au niveau de l'entreprise utilisatrice, tout comme la condition de présence définie par l'accord ou la DUE (date de versement de la prime, de dépôt de l'accord ou de signature de la DUE).

Remarque

lorsqu'une PPV est attribuée à un même salarié par plusieurs entreprises utilisatrices ou une ou plusieurs entreprises utilisatrices et l'ETT, chaque entreprise est considérée comme un employeur distinct pour l'appréciation des conditions d'attribution.

Pour d’évidentes raisons pratiques, l’administration admet toutefois que la prime puisse être versée de manière décalée par l’ETT par rapport à l’EU et ce même après le 31 décembre 2023. Le versement doit cependant être effectué avant le 29 février 2024 pour ouvrir droit aux exonérations.

Remarque

si l'entreprise de travail temporaire verse la prime à ses salariés permanents, elle doit verser la prime à ses salariés intérimaires dans les mêmes conditions que pour ses salariés permanents (QR 2.13). En revanche, l'entreprise de travail temporaire dont une partie des intérimaires a bénéficié d'une PPV versée par les entreprises utilisatrices n'est pas tenue de verser cette prime à des salariés en mission dans d'autres entreprises utilisatrices (QR 2.12).

L’administration n’apporte aucune précision sur l’éligibilité des salariés de groupements d’employeurs ou d’associations intermédiaires. Dans le silence des textes, mieux vaut ne pas distribuer de PPV à ces salariés.

Mise en place de la prime par accord ou décision unilatérale de l'employeur (DUE)

Sans surprise, l’administration rappelle que la prime de partage de la valeur peut être mise en place par accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités prévues en matière d’intéressement (QR 5.1) ou par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE (s’il en existe un).

Cette consultation s’effectue, avant le versement de la prime, selon les règles de droit commun des articles L. 2312-14 à L. 2312-16 du code du travail. Les employeurs de moins de 11 salariés informent, par tout moyen, leurs salariés de leur décision de verser une prime (QR 5.5).

Si l’accord doit être déposé auprès de l’administration (plateforme de téléprocédure « téléaccords »), la DUE n’a en revanche pas besoin d’être déposée auprès de l’administration (QR 5.4).

L’acte instituant la prime (accord ou DUE) doit préciser (QR 5.2) :

  • le montant de la prime,
  • la date à laquelle est apprécié le critère de présence dans l’entreprise dans la limite des options prévues par la loi (date de versement de la prime, date de dépôt de l’accord ou date de signature de la DUE),
  • le cas échéant, l’exclusion des salariés dont la rémunération est supérieure à un certain plafond et le niveau de ce plafond et les modalités de sa modulation selon les bénéficiaires dans le respect des conditions prévues par la loi (sur les critères de modulation, voir ci-après).

Le BOSS oublie une clause importante : l’acte doit également préciser la date et les modalités de versement de la prime.

Compte tenu du caractère pérenne de la PPV, l’administration admet que l’accord ou la DUE puisse avoir une durée supérieure à un an ou un exercice (QR 5.3). Dans ce cas, et dans l’hypothèse où l’employeur bénéficie du plafond d’exonération majorée (6 000 €) au titre de la mise en place d’un accord de participation volontaire ou d’un accord d’intéressement, la condition d’un accord d’intéressement et/ou de participation volontaire produisant ses effets doit être remplie pendant toute la durée de cet accord ou décision.

Remarque

mieux vaut toutefois négocier un accord ou prendre une décision pour l'année civile, quitte à reconduire le dispositif l'année suivante en renouvelant l'accord ou en prenant une nouvelle décision à l'identique. En effet, il n'est pas toujours aisé de mesurer la capacité financière de l'entreprise nécessaire pour assurer la distribution de la prime sur plusieurs années sans la mettre en péril. Rappelons également que la prime sera intégralement imposable et soumise à CSG/CRDS à compter du 1er janvier 2024. Des exonérations temporaires qui militent pour un engagement annuel ou tout au moins n'allant pas au-delà de 2023.

Détermination du montant de la prime

Peu de nouveautés

Après avoir rappelé que seul le critère de rémunération peut être utilisé comme critère d’exclusion (QR 2.5), l’administration revient brièvement sur la possible modulation du montant de la prime selon des critères légalement circonscrits (critères autorisés : rémunération, niveau de classification, durée de travail prévue au contrat de travail, durée de présence effective durant l’année écoulée, ancienneté dans l’entreprise) qui, confirme-t-elle, peuvent être combinés (QR 3.5).

Comme pour la PEPA, les critères de modulation s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime (QR 3.3), une précision figurant dans la loi uniquement pour le critère de durée de présence effective.

Remarque

si l’appréciation sur les 12 mois précédant le versement de la prime ne pose pas de difficultés majeures pour les 4 premiers critères légaux, il en va différemment du critère d’ancienneté dans l’entreprise.

S’agissant de la durée de présence effective durant l’année écoulée, l’administration précise qu’elle s’apprécie dans les mêmes conditions que celles prévues pour le calcul de la valeur du Smic prise en compte pour le calcul de la réduction Fillon, soit en proportion de la durée de travail et en retenant les mêmes règles pour la prise en compte des absences (exception faite des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, des congés de présence parentale, des congés parentaux d’éducation, des jours d’absence pour enfant malade et des dons de jours de repos au titre d’un enfant décédé ou gravement malade qui sont assimilés expressément à une durée de présence effective) (QR 3.4).

Remarque

ainsi, un salarié ne devrait vraisemblablement pas percevoir de prime s'il n'est effectivement pas présent dans l'entreprise durant les 12 mois précédant le versement de la prime, en dehors des absences pour congés parentaux. Une réponse plus claire de l’administration aurait été toutefois bienvenue sur ce point.

Beaucoup de questions laissées en suspens

Quid de l’ancienneté dans l’entreprise ? Comment la comptabiliser lorsqu’un accord de groupe institue la prime et qu’un salarié est transféré d’une entreprise à l’autre sans reprise de son ancienneté ? Ce critère s’apprécie-t-il aussi sur les 12 mois précédant le versement de la prime ? Dans l’affirmative, comment apprécier une ancienneté sur cette période ?

Quid de la rémunération ? Si la rémunération à retenir pour le plafond de rémunération requise pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS est définie par la loi (voir ci-avant), ce n’est pas le cas de la rémunération servant de base au critère de modulation du montant de la prime ? L’acte juridique instituant la prime (accord ou DUE) peut-elle la définir librement ? Que faire lorsque cet acte ne précise rien ? Si, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, le salarié n'a perçu aucune rémunération, la prime à verser sera-t-elle d’un montant nul ou faut-il prévoir un montant plancher dans un tel cas de figure ?

Plus largement, la prime de partage de la valeur peut-elle aboutir, pour certains salariés, à une prime égale à zéro ? L’employeur doit-il fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu ? Et pourquoi apprécier l’ensemble de ces critères sur les 12 mois précédant le versement de la prime alors que la loi le prévoit uniquement pour le critère de la durée de présence effective ?

Remarque

l'administration n'oblige pas à utiliser les critères de modulation pour réaliser l'objectif de protection du pouvoir d'achat même si le Conseil d'Etat avait alerté dans son rapport sur le risque de fixation des critères sans encadrement. Ainsi, en théorie, il serait possible d'utiliser le critère de modulation en fonction de la rémunération pour favoriser les plus gros salaires. L'administration reviendra-t-elle sur ce point dans une prochaine mise à jour du BOSS ?

Entreprises à établissements multiples : leur sort est clarifié

Il est possible d’attribuer des montants de prime différents selon l’établissement dont relèvent les salariés et l’employeur n’est pas tenu d’attribuer la prime à tous les établissements de l’entreprise (il peut l’attribuer aux salariés relevant d’un ou plusieurs établissements seulement, sous réserve que l’accord ou la DUE le prévoit et liste les établissements concernés) (QR 3.6 et 3.7).

Versement de la prime

La prime de partage de la valeur peut faire l’objet d’avances (QR 6.1) et d’un versement fractionné dans la limite d’une fois par trimestre, au cours d’une même année civile, rappelle l’administration. Elle précise que, si la prime peut être versée en plusieurs fois, il s’agit de la même prime unique (QR 6.3). Dès lors, les critères d’attribution (et, à notre avis, de modulation) ne peuvent être différents pour chaque versement. Ces critères s’apprécient à la date du premier versement annuel de la prime.

Remarque

ni la loi ni le BOSS ne précisent s'il s'agit de trimestres civils ou non. Dans le silence des textes, un versement tous les trimestres civils semble possible, sans avoir besoin de respecter une durée de 3 mois entre les versements.

L’administration indique également que lorsqu’un salarié éligible à la prime quitte l’entreprise avant le versement de toutes les fractions de prime, le reliquat de prime auquel il a droit doit être versé avec le solde de tout compte, l’employeur ayant la possibilité dans ce cas de figure de ne pas respecter la temporalité prévue par l’acte instituant la prime (QR 6.5).

Prise en compte de la prime dans le niveau de rémunération

La prime de partage de la valeur n'est prise en compte dans le calcul d'aucune autre exonération de cotisations sociales et n'ouvre pas droit à d'autres exemptions ou exonérations. Elle n'est pas non plus prise en compte dans le calcul des exonérations applicables aux indemnités de rupture du contrat de travail (QR 3.8).

Remarque

cette position est-elle également valable pour la fraction de prime soumise à charges sociales ?

S'agissant du calcul des indemnités de rupture du contrat de travail, par principe la prime n'est pas incluse dans la rémunération servant de base de calcul de l'indemnité de fin de contrat ou de fin de mission, ni à celle des indemnités de rupture du contrat de travail. Toutefois, si le versement de la prime de partage de la valeur est récurrent et régulier, alors son montant doit être intégré à l'assiette de rémunération servant à calculer l'indemnité de licenciement (QR 3.9).

Remarque

ici, l'administration se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation. Laquelle ? Nous n'avons pas trouvé de décisions allant dans le sens de la position adoptée par l'administration pour l'exclusion du calcul de l'indemnité de licenciement. La PPV serait-elle exclue de l'assiette de rémunération servant à calculer l'indemnité de licenciement parce qu'elle est exonérée de charges sociales ?

Conséquences du non-respect des conditions d'attribution de la prime (QR 8.1)

Le bénéfice de l’exonération est conditionné pour l’employeur au respect de l’ensemble des conditions d’attribution.

Toutefois, en cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, afin d’éviter la remise en cause de l’ensemble de l’exonération, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser cette situation.

En outre, à défaut, le redressement pourra être opéré dans des conditions similaires à celles applicables pour le contrôle de l’application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire autorisant à réduire le redressement à proportion des seules erreurs commises (modulation du redressement Urssaf : CSS, art. L. 133-4-8).

Remarque

ainsi, en pratique, le redressement sera réduit à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi. Les sommes faisant défaut pourront être calculées en fonction du montant moyen de prime attribué et du nombre de salariés omis ou, lorsque la modulation n’était pas autorisée, en fonction de l’écart entre le montant des primes réduites à tort et le montant des primes non modulées défini par l’employeur. Les sommes en excédent correspondront notamment aux sommes exonérées versées à des salariés dont la rémunération excéderait le plafond défini dans l’entreprise ou attribués en substitution à d’autres éléments de rémunération.

Par ailleurs, en cas d’exonération par l’employeur des primes excédant le plafond de 3 000 € ou 6 000 € par salarié, seule la part excédant cette limite sera assujettie dans les conditions de droit commun. L’administration ajoute que « pour les entreprises, autres que celles mentionnées à la question 4.10 (entreprises bénéficiant du plafond d’exonération majoré au titre de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire), ayant versé une prime de plus de 3 000 € sans remplir l’une des conditions …[requises pour bénéficier du plafond d’exonération majoré], seule la part de la prime excédant 3 000 € sera réintégrée dans l’assiette des cotisations et des contributions sociales et, le cas échéant, à l’assiette de l’impôt sur le revenu ».

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