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30 mai 2022
Le caractère suffisant de la contrepartie financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
La contrepartie au dépassement du temps normal de trajet domicile-travail doit être suffisante
©Gettyimages

Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière (C. trav. art. L 3121-4).

Dans la présente affaire, un syndicat contestait la contrepartie prévue unilatéralement par l’employeur pour compenser le dépassement du temps normal de trajet pour les salariés d’une unité économique et sociale (UES) ne travaillant pas habituellement dans leur agence de rattachement.

La cour d’appel, jugeant ces contreparties dérisoires en ce que la « franchise » concernant les temps de déplacement considérés comme normaux était trop élevée, avait invité l’employeur à adopter de nouvelles dispositions sur ce point.

Dans son pourvoi, l’employeur faisait valoir qu’il n’appartient pas au juge, lorsqu'une telle contrepartie a été déterminée par la voie prévue par la loi, d'en apprécier le caractère suffisant.

Les salariés itinérants bénéficient de la contrepartie en cas de dépassement du temps normal de trajet

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle approuve d’abord la cour d’appel d’avoir décidé que la circonstance que des salariés de l'UES ne travaillaient pas habituellement au sein de leur agence de rattachement ne dispensait pas leur employeur de respecter à leur égard les dispositions de l'article L 3121-4 du Code du travail.

A noter :

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’appliquer l’article L 3121-4 du Code du travail à des travailleurs itinérants qui n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites des premier et dernier clients (Cass. soc. 30-5-2018 n° 16-20.634 FP-PB : RJS 8-9/18 n° 539).

Les juges du fond peuvent apprécier le caractère suffisant ou non de la contrepartie

La Haute Juridiction raisonne ensuite en plusieurs temps.

Elle relève d’abord que la cour d’appel, appréciant la situation d'un salarié itinérant, avait défini le lieu habituel de travail comme étant le lieu où se situe son agence de rattachement, si tant est que celle-ci se situe à une distance raisonnable de son domicile, de façon que le temps de trajet ainsi déterminé soit équivalent au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié dans la région considérée.

Elle juge ensuite que la cour d’appel avait pu estimer, dans l’exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que les compensations accordées par l’entreprise étaient déconnectées de ces temps normaux de trajet, la « franchise », c'est-à-dire le temps de déplacement excédentaire non indemnisé, de près de 2 heures étant trop importante.

Elle en conclut que les juges du fond avaient pu en déduire que les contreparties sous forme financière au temps de déplacement professionnel dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, fixées unilatéralement par l’employeur, méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l'article L 3121-4 du Code du travail et avaient pu ordonner à l’employeur, en conséquence, de mettre en place un système de contreparties déterminées, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile du salarié et le lieu habituel de travail, tel qu’ils l’avaient défini.

A noter :

La chambre sociale a déjà indiqué qu’il revenait aux juges du fond de fixer le montant de la contrepartie, lorsque celle-ci n'est définie ni par un accord collectif ni par un engagement unilatéral de l'employeur (Cass. soc. 14-11-2012 n° 11-18.571 FS-PB : RJS 2/13 n° 128). Elle leur reconnaît désormais le pouvoir d’apprécier le caractère suffisant de la contrepartie définie par l’employeur et de lui imposer, si tel n’est pas le cas, de mettre en place un nouveau système.

Documents et liens associés

Cass. soc. 30-3-2022 n° 20-15.022 FS-B, Syndicat Avenir SopraSteria c/ Sté Sopra Steria Group

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