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13 mai 2025
Alors que la directive « stop the clock » qui prévoit un report d’application de la directive CSRD a été adoptée et que le 2projet « Omnibus » visant à réduire son champ d’application sera discuté prochainement, la loi dite « DDADUE 5 » du 30 avril 2025 marque le pas.

La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dite « DDADUE 5 » a été publiée au JO le 2 mai. Elle modifie notamment les dispositions applicables au rapport de durabilité et pose la question de son alignement avec le droit européen actuel et futur.

« Nul besoin de transposer »

L’article 7, I, 1° de la loi DDADUE acte le report des obligations pour les entités des 2ème et 3ème vagues. Il modifie l’article 33 de l’ordonnance du 6 décembre 2023 qui transpose la directive CSRD en droit français. Ainsi, les entreprises de la vague 2 reporteront pour la première fois en 2028 sur l’exercice 2027 et celles de la vague 3 en 2029 sur l’exercice 2028.

Cette disposition s’aligne sur la directive dite « stop the clock » du 14 avril 2025 qui prévoit également un report de 2 ans de l’entrée en vigueur des exigences de la directive CSRD pour les 2ème et 3ème vagues et d’un an pour la transposition et la première phase d'application de la directive CS3D pour les plus grandes entreprises. Les Etats membres doivent transposer cette directive dans leur droit national au plus tard le 31 décembre 2025.

Mais la loi DDADUE étant identique à la directive « stop the clock » en ce qui concerne la directive CSRD, la directive CS3D n’y figurant pas, « nul besoin de transposer », explique Pierre Berlioz, professeur de droit à l’Université Paris-Cité« On est dans les clous du droit européen. L’obligation d’un Etat vis-à-vis d’une directive est moins de transposer que d’avoir un droit qui est conforme. Généralement, cela suppose une transposition mais pas toujours. L’Etat peut notifier à la Commission européenne que son droit est conforme sur tel ou tel point », poursuit celui qui a aussi été co-président du comité finance durable et reporting ESG du Medef.

Ce n’est pas la première fois que la France se retrouve dans une telle situation. Récemment la question de la conformité du droit français avec la directive sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la transparence des rémunérations s’est posée, par exemple. « Il n’y a pas de formalisme particulier avec une d’obligation d’adopter une législation spécifique pour transposer une directive dans le droit. L’important c’est que notre droit soit conforme aux exigences du législateur européen. », rappelle Pierre Berlioz.

Rectifier ou clarifier la transposition de la directive CSRD

La loi DDADUE modifie aussi plusieurs dispositions issues de la directive CSRD considérées comme surtransposant celle-ci. L’article 8 supprime notamment les sanctions pénales en cas de non-désignation d’un auditeur de durabilité, CAC ou OTI pour la vérification des informations de durabilité ou en cas d’obstruction à l’exercice de la mission. « Ces dispositions étaient conformes à l’esprit de la CSRD c’est-à-dire à un alignement de la vérification des informations en matière de durabilité sur la certification des informations financières, mais pas à sa lettre », explique le professeur de droit. La directive CSRD ne prévoyait pas de dispositions pénales.

L’article 7 de DDADUE octroie la possibilité pour les entreprises d’omettre la publication de certaines informations de durabilité dans leur rapport afin de protéger le secret des affaires. Il s’agit de celles « de nature à nuire gravement à la position commerciale de la société (…) à condition que cette omission ne fasse pas obstacle à la compréhension juste et équilibrée de la situation de la société et des incidences de son activité et que ces informations soient transmises à l’Autorité des marchés financiers. » Pour Pierre Berlioz, « le législateur est allé un peu plus loin que la CSRD. La surtransposition ici sera appréciée suivant le point de vue, entreprise ou ONG, par exemple. Mais en réalité c’est conforme à l’esprit de la directive même si ce ne l’est pas à sa lettre ».

Une autre possibilité d’omettre certaines informations est prévue pour les entreprises de la vague 1. L’article 7 de la loi DDADUE 5 indique qu’il s’agit des « informations mentionnées à l’appendice C de l’ESRS 1 annexé au règlement délégué (UE) 2023/2772 de la Commission européenne (il s’agit des exigences de publication introduites par étapes) » « en tenant compte des dispositions applicables en fonction de seuils de salariés » et « dans les rapports afférents aux trois premiers exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 ». Cette disposition s’explique certainement par le fait que « le texte français n’était pas assez clair quant à cette faculté ouverte aux entreprises d’omettre un certain nombre d’informations suivant le calendrier et les dispositions de cet appendice, explique Pierre Berlioz qui a aussi été directeur de cabinet du président de la compagnie des commissaires aux comptes au moment de l’adoption de la CSRD.

Rassurer les entreprises

C’est un « zèle bienvenu », sourit le professeur de droit. Avec cette disposition la loi fait œuvre de pédagogie pour rappeler aux entreprises qu’elle dispose d’une marge de manœuvre s’agissant de cet appendice. Mais il en va de même pour d’autres dispositions comme celle sur le secret des affaires. La CSRD donne une certaine liberté pour ne pas obliger les entreprises à dévoiler leurs stratégies.

L’objectif de DDADUE est donc de les rassurer. « C’est une façon de réexprimer l’esprit de la directive qui n’est pas d’imposer aux entreprises d’être des livres ouverts », rappelle Pierre Berlioz. Omnibus va dans ce sens car c’est une préoccupation récurrente des entreprises de ne pas être tenues par les règles en matière de durabilité de divulguer des informations sensibles de manière excessive.

Avec la CSRD, il y a eu un « emballement collectif » qui a fini par déboucher sur les projets de directives « Omnibus ». « On n’a pas suffisamment insisté sur les marges de manœuvres dont les entreprises disposaient. DDADUE en est une illustration très criante. Mais maintenant, il ne faut pas qu’il y ait un emballement collectif dans l’autre sens », conclut Pierre Berlioz.

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