Avec le changement climatique, les températures et les expositions aux rayonnements solaires augmentent, tout comme les périodes de sécheresse, de canicule ou encore les inondations, les feux de forêt et les tempêtes. L’ensemble entraîne des conséquences sur l’organisation du travail et la santé des salariés. Une problématique qui doit être inscrite dans le débat de la santé au travail.
A l’occasion du salon Préventica Lyon, jeudi 10 octobre dernier, une table ronde a évoqué la thématique des « dérèglements climatiques, quels impacts pour la santé au travail et les entreprises ? ».
Penser santé globale
Sur ce sujet, le Comité économique, social et environnemental (CESE) a publié, en avril 2023, son avis « Travail et santé-environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? ». Son rapporteur, Jean-François Naton, conseiller au CESE, précise qu’une « conscience absolue qu’il faut s’adapter et atténuer l’impact du travail sur l’environnement » est nécessaire. En outre, selon lui, « il faut penser les organisations du travail différemment de ce qui est fait actuellement ».
Pour cela, l’avis émet « 17 préconisations réparties en 3 grands chapitres ». Tout d’abord, il est important de « penser santé globale et de mettre le travail au cœur des politiques de santé ». Le « financement de la recherche » doit être développé afin de « comprendre ce qu’il nous arrive ». Par exemple, « qu’est-ce que donnent des solvants et des peintures à 50 °C ? ». Il faut « mettre le paquet dans les connaissances pour connaître et pouvoir agir ».
Le CESE suggère également de « mobiliser le monde du travail et notamment les partenaires sociaux ». Jean-François Naton indique que « des outils sont à la disposition des partenaires sociaux » en matière de dérèglements climatiques et que « le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) est celui qui est adapté pour la prévention dans les entreprises même si moins de 50 % d’entre elles le mettent en œuvre. Les risques environnementaux sont donc à intégrer au DUERP qui est au centre de la stratégie ». Sur ce point, le CESE a même proposé la mise en place d’une « conditionnalité des aides à l’élaboration du DUERP ». Les enjeux environnementaux doivent devenir « des enjeux de débats dans l’entreprise ». Mais pour débattre et agir, il est essentiel d’avoir intégré les notions. « Il y a le besoin d’une stratégie de formation pour comprendre ce qu’il se passe avec le changement climatique » recommande Jean-François Naton. Au nom du CESE, il préconise « des formations communes pour les employeurs, les syndicats et les salariés ». L’organisme avait aussi conseillé de « reconnaître la canicule comme une intempérie afin de pouvoir arrêter de travailler et être indemnisé ». C’est chose faite avec un décret du 28 juin 2024.
Dernier point, le CESE prône le « devoir d’écoute ». Pour le rapporteur, « on ne peut pas faire sans les travailleurs. Il faut partir de celles et ceux qui font car c’est celles et ceux qui savent ». Ainsi, il serait souhaitable « d’inscrire l’écoute des salariés parmi les principes généraux de prévention du code du travail ». L’avis du CESE et sa synthèse disponibles en ligne sont à « utiliser comme des outils » pour se questionner sur « que fait-on collectivement ? Et comment fait-on pour atténuer ? ».
Aider les entreprises à s’adapter
Pour accompagner les entreprises dans la préservation des conditions de travail de leurs salariés face au changement climatique, la CCI Alsace Eurométropole a participé à un programme inter régions d’adaptation. D’après Fabienne Cironneau, conseillère d’entreprises RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et SST (santé sécurité au travail) au sein de la CCI Alsace Eurométropole, il existe « beaucoup d’autres soucis en entreprise que le dérèglement climatique » et c’est donc « un sujet qui paraît connexe aux employeurs ».
Toutefois, un « changement de mentalité » est relevé puisqu’aujourd’hui « aucun chef d’entreprise nie le fait qu’il n’est pas impacté par le changement climatique » souligne Fabienne Cironneau. C’est dans ce sens que « des outils pour comprendre le changement climatique et aider les entreprises à s’adapter » ont été développés via le programme européen « Clim Ability ».
La démarche permet « d’avoir un diagnostic pour voir comment les chaînes de valeur des entreprises peuvent être impactées par le changement climatique ». L’objectif, grâce à l’outil en ligne, est de « connaître là où les entreprises sont impactées selon les aléas » et ainsi « avoir une vision de leur vulnérabilité ». Il est important de « répertorier ce que l’entreprise a déjà subi : chaleurs, coups de vent, coulées de boue, etc. » pour ensuite « développer une gestion de crise et une culture du risque ».
L’équipe dédiée au programme a aussi mené « un travail avec Météo France pour obtenir une projection climatique pour les étés et les hivers en 2050 ». Clim Ability propose des fiches thématiques pour « adapter son entreprise en fonction des aléas climatiques auxquels elle est exposée » (sécheresse, inondations, neige, vagues de chaleurs, etc.). Par ailleurs, il déploie des outils et ateliers de sensibilisation en entreprise portant notamment sur « les actions préventives à mettre en place face au risque inondation » ou encore sur « le contenu d’un kit de secours que tout citoyen doit avoir ».
Prévenir les UV
Les dérèglements climatiques accentuent la dégradation de la couche d’ozone et les risques liés aux rayonnements solaires. Les salariés qui évoluent en extérieur y sont exposés et les employeurs doivent mettre en place des mesures de prévention. Pour Pierre Cesarini, directeur délégué et porte-parole de l’Association sécurité solaire, « les rayonnements UV (ultraviolets) sont un piège car on ne les voit et on ne les sent pas ». Plusieurs facteurs les font varier : « la position du soleil dans le ciel, le rôle des nuages, l’altitude et la réverbération ». Par exemple, les professionnels en montagne sont fortement concernés par cette problématique. « Les conséquences sont présentes à partir de quelques minutes d’exposition aux UV » et peuvent prendre la forme de « coups de soleil, brûlures, cataracte, DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), mélanome, etc. ».
Des actions voient le jour sur ce thème. « En Allemagne, les carcinomes BC (basocellulaires) et les épidermoïdes sont reconnus comme maladie professionnelle » (cancer épidermoïde attribuable à l’activité professionnelle en extérieur) alors que ce n’est pas le cas en France. Dans la région Grand-Est, le PRST 4 (4ème plan régional de santé au travail) s’est intéressé aux UV avec la « mise en place d’un observatoire grâce auquel les dermatologues peuvent remonter des lésions générées par le travail quand ils en détectent ».
Avec « 15 millions de travailleurs exposés plus de 75 % de leur temps de travail en Europe et plus de 1,5 million au niveau français », l’Association sécurité solaire déploie le « Projet soleil & santé au travail ». Elle propose, entre autres, d’animer des conférences auprès des travailleurs ainsi que des ateliers pratiques et des tests d’EPI (équipements de protection individuelle).
Côté employeur, des mesures simples sont à mettre en place pour faire face aux UV : « limitation du travail durant les heures les plus chaudes de la journée, installation de zones d’ombragement, port de vêtements couvrants et anti UV, de lunettes de soleil couvrantes et enveloppantes, application de crème solaire, etc. ».