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22 juin 2023
Dans ses nouvelles recommandations, présentées le 9 juin 2023, l'OCDE se met à jour. Les principes directeurs remodelés reflètent «une décennie d'expérience» et répondent «aux priorités sociales, environnementales et technologiques urgentes auxquelles les sociétés et les entreprises sont confrontées».

Depuis 12 ans, il n'y avait pas eu de mise à jour. Les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises ont été réédités le 8 juin 2023. La dernière mouture datait de 2011. Forts d'une « décennie d'expérience », ils évoquent désormais « le devoir de vigilance » auquel sont attraits les grands groupes, notamment pour lutter contre « toutes les formes de corruption », et traduisent également de nouvelles exigences en matière de publication d'information extra-financière à l'ère du rapport de durabilité.  

Ces principes ont valeur de simples recommandations à l'attention des multinationales depuis leur création en 1976. Toutefois, ils constituent un standard international puisqu'ils ont été adoptés par 51 pays - dont la France - ainsi que par l'Union européenne, à travers leur adhésion à la Déclaration sur l'investissement international et les entreprises multinationales, reprise en préambule. Les principes « renforcent et complètent les initiatives privées et publiques en matière de conduite responsable des entreprises ».

Le « devoir de diligence » 

Jusqu'à présent, les principes directeurs recommandaient l'exercice d'une « diligence raisonnable » par les multinationales. Désormais l'expression de « devoir de diligence » est gravée au sein des principes généraux du texte (point A.11). Le cap est franchi parce que depuis 2018 l'OCDE propose un « guide sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises » auquel renvoient désormais largement les principes directeurs (v. point 15 des commentaires sur les principes généraux, p.18). La mise à jour opérée cette année permet donc de mettre à niveau les principes directeurs sur ce sujet fondamental. 

Les principes directeurs définissent le devoir de vigilance de la manière suivante : « le processus qui, en tant que partie intégrante de leurs systèmes de prise de décisions et de gestion des risques, permet aux entreprises d'identifier, de prévenir et d'atténuer les impacts négatifs [et non plus incidences négatives, ndlr], réels ou potentiels, de leurs activités, ainsi que de rendre compte de la manière dont elles abordent cette question ». Les impacts négatifs doivent être pris en considération de la manière suivante : 

  • il s'agit des « impacts négatifs dont les entreprises sont à l'origine ou auxquels elles contribuent,
  • ou qui sont directement liés à leurs activités, leurs produits et leurs services du fait de l'existence d'une relation d'affaires ».

Comment les traiter ?

Type d'impact négatif

Traitement

potentiel

mesure de prévention ou d'atténuation

réel

mesure de réparation 

Deux éléments importants, inclus dans les principes directeurs 2023, sont à noter : 

Les relations d'affaires à appréhender sont plus largement définies. Il s'agit de « toute relation avec :

  • des entités appartenant à la chaîne d'approvisionnement,
  • des associés dans des co-entreprises, 
  • des clients [qui ne soient pas des consommateurs individuels, ndlr], 
  • des entreprises bénéficiaires d'investissements, 
  • des franchisés, 
  • des sous-traitants, 
  • des partenaires commerciaux, 
  • qui fournissent des produits ou services contribuant à la mise en œuvre des activités, des produits ou des services d'une entreprise ou qui reçoivent, utilisent sous licence, achètent ou exploitent les produits ou services de l'entreprise,
  • ou toute autre entité, publique ou non, directement liée à ses activités, ses produits ou ses services ». 

Deuxième élément structurant : la recommandation exprimée en matière de devoir de vigilance s'applique à l'ensemble des chapitres figurant dans les principes directeurs (publication d'informations, droits humains, emploi et relations professionnelles, environnement, lutte contre la corruption sous toutes ses formes, intérêts des consommateurs), dont les chapitres consacrés à la science et à la technologie, contrairement aux principes datés de 2011, à l'exception toutefois de ceux ayant attrait à la fiscalité et à la concurrence. 

Délivrer de l'information sur la durabilité des entreprises

Concernant la publication d'informations par les multinationales, les recommandations de l'OCDE, via les principes directeurs 2023, deviennent également plus exigeantes. L'OCDE recommande tout d'abord aux entreprises de se conformer aux politiques publiques définies en la matière « dans les pays et les secteurs où elles exercent leurs activités, et de prendre en considération les points de vue et les besoins en information des actionnaires et autres parties prenantes ». 

Que faut-il ensuite dévoiler ? Voici un comparatif entre les principes directeurs 2021 et 2023 :

Éléments à inclure 

Principes directeurs 2021

Principes directeurs 2023

objectifs

X

X

informations liées à la durabilité

X

structure de capital, de groupe et modalités de contrôle

X

X

participations significatives, dont les bénéficiaires effectifs et le détail des droits de vote

X

X

informations relatives à la composition du conseil d'administration et à ses membres portant notamment sur leurs qualifications, le processus de sélection, leur appartenance au conseil d'administration d'autres sociétés et le fait qu'ils soient considérés comme indépendants par le conseil d'administration

X

rémunération des membres du conseil d'administration et des principaux dirigeants

X

X

transactions avec les parties liées

X

X

facteurs de risque prévisibles

X

X

structures et politiques de gouvernance d'entreprise (y compris le degré de conformité aux politiques ou codes nationaux de gouvernance d'entreprise et les processus sur lesquels ils sont mis en œuvre)

X

X

contrats de créance, ainsi que le niveau de risque de non-respect des engagements

X

informations relatives aux travailleurs et autres parties prenantes

X

X

déclarations de valeurs ou de conduite à l’intention du public (notamment des politiques relatives aux problématiques de conduite responsable des entreprises qui fassent ressortir les engagements de l’entreprise par rapport aux normes et règles énoncées dans les principes directeurs, ainsi que leurs projets pour mettre en œuvre le devoir de diligence) et performance de l'entreprise en la matière.

X (dans une moindre mesure)

X

politiques ou autres codes de conduite auxquels l’entreprise souscrit (date de leur adoption et mention des pays et des entités auxquels ils s’appliquent, performance de l'entreprise dans le respect de ces codes)

X (dans une moindre mesure)

X

informations sur les mesures adoptées pour intégrer des politiques relatives aux problématiques de conduite responsable des entreprises au sein des instances dirigeantes et des organes de contrôle des entreprises (dont la performance de l'entreprise en la matière)

X

domaines identifiés par l’entreprise comme ayant des impacts significatifs ou présentant des risques importants ; impacts négatifs ou risques identifiés, priorisés et évalués, ainsi que les critères de hiérarchisation des priorités ; et mesures adoptées pour prévenir ou atténuer ces risques ou impacts

X

calendrier estimatif, critères indicatifs de référence et résultats escomptés, ainsi que les actions mises en œuvre par l'entreprise pour remédier à toute difficulté ou coopérer aux efforts en ce sens

X

informations sur les dispositifs d’audit interne, de gestion des risques et d’application de la loi

X

X

Les informations à publier doivent être « fiables, claires, complètes, précises et comparables, et ce, de façon régulière, prompte et suffisamment détaillée, sur tous les aspects significatifs » des activités de l'entreprise. 

Nouveautés supplémentaires

Autres éléments d'actualisation des principes directeurs mis en avant par l'OCDE :

  • « Les recommandations visent [désormais] à ce que les entreprises s’alignent sur les objectifs convenus à l’échelle internationale en matière de changement climatique et de biodiversité, et à garantir que les activités de lobbying soient conformes aux Principes directeurs ».
  • Les principes directeurs énoncent aussi des « attentes concernant le devoir de diligence à exercer dans le secteur des technologies, y compris la collecte et l’exploitation des données » (développement, financement, vente, octroi de licences, commerce, et utilisation des différentes technologies). Ils optent pour une généralisation « des recommandations sur le devoir de diligence à toutes les formes de corruption ».
  • Ils évoquent encore l' « amélioration de la protection des personnes et groupes à risque, y compris de ceux qui expriment leurs préoccupations quant à la conduite des entreprises ».
  • Ils présentent des « procédures de mise en œuvre des principes directeurs renforcées pour garantir la visibilité, l’efficacité et l’équivalence fonctionnelle des Points de contact nationaux pour la conduite responsable des entreprises » .
Sophie Bridier
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