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20 mai 2022
Il est nécessaire d'appliquer strictement les règles de suppléance prévues à l'article L. 2314-37 du code du travail avant de procéder à l'organisation d'élections partielles. La Cour de cassation rappelle les règles applicables et adopte une solution extensive sur le remplacement par les candidats non-élus.

Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (C. trav., art. L. 2314-10). 

Dans ce cadre, il a toujours été considéré qu'il faut faire jouer les règles de suppléance au préalable. Ainsi, un collège n'est plus représenté ou le nombre de titulaires du CSE est réduit de moitié, uniquement lorsque le recours aux suppléants est épuisé. 

C'est sur cette question que la Cour de cassation se prononce dans cet arrêt du 18 mai 2022 publié sur son site.

Départs en série du CSE

Dans cette affaire, il y a deux collèges au CSE. Le titulaire, puis le suppléant du premier collège démissionnent, l'un de son mandat, l'autre de l'entreprise. L'employeur, considérant qu'un collège n'est plus représenté organise des élections partielles, ce que le syndicat qui a présenté ces candidats, la CFDT, conteste.

Il saisit donc le tribunal judiciaire afin que l'un de ses candidats non-élus du deuxième collège soit reconnu comme membre titulaire du premier collège, et qu'il soit fait interdiction de poursuivre le processus d'élections partielles engagé.

Le jugement rejette l'intégralité des demandes du syndicat et valide l'organisation d'élections partielles. Pour le tribunal, le premier collège n'est plus représenté, à défaut de suppléant dans ce collège, le remplacement par les membres d'un autre collège étant impossible, car « n'ayant assurément pas les mêmes intérêts collectifs ».

Application des règles de suppléance

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord avec le tribunal. Elle donne raison au syndicat et en profite pour rappeler et apporter des précisions sur les règles de suppléance prévues à l'article L. 2314-37 du code du travail.

Rappel des règles de l'article L. 2314-37

L'article L. 2314-37 du code du travail fixe les règles de remplacement des titulaires, dites « règles de suppléance ».

La Cour de cassation, pour régler ce litige, revient strictement à ce texte.

Elle explique qu'aux termes de ce texte, lorsqu'un délégué titulaire cesse ses fonctions ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé :

  • par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant ;
  • à défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution.

Remarque

rappelons que l'ordonnance Macron relative au CSE a conservé les règles de suppléance applicables aux délégués du personnel, et non celles applicables au comité d'entreprise. Elles sont légèrement différentes en ce qu'elles donnent une importance encore plus grande à l'appartenance syndicale : ainsi, il faut avoir recours aux candidats non élus du même syndicat, avant d'aller chercher des suppléants dans d'autres listes syndicales. Cette règle est peu connue et n'est pas toujours appliquée dans la pratique. La Cour de cassation, en rappelant le fonctionnement de ces règles, insiste sur leur importance. Elles ont vocation à s'appliquer de façon générale, et pas seulement pour déterminer si les conditions d'organisation des élections partielles sont réunie. A noter que les règles de suppléance ne s'appliquent pas en cas d'annulation de l'élection d'un candidat pour non-respect des règles de représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats en application de l'article L. 2314-32. Dans ce cas il n'y a pas lieu de désigner un remplaçant pour occuper le poste laissé vacant (Cass. soc., 22 sept. 2021, n° 20-16.859).

Précision inédite sur le recours aux candidats non-élus

Il en résulte, conclut la Cour de cassation « que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale ».

Puis la Cour censure le tribunal comme ayant violé l'article L. 2314-37 en rejetant le recours de la CFDT au motif qu'il n'y avait pas de candidats non-élus CFDT dans le premier collège, et qu'il n'existe aucun autre suppléant dans ce collège issu d'autres listes syndicales.

Il faut donc aller chercher les candidats non élus CFDT du deuxième collège.

Remarque

dans cette affaire, la CFDT avait obtenu deux élus dans le premier collège : Z (titulaire) et V (suppléant), tous deux ayant quitté leur mandat. Il n'y a pas d'autres élus ou candidats non élus dans ce collège. La CFDT a présenté des candidats dans le deuxième collège, et elle y a obtenu un titulaire (O) et un suppléant (T). Trois autres candidats CFDT du deuxième collège n'ont pas été élus (J, F et U). Pour remplacer le titulaire CFDT du premier collège, à défaut de suppléant dans ce collège, c'est d'abord T, suppléant élu CFDT du 2e collège qui devrait devenir titulaire (l'arrêt n'est pas précis à cet égard mais il semble que cet élu soit momentanément empêché). A défaut, et en l'absence de candidats non élus dans le premier collège, c'est à J, F ou U, candidats non élus du deuxième collège, mais présentés par le même syndicat que devrait revenir le mandat (avec priorité au candidat titulaire).

Cette solution est inédite, la circulaire de 1983 évoquant cette question ayant opté pour une interprétation plus restrictive. En effet, s'agissant du remplacement par un candidat non élu, l'administration précise que l'on fait appel « au premier candidat non élu de la liste sur laquelle figurait le titulaire à remplacer. Il est donc membre du même collège et peut avoir été présenté en qualité de titulaire ou de suppléant, la priorité étant donnée au titulaire » (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.).

Épuisement de tous les suppléants possibles avant le recours aux élections partielles

Si la Cour de cassation ne le dit pas expressément, il résulte clairement de cette décision que l'application stricte des règles de suppléance de l'article L. 2314-37 du code du travail est obligatoire avant d'organiser des élections partielles. En d'autres termes, pour que les conditions d'organisation des élections partielles soient réunies, il faut avoir au préalable épuisé tous les suppléants possibles, et ce en appliquant exhaustivement les règles énoncées par l'article L. 2314-37.

Dans la pratique, cette règle est appliquée, mais elle n'a jamais été énoncée par le Cour de cassation. Seule une circulaire de 1983 sous-entend cette nécessité en expliquant que « Parce que les mécanismes de remplacement propres au comité d'entreprise peuvent se révéler insuffisants pour permettre un fonctionnement normal de l'institution, le législateur a prévu l'organisation d'élections partielles sous certaines conditions » (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.).

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