Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Paie
- La réduction générale des cotisations patronales n'est pas applicable aux rémunérations du personnel des établissements publics administratifs qui ont seulement la faculté d'adhérer volontairement, à titre révocable, au régime d'assurance chômage mais ne sont pas tenus de s'assurer contre le risque de privation d'emploi (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 22-19.453 F-D).
Santé et sécurité
- Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation sur les accidents du travail. Dès lors qu'un apprenti, durant sa formation au sein d'un centre de formation professionnelle et de promotion agricole, a fait une chute de grande hauteur alors qu'il était placé sous l'autorité de ses formateurs, salariés de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole, il n'est pas recevable à agir en responsabilité contre les les préposés de ces deux organismes, qui ne peuvent pas être considérés comme des tiers par rapport à l'employeur (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 21-23.216 F-B).
- Le dispositif médical acheté dans un autre Etat membre de l'Union européenne est remboursé aux assurés, si sa prise en charge est prévue par la réglementation française, dans les mêmes conditions que s'il avait été acheté en France, sans que celles-ci ne puissent constituer, sauf motif de protection de la santé, une atteinte à la liberté de circulation des marchandises et des prestations de services. Ainsi, la condition tenant à l'inscription au fichier national des professionnels de santé prévue par le CSS n'est pas applicable au fournisseur du dispositif médical acheté dans un autre Etat membre (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 21-25.527 FS-BR).
- Même privé de rémunération et déclaré inapte par le médecin du travail, l'assuré, dont le contrat de travail n'a pas été rompu mais est seulement suspendu ne peut pas prétendre au bénéfice d'une pension de retraite (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 22-14.500 F-D).
Statuts particuliers
- Sont assujetties au forfait social toutes les sociétés anonymes et les sociétés d'exercice libéral à forme anonyme qui ont leur siège social en France, sur le montant total des rémunérations qui sont allouées à leurs administrateurs et membres de leurs conseils de surveillance, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence fiscale de ces derniers (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 21-23.396 F-B).
Contrôle-contentieux
- La Cour de cassation juge désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. ass. Plén. 22-12-2023 n° 20-20.648 B-R). L’arrêt d’appel relève que l'employeur conteste l'existence même de l'accident du travail et que, pour établir avoir été molesté par le gérant au cours de la dispute du 18 mars 2016, la victime produit , outre un procès-verbal de dépôt de plainte et deux certificats médicaux du 18 mars 2016, un procès-verbal d'huissier de justice du 30 mars 2016 retranscrivant un enregistrement effectué sur son téléphone portable lors des faits, que cet enregistrement des propos tenus par le gérant de la société a été réalisé à l'insu de celui-ci et qu'il est présenté par l'employeur comme ayant été obtenu de manière déloyale. Il constate qu'au moment des faits, trois collègues de travail de la victime ainsi qu'une personne, cliente de l'entreprise et associée avec le gérant dans une autre société, étaient présents sur les lieux et retient qu'au regard des liens de subordination unissant les premiers avec l'employeur et du lien économique de la seconde avec le gérant, la victime pouvait légitimement douter qu'elle pourrait se reposer sur leur témoignage. L'arrêt relève ensuite que l'altercation enregistrée est intervenue au sein de la société dans un lieu ouvert au public, au vu et au su de tous, et notamment de trois salariés et d'un client de l'entreprise et ajoute que la victime s'est bornée à produire un enregistrement limité à la séquence des violences qu'elle indique avoir subi et n'a fait procéder au constat de la teneur de cet enregistrement par un huissier de justice que pour contrecarrer la contestation de l'employeur quant à l'existence de l'altercation verbale et physique. Il résulte de ces constatations et énonciations que la cour d’appel a recherché, comme elle le devait, si l'utilisation de l'enregistrement de propos, réalisé à l'insu de leur auteur, portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime, et elle a pu déduire que la production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 22-11.736 FS-BR).
- Lorsque, saisie d'une contestation relative à l'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail prescrits, la juridiction ordonne une mesure d'instruction, le praticien-conseil ou l'autorité compétente pour examiner le recours préalable transmet à l'expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction compétente, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du Code pénal, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision. A la demande de l'employeur, partie à l'instance, ledit rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet, la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle en étant alors informée. Le défaut de transmission à l'expert désigné par la juridiction du rapport médical par le praticien-conseil du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas en lui-même sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits. En revanche, il appartient à la juridiction de jugement de tirer du défaut de communication de ce rapport à l'expert toute conséquence de droit quant au bien-fondé de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des soins et arrêts de travail prescrits (Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 22-15.932 F-B).