La chambre sociale de la Cour de cassation vient d’apporter, dans un arrêt du 18 mai 2022, une précision sur l’indemnisation du salarié protégé qui a été licencié sans autorisation administrative, dans le cas particulier où après son éviction de l’entreprise et avant que le juge ne se prononce, il a fait valoir ses droits à la retraite.
Dans cette affaire, un ancien délégué syndical est convoqué à un entretien préalable au licenciement le dernier jour de sa période de protection. Licencié peu après, sans que son employeur ait demandé d’autorisation administrative, il saisit le conseil des prud’hommes pour solliciter la nullité de son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise. Mais en cours d’instance, un an et demi plus tard, il fait valoir ses droits à la retraite.
Le départ en retraite prive le salarié protégé de la possibilité d'être réintégré...
En 2019, la Cour de cassation est saisie une première fois sur ce litige, s’agissant de l’étendue de l’indemnité pour violation du statut protecteur. Cette dernière couvre en principe la rémunération que le salarié licencié illégalement aurait dû percevoir entre la date de son éviction de l’entreprise et celle de sa réintégration (Cass. soc. 17-10-1989 n° 87-41.174 P ; Cass. soc. 24-9-2002 n° 00-44.018 FS-D ; Cass. soc. 11-1-2007 n° 05-45.682 F-D). Mais qu’en est-il si le salarié a liquidé sa retraite entre-temps ? La cour d'appel avait considéré que la réintégration était impossible, mais avait accordé au salarié une indemnité de violation du statut protecteur couvrant les salaires perdus entre la date d'éviction de l'entreprise et la date de l'arrêt qui aurait ordonné sa réintégration s'il n'avait pas fait valoir ses droits à la retraite.
La Cour de cassation a confirmé que le départ en retraite rendait la réintégration impossible. Mais elle a décidé que l’indemnisation du salarié au titre de la violation du statut protecteur devait être limitée aux salaires perdus entre la date d’éviction de l’entreprise et celle du départ en retraite (Cass. soc. 13-2-2019 n° 16-253.764 FS-PB).
Ce point étant réglé, c’est une autre question que tranche la Cour de cassation dans l’arrêt du 18 mai 2022. Le salarié ne pouvant plus être réintégré, la cour d’appel de renvoi a en effet condamné l’employeur à lui verser non seulement l’indemnité pour violation du statut protecteur selon les modalités fixées par la Haute Juridiction, mais aussi une indemnité pour perte d’emploi.
En effet, lorsqu’un salarié protégé licencié sans autorisation ne sollicite pas sa réintégration, la jurisprudence lui accorde, outre l’indemnité pour violation du statut protecteur, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement. Cette indemnité est au moins égale à celle prévue à l'article L 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure au 24 septembre 2017, applicable en l'espèce, soit au moins 6 mois de salaire (voir, notamment, Cass. soc. 13-11-2001 n° 99-45.389 FS-D ; Cass. soc. 16-3-2005 n° 02-45.077 FS-PB ; Cass. soc. 21-10-2009 n° 08-41.764 F-D). Il en est ainsi sans que le juge ait à se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. soc. 13-9-2005 n° 03-41.486 F-D ; Cass. soc. 27-5-2008 n° 06-44.641 F-D ; Cass. soc. 5-7-2011 n° 10-14.626 F-D). Quand bien même le motif du licenciement du représentant du personnel (économique, disciplinaire ou autre) serait fondé, l'absence de saisine de l'administration en violation du statut protecteur rend le licenciement illicite.
…mais pas de l’indemnité au titre du licenciement illicite
Pour contester le paiement de l’indemnité pour perte d’emploi, le pourvoi de l’employeur faisait valoir que la situation était différente en l’espèce car le salarié avait demandé sa réintégration mais que sa propre décision de liquider sa retraite avait fait obstacle à son retour dans l’entreprise. S’il n’avait pas pris sa retraite, la réintégration aurait pu avoir lieu et dans ce cas, l’ancien salarié protégé n’aurait pu prétendre à aucune indemnité de rupture (Cass. soc. 26-3-2013 n° 11-27.964 FS-PB). L’employeur estimait ainsi ne pas devoir assumer les conséquences du choix du salarié de faire valoir ses droits à la retraite.
L’argument est balayé par la Haute Juridiction. Elle reprend son attendu de principe sur le droit à indemnité pour licenciement illicite pour le salarié protégé licencié sans autorisation qui ne demande pas sa réintégration, en l’élargissant au cas du salarié dont la réintégration est impossible. Le fait que l’impossibilité de réintégration découle d’une décision du salarié est sans effet sur la solution.
A noter :
L’indemnisation du salarié protégé licencié sans autorisation au titre de la nullité de son licenciement est aujourd’hui fixée par l’article L 1235-3-1 du Code du travail, qui prévoit, pour certains licenciements nuls, une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse fixé par l’article L 1235-3 du Code du travail n’est pas applicable dans ce cas.
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