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7 novembre 2022
Le recours de l'employeur à des missions d'intérim peut révéler l'existence de postes disponibles pour le reclassement du salarié protégé déclaré inapte, juge le Conseil d'Etat. Ce n'est pas le cas si les missions sont très courtes, ponctuelles et aléatoires.
Salarié protégé inapte : quel reclassement lorsque l'entreprise recourt à l'intérim ?
©Gettyimages

L'employeur qui envisage de licencier un salarié protégé déclaré inapte par le médecin du travail doit mener une recherche sérieuse de reclassement, faute de quoi l’autorisation administrative de licenciement ne peut pas être délivrée (CE 11-6-1990 n° 84650 ; CE 15-6-1998 n° 171476). L’affaire soumise au Conseil d’État lui permet de préciser la notion de poste disponible devant être proposé au salarié inapte s’il correspond à ses capacités. Son arrêt sera mentionné aux tables du Recueil Lebon. 

Une obligation de reclassement du salarié protégé inapte 

L’étendue de cette obligation de reclassement prévue par le Code du travail (articles L 1226-2 pour l’inaptitude d’origine non professionnelle et L 1226-10 pour l’inaptitude professionnelle) a fait l’objet de précisions de la part de la Haute Juridiction administrative : l'employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à son emploi précédent, au besoin par la mise en œuvre de mesures de mutation, de transformation de postes ou d'aménagement du temps de travail (CE 2-2-1996 n° 157713).

La recherche de reclassement doit être menée au sein de l'entreprise et, lorsqu'elle appartient à un groupe, des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel (CE 7-10-2021 n° 430899), sachant que, depuis le 24 septembre 2017, les articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du travail limitent la recherche de reclassement aux entreprises du groupe, tel que défini par les articles L 233-1, L 233-3 et L 233-16 du Code de commerce, situées sur le territoire national.

L'employeur emploie des salariés en intérim... 

Le Conseil d’État n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur la recherche de reclassement lorsque, dans l’entreprise, sont employées des personnes sous contrat de travail précaire (CDD ou intérim notamment).

En l’espèce, le salarié protégé avait été licencié pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement, après autorisation administrative. Il avait exercé un recours contre cette décision administrative mais avait été débouté en première instance puis en appel. Il s’était pourvu en cassation en soutenant que les modalités de recours au travail temporaire dans l'entreprise révélaient la disponibilité de postes de travail qui auraient dû lui être proposés pour son reclassement.

Le Conseil d’État commence par énoncer un principe selon lequel l’employeur doit rechercher, en vue du reclassement du salarié protégé inapte, les postes disponibles appropriés aux capacités de l’intéressé, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour les pourvoir. Autrement dit, le poste disponible peut être temporaire.

A noter :

La solution rejoint celle de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a jugé qu’un poste à pourvoir par un CDD doit être proposé au salarié inapte (Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-44.060 F-D ; Cass. soc. 10-2-2016 n° 14-16.156 F-D ; Cass. soc. 4-9-2019 n° 18-18.169 F-D).

Le Conseil d’État poursuit en énonçant que si l’employeur recourt à des contrats de travail temporaire dans des conditions telles qu’elles révèlent l’existence d’un ou plusieurs postes disponibles dans l’entreprise, il doit proposer ces postes au salarié inapte (dans la mesure, en tout état de cause, où ils sont adaptés à ses capacités), peu important qu’ils fassent l’objet d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée.

... mais pour des missions courtes, ponctuelles et aléatoires qui ne constituent pas un poste disponible 

Reste à analyser la situation concrète de l’entreprise pour déterminer si le recours aux contrats précaires révèle, ou pas, l’existence d’un ou plusieurs postes de travail.

En l’espèce, la cour administrative d’appel a relevé que les missions d’intérim dans l’entreprise concernaient des durées très courtes de 2 à 3 jours, visaient à pallier des absences ponctuelles ou à faire face à des pointes saisonnières d’activité et présentaient un caractère aléatoire. La cour n’a pas commis d’erreur de droit, selon le Conseil d’État, en considérant qu’elles ne constituaient pas un ou plusieurs postes qui auraient dû être proposés au salarié protégé inapte.

La notion de poste disponible au sens du reclassement est ainsi soumise à une appréciation au cas par cas. Le recours à l’intérim ou à des CDD peut révéler l’existence de postes disponibles lorsque, en méconnaissance des dispositions du Code du travail (articles et L 1242-1 pour le CDD et L 1251-5 pour le travail temporaire), il a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Lorsqu’il respecte les cas de recours légaux, à savoir le remplacement d’un salarié absent et l’accroissement temporaire d’activité, il ressort de l’arrêt que seules les missions assurant une certaine durée et prévisibilité au salarié peuvent être considérées comme constituant un poste disponible.

A noter :

À titre d’exemple, pour un salarié non protégé, la Cour de cassation considère que doit être proposé ou un CDD de 3 mois (Cass. soc. 10-2-2016 n° 14-16.156 F-D précité) ou le remplacement d’un congé maternité (Cass. soc. 5-3-2014 n° 12-24.456 F-D ; Cass. soc. 23-9-2009 n° 08-44.060 F-D précité). Elle a par ailleurs jugé que l’ensemble des tâches confiées à des stagiaires ne constitue pas un poste de travail, tout en réservant l’hypothèse de la fraude (Cass. soc. 11-5-2017 n° 16-12.191 F-PB).

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