Le salarié inapte bénéficie d’un régime protecteur contre la rupture de son contrat de travail
Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités (C. trav. art. L 1226-2, al. 1 en cas de maladie et d’accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-10, al. 1 en cas de maladie et d’accident professionnels). Il ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans ces conditions, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav. art. L 1226-2-1, al. 2 en cas de maladie et d’accident non professionnels ; C. trav. art. L 1226-12, al. 2 en cas de maladie et d’accident professionnels).
A noter :
Avant le 1er janvier 2017, seuls les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle pouvaient faire l'objet d'une dispense de reclassement décidée par le médecin du travail. Cette différence a été gommée par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (JO 9), dite « loi Travail », qui a unifié les conséquences d'une inaptitude physique, quelle qu'en soit l'origine, sur le contrat de travail d'un salarié et a créé l’article L 1226-12-1 du Code du travail, applicable en cas de maladie et d’accident non professionnels.
En l’espèce, un salarié en arrêt de travail à l’encontre duquel une procédure de licenciement disciplinaire a été engagée est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, à l’issue d’une visite médicale de reprise, sans possibilité de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe. Licencié pour faute lourde, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement et solliciter le versement de diverses indemnités.
La cour d’appel le déboute de ses demandes, retenant que la circonstance que l’inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail ne privait pas la société de se prévaloir d’une faute lourde au soutien du licenciement qu’elle a notifié à l’issue de la procédure disciplinaire qu’elle avait initiée antérieurement.
Le licenciement ne peut pas être prononcé pour un motif autre que l’inaptitude…
Le salarié se pourvoit en cassation, faisant valoir que lorsqu’à la suite d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin de travail à occuper tout poste dans l’entreprise au terme d’une seule visite médicale de reprise, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s’appliquent, ce qui exclut qu’il puisse faire l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude.
L’argument était d’autant plus sérieux que la chambre sociale de la Cour de cassation a toujours strictement veillé au respect par l'employeur de ses obligations à l'égard du salarié déclaré inapte et qui sont rappelées ci-desssus. Ainsi, dans le cadre de la législation antérieure à l’intervention de la « loi Travail » et dans des affaires où l’inaptitude du salarié était consécutive à un accident du travail, la Cour de cassation a répondu à plusieurs reprises par la négative à la question de savoir si l’employeur pouvait s'affranchir du régime protecteur qui lui était applicable en se plaçant sur le terrain du licenciement économique (Cass. soc. 14-3-2000 n° 98-41.556 PB ; Cass. soc. 19-5-2004 n° 02-44.671 FS-PB ; Cass. soc. 10-5-2012 n° 11-11.854 F-D). Elle a également retenu le même principe à propos du licenciement pour motif disciplinaire d’un salarié déclaré inapte. Dans cette affaire, la décision de la cour d’appel qui avait admis la légitimité du licenciement pour faute grave du salarié a été cassée pour violation de la loi (Cass. soc. 20-12-2017 n° 16-14.983 FS-P).
A noter :
On relèvera que le recours à un motif économique ou disciplinaire plutôt qu’à un motif tenant à l’inaptitude physique du salarié n’est pas neutre et entraîne des différences importantes sur le montant des indemnités de rupture auquel peut prétendre le salarié licencié. Si son inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, il peut prétendre aux indemnités suivantes qui ne sont pas prévues en cas de rupture du contrat de travail pour un motif économique ou une faute grave : une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement, et une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité légale de préavis (C. trav. art. L 1226-14).
… même si une procédure disciplinaire a été engagée antérieurement à l’avis d’inaptitude
En toute logique, dans l’arrêt du 8 février 2023, la Haute Juridiction adopte la même solution dans le cadre de la législation actuelle. Pour elle, les dispositions des article L 1226-2 et L 1226-2-1 du Code du travail sont d’ordre public et font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. Aussi, la cour d’appel ne pouvait pas admettre la légitimité du licenciement pour faute lourde à l’issue de la procédure disciplinaire alors que le salarié avait été entre-temps déclaré inapte à titre définitif à occuper son emploi par le médecin du travail.
A noter :
On relèvera que, même si, dans cette affaire, le salarié n’aurait pas pu bénéficier en cas de licenciement pour inaptitude physique des indemnités visées ci-dessus prévues en cas d'inaptitude d'origine professionnelle puisque son inaptitude a un caractère non professionnel, un licenciement pour faute lourde l’aurait notamment privé du paiement soit de l’indemnité légale de licenciement, calculée compte tenu de son ancienneté incluant la durée du préavis qui lui aurait été dû s’il avait été en mesure de l’exécuter (Cass. soc. 22-11-2017 n° 16-13.883 F-D), soit de l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable.
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Documents et liens associés
Cass. soc. 8-2-2023 n° 21-16.258 FS-B, T. c/ Sté des cendres