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13 juillet 2022

Différentes décisions rendues par la Chambre sociale en juin et début juillet 2022 illustrent les règles applicables à l'octroi et au versement des primes conventionnelles et au paiement du salaire.

Le tableau ci-dessous présente ces décisions.

Thème

Faits et procédure

Solution jurisprudentielle

Primes et gratifications

Condition d'octroi d'une prime de langue conventionnelle

Une convention collective de branche prévoit que certains salariés capables de transmettre des opérations sur n'importe quel poste et dans n'importe quelle langue, bénéficient d'une prime de langue égale à 10 % de leur salaire de base. Les salaires de base correspondant à chaque emploi sont fixés conformément à un barème.

Un employeur refusait de verser cette prime à un salarié au motif que le salaire de base s'entend du salaire minimum de l'emploi et que la prime de langue, qui est égale à 10 % du salaire de base, constitue une majoration du salaire minimum conventionnel de sorte que le bénéfice de la prime était subordonné la perception du minimum conventionnel garanti. Il arguait également d'une absence de maîtrise suffisante de l'anglais par le salarié pour effectuer ses missions.

Lorsqu'un accord collectif subordonne l'octroi d'une prime de langue à la pratique d'une langue étrangère dans les communications professionnelles sans fixer de niveau de maîtrise de la langue et sans conditionner le bénéfice de la prime à la perception du seul minimum conventionnel garanti, un salarié a droit à cette prime s'il démontre avoir travaillé sur des documents techniques rédigés en anglais,  avoir communiqué dans cette langue avec différents interlocuteurs et avoir accompli des missions à l'étranger (Cass. soc., 9 juin 2022, n° 21-10.628).

Condition d'octroi d'une prime d'expatriation conventionnelle

Des physiciens russes et argentins sont embauchés par une société française. Pour les besoins de leurs engagements, ils sont expatriés. A ce titre, ils bénéficient d'une prime d'expatriation prévue par convention d'entreprise jusqu'à l'obtention de leur nationalité française en 2014. La convention d'entreprise prévoit en effet le versement de la prime d'expatriation aux salariés de nationalité autre que française.

Les salariés saisissent alors la justice pour obtenir la reprise du paiement de la prime pour exécution déloyale de la convention d'entreprise. Ils invoquent également la contractualisation de cette prime puisque leur contrat de travail y fait référence.

Les juges du fond ne font pas droit à leurs demandes.

L'objet, les conditions d'attribution et les modalités de calcul de la prime d'expatriation mentionnée dans les contrats de travail des salariés, n'étaient définis que par la convention d'entreprise, de sorte que la référence, dans le contrat de travail des salariés, à cette prime prévue par la convention d'entreprise n'impliquait pas que ces dispositions aient été contractualisées. L'employeur était donc fondé à suspendre le versement de cette prime dès l'acquisition de la nationalité française (Cass. soc., 6 juill. 2022, n° 20-22-5-358).

Droit à une prime d'objectifs soumise à une condition de présence

Un salarié est engagé en 2008 en qualité de directeur des relations sociales. Son contrat de travail prévoit le paiement d'une prime sur objectifs individuels pouvant atteindre 10 % de sa rémunération annuelle. En septembre 2017, il prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la justice pour obtenir un rappel de salaire correspondant à la prime contractuelle sur objectifs pour la période travaillée.

Les juges du fond constatent que cette prime constituait une partie variable du salaire du directeur versée en contrepartie de son activité mais ils le déboutent de sa demande au motif que, sur le principe, le droit au paiement prorata temporis d'une indemnité dite d'objectifs d'un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve. Le salarié ne rapportait pas cette preuve.

L'arrêt de cour d'appel est cassé.

Si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement (Cass. soc., 6 juill. 2022, n° 20-12.242).

Paiement du salaire

Rémunération variable

Un salarié, licencié pour faute lourde, réclame en justice le paiement intégral de sa rémunération variable au titre de 2015.  Son contrat de travail prévoyait le droit à une prime de résultat annuelle en fonction d'objectifs individuels et collectifs fixés chaque année et visait une prime pouvant représenter 60 000 € si tous les objectifs étaient atteints. Le document « entretien de fin d'année » signé par les parties en 2015 fixait les objectifs quantitatifs 2015.

Les juges du fond ne font pas droit à cette demande arguant qu'il ne produisait aucun élément sur ses résultats individuels. Il se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond ont inversé la charge de la preuve. Au terme de l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il appartient donc à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 20-19.711).

Conséquence du non-paiement du salaire

Le 10 juin 2011, un salarié, également gérant de la société qui l'emploie, prend acte de la rupture de son contrat de travail au motif du non-paiement de ses salaires de mars et avril 2010 et de mai 2011. Dans la foulée, il saisit la justice aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et le paiement de son indemnité de préavis. Les juges du fond déboutent le salarié de sa demande de rappel de salaire pour mars et avril 2010 mais font droit à ses autres demandes.

L'employeur se pourvoit en cassation, considérant que le manquement invoqué au soutien d'une prise d'acte de la rupture doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour lui, tel n'était pas le cas lorsque le manquement est pontuel ou lorsque le salarié agit de manière prématurée, sans permettre à l'employeur de régulariser la situation. Dans cette affaire, le salaire était exigible le 31 mai et le salarié, qui émettait lui-même les ordres de virement relatif à sa rémunération, avait pris acte de la rupture le 10 juin et saisit la justice dans un délai très court (le 11 juin), sans avoir alerté son employeur. Le retard de paiement du salaire pouvait donc lui être imputable.

La Cour de cassation n'est pas sensible à l'argumentation avancée par l'employeur. Pour elle, la cour d'appel, qui a constaté qu'à la date de la prise d'acte de la rupture, le 10 juin 2011, le salaire du mois de mai 2011 n'était pas payé et que ce manquement était imputable à l'employeur, a pu en déduire qu'il avait empêché la poursuite du contrat de travail. Le non-paiement d'un seul mois de salaire peut donc justifier une prise d'acte (Cass. soc., 6 juill. 2022, n° 20-21.690)

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