Dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique qui s’accompagne d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), le rôle de l’administration est incontournable.
Le Dreets (ex Direccte) peut ainsi « à tout moment de la procédure, faire toute observation ou proposition à l’employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales ». Il envoie simultanément une copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l’accord sur le PSE est engagée, aux organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1233-57-6).
Ces observations ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation du PSE et c’est le juge administratif qui est compétent en cas de contestation.
En effet, la compétence de ce dernier est définie de manière précise et sans aucune ambiguïté par l’article L. 1235-7-1 du code du travail : « l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L.1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (…) ».
Mais quel est le tribunal compétent pour connaître d’un recours portant uniquement sur la seule lettre d’observation en l’absence de décision de validation ou d’homologation du PSE ?
Réponse de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 2022.
La contestation qui ne porte que sur la seule lettre d’observations, en l’absence d’une décision de validation ou d’homologation du PSE …
Un équipementier automobile confronté à des difficultés économiques décide de réorganiser son activité. Cette réorganisation entraîne la suppression de 71 postes sur 231.
L'employeur engage des négociations avec les syndicats, en mai 2019, en vue d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Les négociations se déroulent dans un climat social tendu qui aboutit à à une grève. Pour apaiser les tensions, un accord de médiation et un accord de méthode sont conclus, respectivement, les 28 juin et 18 juillet 2019.
Le 17 novembre de la même année, l’employeur présente au CSE une nouvelle mouture de son PSE. Celui-ci ne prévoit plus de licenciements mais le transfert des salariés dont le poste est supprimé chez une entreprise cliente.
En janvier 2020, le Dreets émet des observations aux termes desquelles il indique à l’employeur que les conditions de mise en œuvre du PSE ne sont pas remplies et que le PSE ne constitue pas l’outil juridique adéquat pour accompagner les mobilités envisagées dans le cadre de son projet de restructuration excluant tout licenciement.
Dès lors, l’employeur met fin aux négociations portant sur le PSE et décide de proposer une convention de transfert à chaque salarié quittant l’entreprise dans le cadre de la réorganisation.
Deux syndicats et le CSE contestent la décision de l’administration et saisissent le président du tribunal judiciaire statuant en référé pour que celui ordonne à l’employeur de cesser les propositions de transfert, de suspendre le projet de réorganisation et de reprendre les négociations pour finaliser la négociation du PSE.
… doit être portée devant le tribunal administratif
Demande rejetée tour à tour par le tribunal judiciaire et par la cour d’appel. Le juge judiciaire s’estime incompétent au motif que la lettre d’observation constitue « un acte administratif faisant grief », donc une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir.
Interprétation confirmée par la Cour de cassation qui, au visa de l’article L. 1233-57-6 du code du travail, retient que la décision rendue en l’espèce par le DREETS qui avait été saisie, en vue de l’exercice d’un contrôle susceptible de conduire à une décision de validation ou d’homologation du PSE, constitue bien un acte administratif faisant grief et elle ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui de la décision de validation ou d’homologation, laquelle relève de la compétence du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
Dès lors, le tribunal judiciaire saisi ne pouvait se prononcer sur les demandes des syndicats et du CSE.
Ainsi, même dans l’hypothèse où la contestation ne porte que sur la seule lettre d’observations, en l’absence d’une décision de validation ou d’homologation, le tribunal compétent est le tribunal administratif.