Actualité
6 min de lecture
24 mai 2022
Dans cette chronique, Béatrice Pola et Arnaud Esposito, respectivement avocate associée et stagiaire au sein du cabinet Proskauer Rose LLP, récapitulent les modalités de prise en charge des frais de transport des salariés et les dernières évolutions légales et jurisprudentielles en la matière.
La prise en charge des frais de transports des salariés : les dernières précisions légales et jurisprudentielles

Les frais de transport doivent être distingués des frais de déplacement.

En principe, le temps de déplacement n’est pas pris en charge par l’employeur en ce que "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif" (article L.3121-4 du code du travail).

Dès lors que le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, une contrepartie en repos ou financière doit être octroyée au salarié.

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé à propos des salariés itinérants, considérant alors que le lieu habituel de travail de ces salariés est le lieu de l’agence de rattachement ( arrêt du 30 mars 2022 ). Par un arrêt du 22 avril 2022, la Cour rappelle à nouveau ce principe et précise également qu’il ne s’applique pas aux représentants du personnel (arrêt du 22 avril 2022 ).

Les frais de transport domicile/lieu de travail font l’objet d’une prise en charge distincte selon que les salariés utilisent les transports publics (c. trav., art. L.3261-2) ou les transports personnels (articles L.3261-3 à L.3261-4 du code du travail).

Si le salarié utilise les transports publics : l’employeur doit prendre en charge 50 % de l’abonnement.

Si le salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel (dans les limites énoncées par l’article L.3261-3 du code du travail) : l’employeur peut prendre en charge les frais de transports personnels sans que ce soit une obligation, sauf exception.

Les règles applicables aux déplacements en transports publics et personnels

La prise en charge des transports publics est obligatoire à hauteur de 50 % du coût de l’abonnement, que ce soit par transport collectifs ou de service public de location de vélos (article R.3261-2 du code du travail).

En principe, l’employeur n’est aucunement contraint de prendre en charge les frais de transports personnels.

Le législateur a néanmoins instauré des dispositifs facultatifs permettant à l’employeur de prendre en charge les frais de transports personnels, soit au titre de la mise en place d’une prime transport, soit au titre des dispositifs instaurés en vue d’inciter aux modes de déplacements "vertueux". S’agissant du régime applicable aux deux dispositifs, le législateur a prévu des éléments communs.

La prime transport

La prime transport vise les frais de carburant ou frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène (article L.3261-3 du code du travail).

Les salariés éligibles sont expressément visés par le code du travail. En effet, ne sont visés que les salariés dont :

  • la résidence ou le lieu de travail n’est pas désservi par un service de transports en commun (public ou privé) ;
  • la résidence ou le lieu de travail n’est pas inclu dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire ;
  • les conditions d’horaires de travail rendent indispensable l’utilisation d’un véhicule personnel et ne permettent donc pas le recours aux transports en commun (article L.3261-3 du code du travail).

Le forfait mobilités durables

Le forfait mobilités durables est un dispositif facultatif visant à inciter les employeurs à contribuer aux frais de déplacement des salariés entre leur domicile et le lieu de travail, pour ceux privilégiant certains moyens de transport spécifiques.

Parmi ces modes de transports, sont visés : le vélo personnel (électrique ou non), le covoiturage, les transports publics non visés par la prise en charge des abonnements, les services de mobilité partagée (location ou mise à disposition de cyclomoteurs, motocyclettes, vélos électriques ou non, engins de déplacement personnel motorisés ou non).

Le forfait mobilités durables se substitue au précédent dispositif relatif à l’indemnité kilométrique vélo et à l’indemnité covoiturage.

Le montant de la prise en charge peut être aménagé. Les plafonds d’exonération sont de 500 euros par an et par salarié, et jusqu’à 600 euros en cas de cumul avec la prise en charge des frais d’abonnement aux transports publics.

S’agissant d’un dispositif facultatif, le forfait mobilité durable peut être cumulé avec les autres dispositifs de prise en charge des frais de transport.

Seuls les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail sont susceptibles d’être pris en charge (article L.3261-3-1 du code du travail).

Les dernières réformes relatives au frais de transport personnels

La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a réformé l’implication des entreprises dans "la politique des mobilités", en créant un forfait mobilités durables afin de promouvoir le recours quotidien à des transports moins couteûx et considérés comme plus "propres". Cette réforme crée également une solution de paiement nouvelle – le titre-mobilité – en vue d’inciter les employeurs à contribuer à la prise en charge des frais de transports personnels. Si les modalités d’application du titre-mobilité restaient à définir, le décret a été publié le 17 décembre 2021 pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2022.

Toutes les entreprises du secteur privé situées en France. Les dispositions légales relatives à la prise en charge des frais de transports personnels consacrent une faculté pour toutes les entreprises. Dès lors, la mise en place de ces dispositifs est purement facultative.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, une obligation de négociation est instaurée s’agissant des mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail, et ce par une réduction des coûts de la mobilité et l’incitation à l’utilisation de modes de transport vertueux (article L.2242-17 du code du travail).

A l’instar du titre-restaurant, le titre-mobilité est une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée, visant à prendre en charge les frais de transport personnels engagés par les salariés pour effectuer leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail (article L.3261-5 du code du travail). Cette solution de paiement vise à prendre en charge tant le forfait mobilités durables que la prime transport.

La mise en œuvre du forfait mobilités durables, de la prime transport ou du titre-mobilité suppose la signature d’un accord collectif d’entreprise, ou à défaut d’un accord de branche. Ce n’est qu’en l’absence d’accord que l’employeur peut instaurer ce dispositif par voie de décision unilatérale, et seulement après avoir consulté le comité social et économique de l’entreprise.

Que ce soit par voie d’accord ou de décision unilatérale, le document de mise en œuvre du dispositif vise à préciser le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais de transport personnels (article L.3261-4 du code du travail).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l’absence de délégués syndicaux, la négociation préalable avec des salariés mandatés ou des membres de la délégation du personnel au comité social et économique est facultative. Aussi, l’employeur peut immédiatement adopter une décision unilatérale, à condition de procéder à la consultation préalable du comité social et économique s’il existe (article L.3261-4 du code du travail).

Sous réserves des conditions d’éligibilité (voir infra), le dispositif instauré au sein de l’entreprise doit bénéficier à l’ensemble des collaborateurs, dans les cas où ils remplissent les conditions requises. A défaut, l’Urssaf pourrait remettre en cause l’application du régime social favorable.

L’éligibilité et les critères d’attribution peuvent être précisés par voie d’accord ou, à défaut, par décision unilatérale, en respectant le principe d’égalité de traitement et l’interdiction de toute discrimination.

Le versement de la prime transport ne peut pas être cumulé avec le remboursement des frais de transports publics. En revanche, la mise en place du forfait mobilités durables peut être cumulée avec le remboursement des frais de transports publics. Le régime des exonérations sociales et fiscales applicables à chaque indemnité détaille les plafonds applicables en fonction du cumul des prises en charge.

Focus sur les déplacements à vélo

L’employeur dispose de la faculté de prendre en charge les frais de déplacements à vélo ou à vélo à assistance électrique au titre du forfait mobilités durables (article L.3261-3-1 du code du travail).

Auparavant, l’employeur pouvait prendre en charge l’utilisation du vélo personnel du salarié par le biais d’une indemnité kilométrique vélo, dont le montant était égal à 25 centimes d’euro par kilomètre.

Désormais, le décret du 9 mai 2020 prévoit que les employeurs qui versent aux salariés l’indemnité kilométrique vélo peuvent continuer à verser cette indemnité, laquelle est alors assimilée au versement du forfait mobilités durables.

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Béatrice Pola et Arnaud Esposito
Aller plus loin
Feuillet rapide social - Toute l’actualité sociale analysée
Le Feuillet rapide social vous assure une veille sociale exhaustive pour anticiper et mettre en œuvre les nouvelles règles en toute sécurité et dans le respect des échéances.
354,29 € TTC/an
Feuillet rapide social - Toute l’actualité sociale analysée