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10 février 2022
Dans un arrêt du 15 décembre 2021, la Haute Cour apporte des précisions sur le point de départ du délai de prescription de l'action en reconnaissance du préjudice d'anxieté. Dans ce même arrêt et un autre de la même date, elle fournit des exemples d'éléments établissant ou non un tel préjudice personnel subi par le salarié.
Préjudice d'anxieté : des précisions de la Cour de cassation
©iStock

La prescription peut courir à partir de l’inscription sur la liste Acaata

Dans l'arrêt n° 20-11.046, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme, comme elle l'avait fait dans un précédent arrêt (Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-26.585 FS-PB), que le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d'anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.

La Haute Cour valide ici la décision de la cour d'appel ayant considéré que l'inscription, par arrêté publié au Journal officiel, de l'établissement dans lequel travaillait le salarié sur la liste permettant la mise en oeuvre du régime de préretraite amiante (régime Acaata) avait, peu important la remise en cause de cet arrêté par la juridiction administrative, donné à l'intéressé une connaissance des faits lui permettant d'exercer son action. En conséquence, le point de départ du délai de prescription pouvait être fixé à la date de cette inscription.

En effet, l’arrêté inscrivant l’établissement sur la liste prévue à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 avait été annulé par la juridiction administrative. Mais, même si le salarié ne relevait plus des dispositions de la loi précitée, rien n’interdisait au juge de prendre en considération l’arrêté annulé pour apprécier, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la date à laquelle le salarié avait eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave liée à l’inhalation de poussières d’amiante.

A noter :

Il en découle qu’il est possible de retenir un point de départ identique du délai de prescription à l’égard de tous les salariés ayant travaillé dans un même établissement, quand bien même ces travailleurs relèveraient de régimes différents. Cette solution est d’autant plus intéressante que, dans les deux cas, l’action en réparation du préjudice d’anxiété est soumise au délai de prescription fixé par l’article L 1471-1 du Code du travail (Cass. soc. 8-7- 2020 n° 18-26.585 précité).

Comment le salarié peut-il démontrer son préjudice personnel ?

Dans les deux arrêts du 15 décembre, la Haute Cour rappelle que le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.

Des crises d’angoisse, des insomnies et un état dépressif peuvent caractériser un préjudice d’anxieté

Dans l'arrêt n° 20-11.046, la cour d'appel, ayant constaté que le salarié produisait des attestations de proches faisant état de crises d'angoisse régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d'insomnies et d'un état anxio-dépressif, a pu en déduire que l'existence d'un préjudice personnellement subi était avérée.

Mais pas des études scientifiques à caractère général

En revanche, dans l'arrêt n° 20-15.878 la Haute Cour juge que la cour d'appel ne pouvait pas, pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, retenir que la relation de type causal entre l’inhalation de poussières ou fibres d’amiante et les risques pour la santé du salarié exposé, notamment ceux de développer des lésions pleurales et des pathologies comme le mésothéliome engageant le pronostic vital, était établie par les études scientifiques et épidémiologiques menées depuis plus d’un siècle, que le salarié produisait le compte-rendu d’une scanographie du thorax et justifiait d’un suivi médical post exposition à l’amiante, que par ces éléments, il établissait souffrir d’une inquiétude permanente de voir se déclencher chez lui à tout moment une pathologie engageant son pronostic vital, réactivée par les examens médicaux et que d’anciens collègues de travail déclaraient une maladie professionnelle liée à l’amiante. En effet, ces éléments sont considérés comme insuffisants à caractériser un tel préjudice.

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Frédéric SATGE
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