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10 février 2022
Dans le cadre d'une convention de forfait, le salarié qui le souhaite peut – en accord avec l'employeur – renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire si un accord collectif le prévoit. L'accord collectif de travail détermine alors le montant de cette majoration. À défaut, il appartient au juge de fixer le montant de la majoration applicable au salaire dû en contrepartie des jours de repos auquel il a renoncé.

Si le dépassement par le salarié du nombre de jours prévus par le forfait (même plusieurs années de suite) n'emporte ni la nullité de la convention de forfait, ni son absence d'effet, il est classiquement jugé que ce dernier pourrait demander le paiement des jours de travail réalisés au-delà de son forfait (Soc. 24 oct. 2018, n° 17-12.535 D). La renonciation aux jours de réduction du temps de travail a en effet un « prix » s'incarnant dans une majoration convenue ou négociée, et à défaut justifiant une demande d'indemnisation (C. trav., art. L. 3121-59 et L. 3121-61). Ce principe a su garder une certaine constance au fil des réformes, bien que ses fondements aient pu évoluer, comme l'illustre l'arrêt du 26 janvier 2022 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation.

En l'espèce, un salarié, engagé sous convention de forfait en jours prévoyant 215 jours de travail sur l'année en qualité de responsable administratif et financier, a été licencié par la société qui l'avait embauché. L'intéressé estimant ne pas avoir été payé des jours de travail effectués au-delà de la durée prévue par la convention de forfait en jours qui lui était applicable, a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir des rappels de salaires notamment au titre de la majoration de 25 % de la rémunération des jours en question.

Les juges du fond firent droit à sa demande en condamnant l'employeur au paiement de l'indemnité de dépassement de la convention de forfait en jours. Ce dernier, insatisfait de cette décision, forma un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation saisie du pourvoi va toutefois le rejeter.

La Haute juridiction va en effet commencer par rappeler le régime fixé par le feu article L. 212-15-3, III (devenu l'art. L. 3121-59), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, prévoyant que lorsque le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord collectif de travail, le salarié bénéficie, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement.

Poursuivant son raisonnement, elle va ensuite, en s'adossant à l'article L. 212-15-3 III, devenu L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 22 août 2008, rappeler qu'une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec l'employeur, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire.

Le texte prévoit en outre que la convention ou l'accord collectif de travail détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix, étant précisé qu'en l'absence d'accord sur le taux de majoration de la rémunération des jours de repos auxquels le salarié a renoncé, le juge fixe le montant de la majoration applicable au salaire dû en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

Or en l'espèce le salarié avait bien accompli des jours de travail en dépassement du forfait de 215 jours, lesquels avaient été payés par l'employeur, de sorte que les jours de repos équivalent n'avaient pas été pris, la cour d'appel avait alors fixé la majoration de ces journées à 25 %, ce que permettait effectivement le droit applicable à l'époque des faits aux yeux de la Cour de cassation.

Aussi la chambre sociale va-t-elle, en reprenant le droit applicable sur la partie de la relation de travail postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 (incarné essentiellement dans l'art. L. 3121-45 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008), rappeler que le salarié qui le souhaitait pouvait, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur étant alors établi par écrit, et un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur devant déterminer le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %. À défaut d'accord, il revenait au juge de fixer, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.

Or dans le cas d'espèce, aucun accord écrit relatif à la renonciation des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire n'avait été conclu. La cour d'appel va déduire du paiement par l'employeur de ces jours accomplis au-delà du forfait un accord tacite de renonciation aux jours de repos correspondants. La Cour d'appel était ainsi en position d'estimer au regard des éléments de faits qui lui était soumis le montant des sommes restant dues au salarié en contrepartie des jours travaillés en dépassement du forfait de 215 jours fixés par la convention de forfait en jours.

Cette précision n'est pas anecdotique pour l'employeur, qui aurait pu légitimement penser que le cœur du dispositif reposant sur le principe d'un accord mutuel, le taux de majoration devant être déterminé conjointement, l'application du minima de 10 % fut approprié en l'absence de stipulation expresse. Il n'en demeure pas moins que la chambre sociale fait ici une exacte application du texte qui laisse au juge toute latitude en l'absence d'accord des parties pour apprécier les faits et fixer ce taux. Or en l'espèce il a précisément été tiré argument du fait que « l'employeur ne [répliquait] pas sur le taux de majoration de 25 % demandé par le salarié », conduisant à la conclusion implacable que ce c'est alors ce « taux qui sera donc appliqué ».

Il est permis de penser que la solution rendue par l'arrêt du 26 janvier 2022 est globalement transposable au régime actuel, eu égard la similarité des « nouveaux » textes. Le régime de la renonciation au jour de repos est en effet désormais régi par l'article L. 3121-59 qui prévoit de la même manière que le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire (C. trav., art. L. 3121-59). L'accord collectif peut alors fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année, lequel doit être compatible avec les dispositions légales relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux congés payés et les règles relatives aux jours fériés chômés dans l'entreprise. Étant toujours précisé que l'accord entre le salarié et l'employeur doit être établi par écrit et que l'avenant à la convention de forfait conclu entre le salarié et l'employeur est valable pour l'année en cours et ne peut être reconduit de manière tacite. Il est en outre nécessaire de déterminer le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans que le taux puisse être inférieur à 10 % (C. trav., art. L. 3121-59).

Il est par ailleurs acquis en jurisprudence que l'absence de rémunération de ces jours de repos non pris ouvre droit à l'allocation de dommages-intérêts au salarié, sa rémunération devant être regardée comme manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, au sens de l'article L. 3121-61 (Soc. 7 déc. 2010, n° 09-42.626 P, D. 2011. 85

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; RJS 2011, n° 330).

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Loïc Malfettes, Docteur en droit, Responsable RH et juridique
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