Actualité
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16 février 2023
L’exercice par un salarié d’une activité sportive, durant son arrêt maladie, sans aggravation de son état de santé, ne cause pas à son employeur un préjudice justifiant sa révocation du fait d’un manquement à l’obligation de loyauté, peu important le paiement intégral de son salaire.
Pratiquer une activité sportive durant un arrêt maladie n’est pas forcément déloyal
©Gettyimages

Un manquement à l’obligation de loyauté suppose un préjudice causé à l’employeur

L’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt (Cass. soc. 4-6-2002 n° 00-40.894 FS-PBR ; Cass. soc. 11-6-2003 n° 02-42.818 F-D). Pour constituer un tel manquement et justifier le licenciement, cette activité doit avoir causé un préjudice à l'employeur ou à l'entreprise (Cass. soc. 12-10-2011 n° 10-16.649 FS-PB ; Cass. soc. 21-11-2018 n° 16-28.513 F-D).

A noter :

Selon la Cour de cassation, le salarié en arrêt maladie ne manque pas à son obligation de loyauté lorsqu’il exerce une activité pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur (Cass. soc 26-2-2020 n° 18-10.017 FS-PB ; Cass. soc. 7-12-2022 n° 21-19.132 F-D). En revanche, le bien-fondé du licenciement a été admis en cas d'exécution par le salarié pour son propre compte d'une activité concurrente de celle de son employeur (Cass. soc. 21-10-2003 n° 01-43.943 F-P) et en cas de démarchage des clients de ce dernier au profit de la société de son conjoint (Cass. soc. 23-11-2010 n° 09-67.249 F-D).

Par un arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation répond pour la première fois à notre connaissance à la question de savoir si le préjudice causé à l’employeur peut ou non résulter du paiement intégral du salaire par ce dernier durant l’arrêt maladie. Elle répond aussi à celle de savoir s’il pourrait, le cas échéant, résulter de l’exercice par le salarié d’une activité pendant ses arrêts de travail qui aurait entraîné une aggravation de son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail.

En l’espèce, un opérateur de contrôle de la RATP ayant participé à plusieurs compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail est révoqué en raison d’un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur. Estimant ne pas avoir manqué à cette obligation pendant ses arrêts de travail, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de sa révocation.

La cour d’appel ayant jugé cette dernière sans cause réelle et sérieuse au motif que la participation régulière du salarié à des compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail n’avait causé aucun préjudice à la RATP et ne constituait donc pas un manquement du salarié à son obligation de loyauté, l’employeur s’est pourvu en cassation.

Le préjudice ne peut pas résulter du paiement intégral du salaire pendant l’arrêt maladie …

À l’appui de son pourvoi, l’employeur fait tout d’abord valoir que, lorsqu’il assure par lui-même la couverture des risques maladie, accident du travail et maladie professionnelle de son personnel dans le cadre d'un régime spécial de sécurité sociale, la participation du salarié, pendant un arrêt de travail intégralement rémunéré par l'employeur, à des activités non autorisées et manifestement incompatibles avec l'incapacité de travail à l'origine de son arrêt de travail, constitue un manquement du salarié à son obligation de loyauté. Le préjudice économique et financier en résultant pour l’employeur pourrait ainsi justifier son licenciement.

La Cour de cassation rejette cet argument. Après avoir rappelé les principes énoncés ci-dessus, la Haute Cour précise que le préjudice pour l’employeur ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés.

A notre avis :

La solution retenue ici par la Cour de cassation semble logique eu égard à celle retenue en cas de versement par l’employeur d’un complément de salaire durant l’arrêt maladie dans le secteur privé et selon laquelle le préjudice causé ne peut pas résulter du seul versement par l’employeur d’un complément de salaire durant l’arrêt maladie (Cass. soc. 26-2-2020 n° 18-10.017 FS-PB et Cass. soc. 7-12-2022 n° 21-19.132 F-D précités).

… mais peut découler de l’aggravation de l’état de santé du salarié du fait de l’activité exercée

L’employeur fait également valoir, à l’appui de son pourvoi en cassation, que l'exercice par le salarié, pendant un arrêt de travail, d'une activité physique manifestement incompatible avec l'incapacité de travail à l'origine de cet arrêt, susceptible d'aggraver son état de santé ou laissant présumer qu'il a en réalité recouvert la santé, constitue un acte de déloyauté du salarié, source d’un préjudice fonctionnel et économique.

La Haute Juridiction n’est pas davantage convaincue par cet argument et approuve la cour d’appel d’avoir jugé la révocation du salarié sans cause réelle et sérieuse. Pour elle, le salarié a participé à 14 compétitions sportives au cours des cinq arrêts de travail qui lui ont été prescrits sur l’année. La cour d’appel, qui a apprécié souverainement cette situation de fait, a considéré qu’il n’était pas démontré que cette participation aurait aggravé son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail. Elle en a déduit que le salarié n’avait pas manqué à son obligation de loyauté pendant la durée de l’arrêt de travail. La Cour de cassation, approuvant ce raisonnement, en conclut que le salarié n’avait pas commis la faute grave qui lui était reprochée.

A noter :

Cet arrêt constitue une nouvelle illustration du contrôle exercé par la chambre sociale de la Cour de cassation sur les vérifications opérées par la cour d’appel pour caractériser un manquement à l’obligation de loyauté. Si, dans celui-ci, elle considère que les juges du fond ont bien caractérisé l’absence de préjudice causé à l’employeur en relevant qu’il n’était pas démontré que la participation du salarié à des compétitions de badminton aurait aggravé son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail, elle en a jugé autrement dans un précédent arrêt rendu dans une affaire qui opposait déjà la RATP à l’un de ses salariés. Il était alors reproché à ce dernier, victime d'une maladie professionnelle affectant ses deux mains, et dans l'incapacité d'exécuter son travail de mécanicien, d'avoir participé à des courses de rallye. La cour d'appel, considérant que cette activité de loisirs était incompatible avec sa maladie, avait admis la légitimité du licenciement mais la Haute Juridiction avait censuré cette décision, considérant que les juges du fond n’avaient pas recherché si l'activité en cause avait porté préjudice à l'employeur (Cass. soc. 16-10-2013 n° 12-15.638 F-D). On notera que, dans l’arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation semble admettre que si l’employeur avait été en mesure de prouver une aggravation de l’état de santé du salarié en raison de son activité sportive, ou une prolongation de son arrêt de travail en résultant, alors son préjudice aurait été établi, et la rupture du contrat de travail aurait été légitime.

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Cass. soc. 1-2-2023 n° 21-20.526 F-D, Établissement Régie autonome des transports parisiens c/ M.

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