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24 novembre 2025
Droit syndical et droit de l’emploi. Alors que les deux premiers volets de la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025, consacrés aux parcours professionnels et à l’emploi des salariés expérimentés, présentent de nombreux liens, ce troisième volet couvre deux thématiques très différentes, l’une porte sur la succession de mandats de représentation, l’autre sur le régime d’assurance chômage.Â
Loi en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et sur l’évolution du dialogue social - 3<sup>e</sup> partie : parcours syndicaux et assurance chômage
Parcours syndicaux (art. 8)

Suppression de la limite au cumul du nombre de mandats successifs de représentant élu

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales (JO 23 sept.) avait instauré une limite de trois mandats successifs de membres de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE, C. trav., art. L. 2314-33, al. 2 à 5, anc.). L’objectif poursuivi était de favoriser le « renouvellement des salariés amenés à effectuer des mandats, dans un contexte de diminution des engagements syndicaux chez les jeunes salariés et de vieillissement de la population syndicale ».

Cette mesure n’a pourtant pas convaincu les partenaires sociaux, au point que sa suppression figure parmi les propositions portées par l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à l’évolution du dialogue social conclu le 14 novembre 2024, afin, selon l’article 2 de l’ANI, il s’agit de permettre « le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l’expérience et les compétences acquises, dans un objectif d’amélioration de la qualité du dialogue social ».

Le texte issu de l’ordonnance prévoyait une exception de droit pour les entreprises de moins de 50 salariés et permettait une dérogation dans le protocole d’accord préélectoral pour les entreprises dont l’effectif est compris entre de 50 et 300 salariés. Aucune dérogation n’était possible pour celles d’au moins 300 salariés.

La loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 supprime donc pour toutes les entreprises la limite au cumul des mandats d’élu au CSE. De fait, cette limite aura été peu appliquée. Seuls étaient pris en compte les mandats d’élus au CSE (et non ceux exercés au comité d’entreprise, au CHSCT ou en qualité de délégué du personnel), ce qui supposait qu’un élu ait cumulé trois mandats depuis le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance. Concrètement, seules les entreprises ayant conventionnellement réduit la durée des mandats à deux ans pouvaient être concernées.

Selon l’étude d’impact, la suppression de cette limite vise à « assurer une représentation des salariés de l’entreprise au CSE dans un contexte de diminution des engagements syndicaux chez les jeunes salariés, de permettre la valorisation des parcours syndicaux des salariés par une expérience et des compétences acquises à travers un temps long de la représentation du personnel et d’assurer le renouvellement des élus du CSE par la transmission des savoir-faire au sein du CSE » (Étude d’impact, 6 mai 2025, NOR : TSST2508279L, p. 72).

Conséquences sur les conditions de désignation d’un délégué syndical

La suppression de cette limite a pour effet de modifier les règles de désignation du délégué syndical.

Depuis la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 (JO 31 mars) ratifiant les ordonnances du 22 septembre 2017, lorsqu’aucun candidat présenté par l’organisation syndicale aux élections professionnelles n’a obtenu à titre personnel au moins 10 % des suffrages exprimés dans son collège, ou lorsqu’aucun candidat remplissant cette condition n’est encore présent dans l’entreprise ou l’établissement, ou renonce par écrit à être désigné, « une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l’article L. 2314-33 ».

La loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 supprime désormais toute référence à cette limite de durée. Une organisation syndicale pourra donc désigner un adhérent ou un ancien élu comme délégué syndical, dès lors que les autres conditions sont réunies. Indirectement, la suppression de l’encadrement des mandats successifs élargit ainsi le champ des personnes susceptibles d’être désignées.

Assurance chômage

Réduction de la durée d’affiliation pour les primo-entrants (art. 9)

La loi complète l’article L. 5422-2-2 du code du travail qui prévoit désormais que les conditions d’activité antérieures pour l’ouverture ou le rechargement des droits, ainsi que la durée des droits à l’assurance chômage, peuvent « être modulées en tenant compte soit de ce que le demandeur d’emploi n’a jamais bénéficié de l’allocation d’assurance, soit de ce qu’il n’en a plus bénéficié depuis un nombre d’années défini ».

Cet ajout a vocation à offrir un socle légal à la réduction de la durée d’affiliation pour les « primo-entrants » de six mois à cinq mois, telle que décidée par les partenaires sociaux dans la convention du 15 novembre 2025 relative à l’assurance chômage. Aucun texte n’autorisait auparavant une modulation de la condition minimale d’affiliation minimale en fonction de la situation de l’allocataire.

Les « primo-entrants » sont définis à l’article 2, § 3, de la Convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024 comme les salariés privés d’emploi ne justifiant pas d’une admission au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi au cours des vingt années précédant leur inscription.

Pour ces demandeurs d’emploi, la durée minimale d’affiliation requise est abaissée de manière dérogatoire à 108 jours (ou 758 heures), soit à cinq mois d’une période de référence de vingt-quatre mois (ou 36 mois selon l’âge).

Selon l’étude d’impact, l’objectif est de « permettre aux personnes qui soit n’ont jamais bénéficié de l’allocation d’assurance chômage, soit n’en ont plus bénéficié depuis une durée importante qui sera déterminée par la convention d’assurance chômage, de bénéficier de conditions d’accès plus favorables à cette allocation. Cette situation est en particulier susceptible de concerner des jeunes sortis du système éducatif et accédant au marché du travail qui ayant, par construction, peu travaillé sont moins susceptibles de remplir la condition d’affiliation minimale prévue par la réglementation d’assurance chômage. À l’inverse, seront également concernées des personnes, déjà entrées sur le marché du travail mais ayant connu des interruptions longues de leur parcours professionnel, suivies de reprises d’activités de courte durée (par ex., succession de CDD pour une durée totale de 5 mois, après un congé parental) » (Étude d’impact, préc., p. 79). La mesure qui « prévoit des conditions allégées de durée préalable d’affiliation […] afin de faciliter l’indemnisation de personnes qui, au terme d’une carrière fragmentée ou interrompue pendant longtemps, perdent leur emploi après une brève reprise […] ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi » (CE, ass., avis, 30 avr. 2025, n° 409.510, § 14 à 17).

Évolution du mécanisme de bonus-malus sur la cotisation patronale d’assurance chômage (art. 10)

Pour lutter contre la précarité de l’emploi, la modulation du taux de contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs a été instaurée par le décret du 26 juillet 2019 (Décr. n° 2019-797 du 26 juill. 2019, art. 50-3), puis prolongé par les décrets n° 2023-33 du 26 janvier 2023, Dalloz actualité, 3 févr. 2023, obs. C. Dechristé et n° 2024-963 du 29 octobre 2024. L’objectif du bonus-malus est d’inciter les entreprises à allonger la durée des contrats de travail et limiter le recours aux contrats courts.

Le bonus-malus module le taux de contribution en fonction du nombre de « fins » de contrats courts imputables à l’employeur. Il s’applique aux entreprises d’au moins onze salariés appartenant à des secteurs dont le taux de séparation moyen dépasse 150 %. L’entreprise est comparée à celles de son propre secteur pour tenir compte de ses spécificités. Le taux de contribution d’assurance chômage, fixé à 4 %, peut varier à la hausse (malus) ou à la baisse (bonus) en fonction du taux de séparation des entreprises concernées. Ce taux de séparation correspond au nombre de fins de contrats de travail ou de missions d’intérim assorties d’une inscription à France Travail, rapporté à l’effectif annuel moyen. Le montant est calculé en comparant le taux de séparation des entreprises concernées avec le taux de séparation médian du secteur d’activité, dans la limite d’un plancher (2,95 %) et d’un plafond (5 %). La dernière modulation des contributions au titre du bonus-malus sera applicable du 1er septembre 2025 au 28 février 2026, et sera calculée à partir des fins de contrat de travail ou de missions d’intérim constatées entre le 1er juillet 2024 et le 30 juin 2025.

L’avenant n° 2 du 14 novembre 2024 au protocole d’accord du 10 novembre 2023 relatif à l’assurance chômage du 27 mai 2025 – agréé par arrêté du 19 décembre 2024 (JO 20 déc.) pour une entrée en vigueur le 1er mars 2026 – propose plusieurs ajustements sur les « fins de contrats » prises en compte, les secteurs concernés et les périmètres de comparaison sectoriel des taux de séparation (v. Accord application n° 1 du 15 nov. 2024 relatif à la modulation de la contribution patronale d’assurance chômage). La notion de « fins de contrat » est donc un élément essentiel. Plus l’entreprise réduit son taux de séparation, plus elle démontre ses efforts pour réduire le nombre d’inscriptions à France Travail et donc moins elle paiera de contributions d’assurance chômage. Cela veut dire, concrètement, allonger la durée d’exécution des contrats de travail et réduire le nombre de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelles, etc. Sur ce point, les partenaires sociaux ont souhaité que seules soient prises en compte les fins de contrat d’une durée inférieure à trois mois et que soient exclues les « fins de contrats » relatives aux contrats saisonniers, aux licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle et aux licenciements pour faute grave ou lourde, trois cas qui s’ajoutent à la liste déjà existante (démission, contrat de mission entre l’intérimaire et l’ETT, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, contrat unique d’insertion, CDD d’insertion spécifiques à certains demandeurs d’emploi). Ces exclusions sur la base du motif de rupture du contrat nécessitaient une intervention législative, c’est désormais chose faite avec l’article 10 de la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 qui a modifié l’article L. 5422-12, 1°, du code du travail. Il aurait toutefois été pertinent que le législateur vise plus largement les « ruptures pour faute grave », englobant licenciements, ruptures de période d’essai et fins anticipées de CDD.Â

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Yannick Pagnerre, Professeur agrégé des facultés de droit, Université Evry Paris-Saclay, Conseil scientifique du cabinet Avanty avocats et Krys Pagani, Professeur associé, Université Evry Paris-Saclay, Avocat associé, Alkyne avocats
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