Le code du travail distingue deux formes de travail dissimulé : le travail dissimulé par dissimulation d'activité (C. trav., art . L. 8221-3) et le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié (C. trav., art. L. 8221-5).
La dissimulation d'emploi salarié est constituée lorsque l'employeur :
- s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration nominative préalable à l'embauche (DPAE) prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail ;
- s'est soustrait intentionnellement à la remise de bulletin de paie à chacun de ses salariés prévue à l'article L. 3243-2 du code du travail (ou d'un document équivalent défini par disposition réglementaire) ;
- a mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué (sont visés : le non-paiement d'une partie de la rémunération ; ou, le non-paiement des heures supplémentaires ; ou, le versement de primes destinées à compenser des heures supplémentaires ou des heures complémentaires, la non-prise en compte, dans le salaire, des temps de déplacement professionnels entre 2 clients) ;
- s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales, des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.
Remarque
initialement, l'article L. 8221-5 du code du travail ne visait pas la soustraction patronale aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations assises sur ceux-ci. Ce cas n'a été intégré qu'avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Dans cette affaire, un employeur avait omis de faire figurer sur le bulletin de paie d'un salarié l'avantage en nature que constituait la mise à disposition gratuite d'un logement de fonction. Il n'avait pas non plus réglé les cotisations sociales afférentes à cet avantage. Condamné en appel au versement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, il se pourvoit en cassation. Pour lui, l'absence de mention de cet avantage en nature sur le bulletin de paie et le non règlement des cotisations afférentes ne suffit pas à caractériser une dissimulation volontaire d'emploi.
La Cour de cassation ne suit pas son raisonnement.
L'avantage en nature donne lieu à paiement des cotisations et doit figurer sur le bulletin de paie
Tout d'abord, la Cour de cassation rappelle que la fourniture, par l'employeur, d'un logement constitue un avantage en nature qu'il y a lieu d'inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis.
En effet :
- un logement mis à disposition d'un salarié par l'employeur, à titre gratuit ou moyennant une participation financière minime, est considéré comme un avantage en nature et par conséquent comme l'accessoire du contrat de travail, dès lors que cette mise à disposition résulte de l'existence de ce contrat ;
- l'avantage en nature étant un élément de la rémunération assujetti aux cotisations de sécurité sociale, il doit être clairement indiqué sur le bulletin de paie (Cass. soc., 13 févr. 1980, n° 78-40.639 ; BOSS-AN-20) ;
- l'estimation de cet avantage est évaluée soit d'après la valeur locative cadastrale, soit forfaitairement.
Remarque
en l'espèce, pour prouver l'existence de la mise à disposition d'un logement de fonction, le salarié avait produit un certain nombre d'attestations précises et concordantes et des factures d'achat d'éléments mobiliers pour ce logement.
A défaut, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé est caractérisé
Si la Cour de cassation laisse aux juges du fond le soin de rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié, ce dernier doit tout de même être caractérisé (Cass. crim., 20 oct. 2015, n° 14-82.433).
Le manquement de l'employeur à l'obligation de mentionner l'avantage en nature sur le bulletin de salaire et de régler les cotisations sociales correspondantes caractérise-t-il cette intention de dissimulation ? C'est la question posée à la Cour de cassation dans cette affaire.
Dans une décision du 22 septembre 2011, prise sous l'empire de la législation antérieure aux évolutions de 2011 (voir remarque ci-avant), elle avait jugé que « le manquement de l'employeur à l'obligation de faire figurer sur le bulletin de paie la nature et le montant de tous les ajouts à la rémunération brute, dont les avantages en nature, et de ne payer les cotisations sociales en résultant ne [suffisait] pas à caractériser une dissimulation volontaire d'emploi dès lors que ce manquement ne [portait] pas sur la détermination des heures de travail accomplies » (Cass. soc., 22 sept. 2011, n° 10-12.180).
Remarque
l'employeur a d'ailleurs repris partiellement cette jurisprudence dans son argumentaire.
Mais la Cour de cassation ne reprend pas cette jurisprudence en s’appuyant sur un changement de rédaction de l’article L. 8221-5-3 issue de la loi du 20 décembre 2010 (voir la première remarque).
Elle relève que la Cour d'appel, ayant constaté que le salarié était logé par son employeur dans un bâtiment de l'entreprise, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, retenu que l'intention patronale de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie du salarié, était caractérisée.
Ainsi, elle suit l'avis de l'avocat général qui considère que « l'existence d'un avantage en nature, tel que la mise à disposition d'un logement, ne laisse pas de place à l'erreur quant à sa mention sur le bulletin de salaire et à sa soumission aux cotisations sociales ». « Il s'agit d'une omission dont l'importance caractérise en elle-même la mauvaise foi de l'employeur et donc le caractère intentionnel du manquement ».