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16 janvier 2023
Le contrôle administratif du motif économique de licenciement d'un salarié protégé ne doit pas conduire à exiger que la décision prise par l’employeur soit « strictement nécessaire » à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. L'employeur reste maître des choix de gestion.
Jusqu’où va le contrôle de l’inspecteur du travail sur le motif économique de licenciement ?
©Lefebvre-Dalloz

Dans un arrêt du 15 novembre, qui sera mentionné aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État vient de préciser les limites du contrôle de l’administration saisie d’une demande d’autorisation de licenciement fondée sur le refus d’un salarié protégé d’une modification de son contrat de travail pour motif économique.

Une proposition de modification du salaire pour motif économique rejetée par le salarié protégé

Dans cette situation, l'inspecteur du travail doit rechercher si la modification du contrat était elle-même justifiée par un motif économique (CE 23-7-2014 n° 362234). Le contrôle du motif économique s’exerce dans les mêmes conditions qu’en cas de licenciement faisant suite à une suppression d’emploi.

En l’espèce, le salarié protégé, élu du personnel, s’était vu proposer une modification de sa rémunération pour un motif économique. La société souhaitait mettre en œuvre une réorganisation jugée nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, dans un contexte de modification des normes européennes concernant les entreprises d’investissement, et d’une concurrence accrue sur le marché des services financiers.

Le salarié ayant refusé la modification de sa rémunération, l’employeur avait sollicité une autorisation de licenciement, qui avait été délivrée par l’inspection du travail.

L’élu du personnel ayant formé un recours, la décision avait été annulée par le tribunal administratif, approuvé par la cour administrative d’appel. 

Cette dernière reprochait à l’inspecteur du travail d’avoir autorisé le licenciement sans avoir recherché si la proposition de modification du contrat était « strictement nécessaire » au motif allégué, à savoir la sauvegarde de la compétitivité.

Le contrôle du motif économique ne va pas jusqu’au contrôle des choix de gestion

Le Conseil d’État énonce qu’en posant cette exigence, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. L’inspecteur du travail doit en effet s’assurer que la modification est « justifiée » par le motif économique, et non pas « strictement nécessaire ». La solution signifie que le contrôle de l’administration s’arrête à la vérification d’une situation économique pouvant se traduire par la proposition de modification du contrat, sans exiger que cette dernière soit la seule solution possible pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

L’arrêt confirme la « limite haute » du contrôle administratif sur le motif économique tenant à la sauvegarde de la compétitivité, exprimée par le commissaire du gouvernement dans des conclusions relatives à un arrêt rendu en 2006 (CE 8-3-2006 n° 270857) : le contrôle du juge est ainsi enserré entre une limite basse selon laquelle le licenciement doit être nécessaire à la sauvegarde d’une compétitivité réellement menacée et une limite haute selon laquelle il n’est pas nécessaire que le licenciement soit « indispensable » à cette sauvegarde, car le juge ne doit pas substituer son appréciation des choix de gestion à celle de l’employeur (cité dans C. Boetsch et al., Le droit du licenciement des salariés protégés, 6e éd. p. 1090).

À cet égard, la solution de la Haute Juridiction administrative rejoint celle adoptée par l’assemblée plénière, puis par la chambre sociale de la Cour de cassation, selon laquelle il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les différentes solutions possibles pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise (Cass. ass. plén. 8-12-2000 n° 97-44.219 ; Cass. soc. 24-3-2010 n° 09-40.444 F-D ; Cass. soc. 29-2-2012 n° 10-26.185 F-D).

A noter :

Dans cet arrêt, le Conseil d’État reproche également à la cour administrative d’appel d’avoir méconnu son office en rejetant l’appel de la société sur la décision administrative après avoir jugé illégale la décision de l’inspecteur pour les raisons précitées, alors qu’il lui appartenait de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de cette appréciation du motif économique par l’inspecteur du travail, sans s’arrêter à une étape intermédiaire de son analyse. Cette solution est à rapprocher d’arrêts rendus, s’agissant du licenciement du salarié protégé, en matière d’obligation de reclassement (CE 12-4-2022 n° 442338), de périmètre d’appréciation du motif économique dans un groupe (CE 29-6-2020 n° 417940) et d’inaptitude et impossibilité de reclassement (CE 18-11-2020 n° 427234).

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