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4 novembre 2025
Inaptitude résultant d'un accident de trajet, obligation de reclassement, calcul des indemnités liées au licenciement pour inaptitude : des précisions sont apportées sur ces différents points par la Cour de cassation.

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts ces deux derniers mois apportant des précisions intéressantes, notamment, sur le refus du salarié d'un poste qu'il juge non conforme, l'incidence d'un accident de trajet sur le régime du licenciement pour inaptitude, le droit et le calcul des différentes indemnités en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle.

Nous vous présentons un panorama de cette jurisprudence dans le tableau ci-après. Pour plus de développement sur ces arrêts, vous pouvez vous référer à l'étude « Inaptitude au travail »  du Dictionnaire permanent social (Elnet social).

Contexte juridique et factuel

Solution de la Cour de cassation

Inaptitude d'origine professionnelle : quid en cas d'accident de trajet ?

  • Lorsqu'un salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, est licencié pour inaptitude, le salarié est mieux indemnisé qu'en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle : il a droit à l’indemnité spécifique de licenciement égale au double de l’indemnité légale (ou à l'indemnité conventionnelle si elle est plus favorable) et à une indemnité compensatrice équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis (C. trav., L 1226-14).

  • Qu'en est il lorsque l'inaptitude résulte d’un accident de trajet pris en charge par la caisse d'assurance maladie comme un accident du travail ?

  • La protection instaurée par le code du travail en faveur des salariés licenciés pour inaptitude d'origine professionnelle ne s'applique pas au salarié dont l'inaptitude est la conséquence immédiate ou indirecte d'un accident de trajet. C 'est le régime de l'inaptitude d'origine non professionnelle qui s'applique.

  • Cass. soc 24 sept. 2025 n°24-16.960

Qualification de l’origine professionnelle de l’inaptitude

  • Les règles protectrices applicables aux victimes d’un AT/MP s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement (jurisprudence constante :  Cass. soc., 28 févr. 2024, n° 22-19.878).

  • L'inaptitude a-t-elle une origine professionnelle lorsque les juges du fond relèvent que l’inaptitude au poste avait au moins en partie pour origine des conditions de travail dégradées dans l’entreprise ayant eu pour conséquence un syndrome d’épuisement professionnel (burn-out) et que l’employeur en avait connaissance en raison de la formulation de l’avis d’inaptitude ?

  • Non ce constat n'est pas suffisant car les juges n’ont pas constaté expressément que l’inaptitude avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle .

  • Cass. soc., 24 sept 2025, n°24-17.607

Refus du reclassement par le salarié pour non-conformité du poste

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail (C. trav., art. L. 1226-12). Autrement dit la présomption du respect de l'obligation de reclassement est subordonnée à l'obligation de proposer un poste de reclassement conforme. 

  • Mais comment prouver  que l’emploi est conforme?

  • En l'espèce, un salarié monteur vendeur a été placé en arrêt de travail suite à une maladie professionnelle. Après une visite de préreprise puis de reprise, le médecin avait considéré difficile la reprise du travail à son poste et avait préconisé un poste de vendeur sans gestes répétitifs des membres supérieurs et sans gestes « bras au-dessus de la ligne horizontale des épaules »

  • L’employeur a proposé un poste de vendeur que le salarié a refusé au motif que ce poste ne respectait pas les préconisations du médecin du travail. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il conteste.

  • Pour l’employeur, le poste était conforme au motif qu’il avait informé le médecin du travail qu’un poste de vendeur respectant les préconisations allait être proposé

  • « Lorsque le salarié conteste la compatibilité de l'emploi proposé avec les recommandations du médecin du travail émises dans l'avis d'inaptitude, il appartient à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis de ce dernier » . A défaut, l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement et le licenciement est abusif.

  •  La Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel qui avait relevé les trois points suivants :

  1. il n’était pas établi que le poste de vendeur avait été validé par le médecin du travail au vu d’un descriptif précis du poste

  2. le contenu de l’échange entre l’employeur et le médecin du travail évoqué dans l’avis d’inaptitude est inconnu

  3. le courrier évoqué par l’employeur dans lequel il précisait au médecin du travail qu'il allait, conformément aux préconisations contenues dans l'avis d'inaptitude, proposer le poste de vendeur au salarié, ne "précise aucunement les tâches accomplies par un vendeur" .

  • en l'espèce, il y avait effectivement un doute sur la conformité du poste car il n'était pas sûr que l'interdiction faite par le médecin du travail de proposer un poste avec des gestes répétitifs des bras et au-dessus des épaules ait été prise en compte. Il est donc conseillé à l'employeur, lorsqu'il propose un poste de faire un descriptif de poste comportant toutes les préconisations du médecin du travail et en cas de doute, de contacter à nouveau le médecin du travail pour avoir son aval.

  • il s'agit d'une confirmation de la jurisprudence prise avant la réforme de la procédure d'inaptitude issue des ordonnances Macron.

Obligation de reclassement

  • Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit lui proposer un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail. Quid si le salarié n' a pas la formation initiale requise ? 

  • En l'espèce, un salarié, garde du canal des Alpines,  a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il conteste l’impossibilité de reclassement. Il estime qu’on aurait dû lui proposer le poste de chargé de mission irrigation.

  • La cour d’appel lui fait droit et estime le licenciement sans cause réelle ni sérieuse au motif que l’employeur n’avait pas fait une recherche loyale et sérieuse de reclassement.

  • La Cour de cassation n'est pas de cet avis : les juges du fond auraient dû rechercher si le salarié disposait du diplôme et des compétences techniques nécessaires pour occuper un poste de chargé de mission irrigation et si ce poste ne nécessitait pas de mettre en œuvre une formation initiale ou qualifiante qui lui faisait défaut. La cour de renvoi devra faire cette recherche.

  • Or en l'espèce, l'employeur avait fait état que ce poste nécessitait une formation de base différente de celle du salarié et relevait d’un autre métier. Le salarié n’avait aucun diplôme ni même le bac alors que le poste de chargé de mission nécessitait un diplôme de l’enseignement supérieur d’ingénieur, une maîtrise d’un outil informatique, des aptitudes à l’animation de groupe. Le  candidat recruté avait 3 ans de classe prépa, un master eau et agriculture, un diplôme d’ingénieur de l’école nationale du génie de l’eau…

  • Cass. soc., 22 oct. 2025, n°24-15.848

Nature de l’indemnité compensatrice  en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle

  • Le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit à l’indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis (L 1226-14).

  • Selon une jurisprudence constante, cette indemnité n'a pas la nature de salaire. Ce qui a plusieurs conséquences. 

  • Dans deux arrêts, la Cour de cassation rappelle les conséquences de la nature indemnitaire de l'indemnité compensatrice  :

  1. elle n’ouvre pas à l’indemnité de congés payés (Cass. soc., 8 oct. 2025, n°24-18.851);

  2. elle n’a pas pour effet de reculer la date de la cessation du contrat (qui est la date de notification du licenciement). Ainsi le préavis n’est pas pris en compte pour la détermination de l’ancienneté à retenir pour le calcul de l’indemnité spéciale de licenciement (Cass. soc., 22 oct. 2025, n°24-17.826). Attention ! il en va différemment en cas d'inaptitude non professionnelle

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Nathalie LEBRETON
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